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  • Entre cartes et territoire

    12973383_10209231662655482_4166016931730070360_o.jpgChemin faisant (143)

    La France en relief . - On peut trouver déplaisant le personnage de l'amer Michel: ce n'en est pas moins un phénoménal lecteur de la réalité contemporaine française et mondialisée, et traverser la France actuelle nous rappelle à tout moment les pages de La carte et le territoire de Michel Houellebecq.

    Cela étant il est une autre façon de lire le territoire, au moyen d'une autre carte, telle par exemple que celle qu'a déployée hier Lady L, en relief coloré et enrichie d'innombrables motifs peints, lui rappelant son enfance autant qu'à moi.


    Foin de sociologie déprimante et d'idéologies territoriales ou identitaires; voici retrouvée la carte du tendre propice à une lecture par les pieds et les yeux et nos cinq sens et notre bonne humeur vagabonde - voici la France des curiosités détaillées a chaque pas, des cressonnières de Veules-les-roses à la pêche au pied le long de l'estran de Veulettes-sur-mer.

    12932644_10209223683976020_3137228614597134199_n.jpgLes Chinois de Noyelles-sur-mer.- - Ce n'est pas sur une carte mais en plein territoire de douce France bocagère oublieuse de deux guerres atroces que le peu banal panneau indicateur en deux langues nous est apparu: Cimetière chinois. Or rien de ce qui est peu banal ne nous étant étranger, le détour s'imposait, qui nous a fait découvrir plus de 800 de tombes militairement alignées quoique toutes de civils chinois engagés au service de la France en guerre, par l'entremise des Anglais, au titre de l'aide aux populations locales.12924368_10209223687696113_4224316468877366584_n.jpg

    12472591_10209223698336379_7113837979065977530_n.jpg12920237_10209223701376455_6007400506172557043_n.jpgTraités un peu comme des bêtes de somme, voire des détenus, beaucoup de ces oubliés de l'histoire de la Grande Guerre succombèrent finalement à diverses épidémies, dont la grippe espagnole, comme en témoigne encore la litanie des dates de leurs décès par "volées journalières. Du moins leurcimetière reste-t-il là pour honorer leur mémoire, leurs tombes bien entretenues et parfois fleuries, et d'émouvants témoignages de visiteurs et autres descendants de ces premiers émigrés...

    12967479_10209229013909265_1406951847692445478_o.jpgEscale aux Frégates.- Un touriste mal avisé,sur Internet, s'en prend à l'hôtel des Frégates, à Veulettes -sur-mer, où nous sommes descendus hier soir, au motif qu'il est par trop proche de la centrale electro-nucléaire de Paluel.

    12983935_10209229002828988_8687924161815081036_o.jpgMauvais procès, dirons-nous hors de tout débat sur la question - nous sommes viscéralement contre le nucléaire -, tant l'accueil de la jeune et compétente équipe des Frégates tranche sur le laisser-aller ou la morgue d'autres établissements ne visant qu'à profiter du tourisme de masse, comme dans l'exécrable brasserie du Touquet dont la malbouffe de l'autre soir aura attenté àl'intégrité intestinale d'une Lady L. pourtant robuste.

    12983452_10209229015349301_6892076859604199024_o-1.jpgCeux qui tâtent des menus "marins des Frégates n'ont rien à craindre au demeurant, de la proximité de la centrale de Paluel. De pédagogiques pancartes rappellent d'ailleurs l'interdiction de la pêche à pied à l'aplomb du site atomique, alors que la clientèle de l'hôtel est priée, par souci écologique, e fermer le robinet d'eau courante pendant qu'elle se brosse les dents, économisant ainsi 12 litres du précieux liquide non salé...

     

  • Cap sur les caps

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    Chemin faisant (142)

    Caps de mémoire.- "Laissez venir l'immensité des choses", écrivait Ramuz, et je me le rappelle à chaque fois que nous en revenons à la réalité géographique du monde, loin de la jactance des médias. L'immensité de l'histoire compte évidemment, mais elle reste le plus souvent abstraite. 500108_986_485_FSImage_1_cote_opale1.jpgOr ce que nous aurons laissé venir à nous aujourd'hui tenait à la fois à l'immensité géographique de la côté d'opale découverte au sud de Calais, dont les collines ondulées au-dessus des gazons bordés de falaises évoquent la haute Toscane, et à l'omniprésent rappel de la guerre en ces lieux stratégiques symbolisés par les vestiges du mur de l'Atlantique.


    Entre les deux caps blanc et gris, les oiseaux transitent et font se braquer les appareils sophistiqués des ornithophiles amateurs tandis que les jeunes garçons imaginent de vraies canonnades d'un rivage à l'autre - au loin se distingue la vague ligne blanche des falaises de la perfide Albion, Shakespeare's Cliff & Company; et puis, entre les deux caps se dresse un énorme bunker boche transformé en musée et flanqué d'un canon toujours braqué sur l'Angleterre, tandis qu'une petite pancarte interdit au visiteur de fouler la pelouse du "lieu de mémoire".

    12977092_10209221028109625_5860917605912614753_o.jpgPic de hideur. - Le nom de Stella-plage m'ayant induit en rêverie balnéaire vintage (avec transats jaunes ou à rayures bleues face à l'océanique immensité, où la sténo-dactylo passe son congé payé à fumer ses Mary Long filtre en rêvant à quelque prince charmant en costume de tennisman), j'avais proposé à Lady L. d'y pousser une première pointe avant Le Touquet.
    Hélas quelle erreur, ou plus exactement: quelle horreur ! En son front de mer , de part et d'autre d'un terrain vague jonché de détritus et d'un parking bouchant la vue sur la mer, Stella-plage n'aligne que bâtisses décaties et moches constructions de vacances, sans une terrasse avenante ni trace d'autre restau qu'une sinistre brasserie. 12973259_10209221085311055_6486150917596857437_o.jpg
    Triste débouché négligé d'une zone où pullulent les propriétés de super-luxe, véritable injure au moindre soupçon d'intelligence urbanistique malgré le bluff ringard annonçant un paradis avec vue sur la mer...

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    Chic et toc du Touquet.
    - Le seul nom de Paris-plage dit tout, qui fait du Touquet la parfaite illustration de l'esprit binaire à la française, entre castels royaux (ou simili-royaux) dans les bois environnants, et pavillons populaires, jardins somptueux et pelouses miteuses, vitrines rutilantes et boutiques à remettre.

    Paris sur mer, au Touquet, c'est d'un côté le Menu Gainsbourg de chez Flavio ou les soirées étoilées (toque, toque, toque) du palace Manchester, et de l'autre les restaus alignés de la zone piétonne où les brasseries plus ou moins chic des Années folles se la jouent à prix surfaits, front de mer entièrement plombé par de hautes bâtisses sans une terrasse (à une exception près, de la chaîne Hippopotamuus) avec vue sur l'inévitable parking.
    AK-Le-Touquet-Paris-Plage-hotel-Carlton.jpgDe vieilles images sépias rappellent un Touquet de rêve (pour les riches) aux vastes plages de sable et de vent propices aux premiers congés payés, mais l'humanité de Houellebecq a remplacé celle de Proust ou de Léautaud, et c'est ailleurs qu'on ira chercher l'immensité des choses...

  • Poésie de Bruges

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    Chemin faisant (141)

    Élégie à l'amour perdu. - Tout à été écrit sur la poésie de cette ville comme ensablée dans le temps, mais tout est aujourd'hui à relire tant l'époque est à l'agitation distraite et à la consommation pressée, aux circuits et aux programmes.

    Comme à Venise le soir, les ruelles et les quais ne tardent pas à se rendre au silence où retentit votre seul pas, et voici que vous réentendez cette voix préludant au récit déchirant d'un veuvage, tel que le module le roman mystique et mythique à la fois que Georges Rodenbach publia en 1892 sous le titre de Bruges-la-Morte, qui associe un grand deuil et l'évocation rédemptrice d'une ville-refuge.
    RV-AF225_MASTER_G_20111209015126.jpgEn préambule, ainsi, avant d'introduire son protagoniste au nom d'Hugues Viane, l'auteur présente la ville comme un autre personnage combien présent: "Dans la réalité, cette Bruges qu'il nous a plu d'élire apparaît presque humaine. Un ascendant s'établit d'elle sur ceux qui y séjournent. Elle les façonne selon ses rites et ses cloches".

    Or faisant écho au romancier, maints poètes, de Baudelaire à Rilke ou de Zweig à Verhaeren ont dit eux aussi le "sourire dans les larmes" de Bruges, selon l'expression de Camille Lemonnier, "le sourire de cette tendre, vivante, spirituelle lumière, avivée ou décolorée selon les heures, aux heures où la grande buée grise s'entrouvre" et prolongeant la mélancolie de Rodenbach Henri de Régnier dit à son tour la "Belle Morte, dont le silence vit encore / Maille à maille et sur qui le carillon étend / Linceul aérien, sa dentelle sonore"...

    Miller contre McDo. -Si vous êtes choqué par la présence d'un débit de junk food au cœur du vieux quartier de Bruges, dans une haute et vénérable maison à blason, c'est sous la plume d'un Américain des plus civilisés en dépit de sa dégaine de libertin bohème que vous trouverez le meilleur interprète de votre rejet.

    "Je suis sorti du labyrinthe stérile et rectiligne de la ville américaine, échiquier du progrès et de l'ajournement", écrit Henry Miller dans ses Impressions de Bruges. "J'erre dans un rêve plus réel, plus tangible que le cauchemar mugissant et climatisé que les Américains prennent pour la vie." Et de noter ceci encore, datant de 1953 mais qui reste si juste aujourd'hui, sinon plus: "Ce monde qui fut si familier, si réel, si vivant, il me semblait l'avoir perdu depuis des siècles. Maintenant, ici à Bruges, je me rends compte une fois de plus que rien n'est jamais perdu, pas même un soupir. Nous ne vivons pas au milieu des ruines, mais au cœur même de l'éternité".

    Un temps retrouvé. - Comme Venise, Bruges est en effet hors du temps et au cœur de celui-, dans l'ambiguïté d'un rêve plus que réel. "Le temps, le lieu, la substance perdaient ces attributs qui sont pour nous leurs frontières", remarque le Zénon de Marguerite Yourcenar, dans L'Oeuvre au noir, marchant lui aussi "sur le pavé gras de Bruges", qui a soudain l'impression de se sentir traversé, comme d'un vent venu de la mer, par "le flot des milliers d'êtres qui d'étaient déjà tenus sur ce pont de la sphère", alors même qu'il lui semble n'avoir jamais quitté Bruges de toute sa vie où il vient à vrai dire de se retrouver à la courbe de son temps perdu et retrouvé.

    Et Michel de Ghelderode de conclure à son tour: "Oui, Bruges possède ce don hypnotique et dispense de singulières absences. Quand on revient à soi, on est chez Memling: le panneau sent l'huile, vient d'être achevé. Il y a en Bruges quelque chose qui finit dans quelque chose qui commence : le Songe"...

  • Les sorcières et le démon

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    Chemin faisant (140)

    Un gynocide chrétien. - Les murs de l'ancien Hospice de saint Jean, à Bruges, accueillent ces jours une exposition aux images aussi convulsives que les tableaux d'un Jérôme Bosch, évoquant les multiples scènes de torture et autres exécutions par le fer et le feu de milliers de sorcières convaincues par les séides de la sainte Église de relations coupables avec Satan.

    En tant que Vaudois passant par là, nous devrions baisser le nez puisqu'un chiffre monstrueux apparaît sur un panneau lumineux au début de l'exposition annonçant 9000 procès en sorcellerie et 5000 morts pour le seul pays de Vaud entre 1440 et 1480 !!!

    Or on sait que, si l'Inquisition catholique ET protestante, en Suisse, fut dix fois plus sévère en Suisse, entre le XVe et le XVIIe siècle, qu'en France, et fit cent fois plus de victimes qu'en Italie, les chiffres exacts diffèrent pour le moins du panneau belge. De fait, ce n'est pas au seul pays de Vaud mais dans l'ensemble de la Suisse qu'on a dénombré, sur trois siècles, plus de 3000 exécutions, le plus souvent par le feu. Pas de quoi être fier, les Suisses, mais faudrait pas pousser non plus, les Belges...

    heksen5.jpgOn ne s'étonnera pas, là-dessus, que plus de 60 % des accusés aient été des femmes, et la majorité des "sorciers" de pauvres bougres mal vus de leurs voisins. Les touristes processionnant à Bruges sont moins bien informés de tout ça que ceux qui se pointèrent au château de Chillon, haut lieu de détention et de torture en ce rude passé, où se tint en 2012 une exposition documentant plus sérieusement (!) les "sabbats de sorcières"...

    12983455_10209205485961081_3005369413005911505_o.jpgLe talent du Diable. - Pablo Picasso eût-il mérité d'être brûlé vif s'il avait sévi cinq cents ans plus tôt ? Sûrement ! De fait, vouer un don artistique aussi bonnement divin à des sujets tels que la femme non voilée ou le taureau, la colombe pacifiste ou le péché de chair ne peut être qu'inspiré par le diable. Fort heureusement, peu de visiteurs s'égarent dans l'exposition couplant ici 300 dessins et gravures du génial Pablo et trois salles dédiées à son compère Juan Miro. Cependant, hérétiques que nous sommes, c'est bien là que nous avons choisi de prendre notre pied, plus qu'au musée du chocolat ou de la bière. Une fois de plus, en tout cas, la créativité stupéfiante de Picasso émerveille !

    L'abbé Brel et le Polonais. - Sur la terrasse d'une brasserie du Markt, un serveur d'origine polonaise mais né en Belgique et établi à Knokke-le Zoute, nous dit tout le bien qu'il pense de Jacques Brel, qui a eu bien raison selon lui de brocarder les cul-bénits flamands, et tout le mal des Polonais de la dernière émigration, plombiers & Co, qui visitent désormais Bruges en touristes parvenus.

    Or en dépit de vagues menaces terroristes, des troupeaux de touristes n'en finissent pas en effet, sur les itinéraires fléchés et supposés obligatoires - que nous évitons pour notre part - de faire ressembler la "Venise du nord" à la Sérénissime en ce que celle-ci a de pire: les foules hagardes et les boutiques de toc, les prix surfaits et certaine muflerie entachant la vénérable splendeur du lieu aux recoins d'un charme persistant...

  • Humaines entreprises

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    Chemin faisant (139)

    Digues et colonies. - "Dominer pour servir" fut la devise d'un gouverneur du Congo Belge nommé Pierre Ryckmans, oncle d'un sinologue passionné de littérature marine au même nom de Ryckmans Pierre, plus connu sous son pseudo littéraire de Simon Leys. Patriote et catho fervent, Pierre Ryckmans (l'oncle) fut à la fois un colonial exemplaire sincèrement attaché à l'Afrique et aux Africains, mais son service ne passait pas moins par une domination dont son neveu découvrit sur place, au début des années 60, la réalité combien injuste et parfois scandaleuse.
    Unknown-4.jpegC'est en roulant entre digues et barrages, hier en Zélande, que je nous lisais, dans la remarquable bio consacrée à Simon Leys par Philippe Paquet, le récit des diverses vies des oncles de Ryckmans-Leys, plus entreprenants et originaux les uns que les autres, sans excepter un père lui aussi passé par l'Afrique avant son retour en Belgique.

    Barrage-plan-Delta-aux-Pays-Bas_0.jpgDominer la nature et servir l'homme: c'est la variante lisible dans le très impressionnant système de digues, de barrages, d'écluses, de ponts immenses et de tunnels, qui marque la lutte séculaire des Hollandais contre les eaux - la dernière inondation catastrophique remontant à 1953, qui frappa nos imaginations enfantines...

    Questions d'identité. - La bio de Simon Leys m'a été offerte par mon ami franco-allemand Florian R., qui nous parlait l'autre soir à La Désirade, où il nous rendit visite avec son compère vulcanologue Thomas B., de sa difficulté à définir son appartenance à un lieu défini après avoir passé une partie de son enfance en Normandie et fait ses écoles en Savoie puis à Lyon.

    Or recevant à l'instant,sur mon i-Phone, des messages de nos filles se trouvant respectivement en Californie et à Phuket, je ne m'étonne pas plus de cet état d'âme un peu flottant que du désarroi du protagoniste du roman Allegra de Philippe Rahmy, que nous lisons en alternance entre moulins et polders, lequel personnage, au prénom d'Abel, se débat entre des parents algériens, une jeune compagne anglaise et un employeur iranien - tel étant le monde où dominations et servitudes s'embrouillent...

    images.jpegUne boussole affolée.- L'i-Phone de Lady L. est pourvu d'une boussole, à laquelle nous avons demandé de nous indiquer le Nord, hier sur la place du Markt de Bruges, tandis que nous nous régalions de carpaccio et de raviolis peu flamingants, mais Tintin pour obtenir l'indication magnétique !
    Est-ce à dire que tous nos repères soient perdus comme le serinent d'aucuns ? Foutaises ! Les terrasses à moitié désertes, hier soir à Bruges, ont-elles à voir avec les récents attentats de Bruxelles, et la boussole de Lady L cherche-t-elle le Nord du côté de La Mecque ou de Panama ? Nous n'en savons rien et n'en avons cure ce matin, protégés par autant de digues de sens commun que de barrages d'humour, tout fringants à l'idée de découvrir la Venise du nord dont l'un des vénérables palais, à la façade ornée des blasons de la haute aristocratie marchande de jadis, abrite désormais un McDo...

  • Au top style Trump

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    Chemin faisant (138)

    Chez les battants. - À cette nouvelle étape de notre virée batave, l'hôtel Van der Valk Exclusief choisi par Lady L. sur Booking.com dispose d'une piscine en son 14e et dernier étage donnant sur une rocade d'autoroute et les lointaines superstructures industrielles de Rotterdam, et jouxtant la piscine d'eau salée (je n'invente rien: je décris) se trouvent une cabine de sauna et un espace fitness doté d'engins dernier cri.
    Or nous y pointant à 16h, nous faisons le constat: pas un chat dans la piscine, ni dans la cabine de sauna, pas plus que sur les rutilantes machines permettant aux battants de se maintenir à la top forme. Conclusion: les battants sont au taf après le déjeuner d'affaires dont nous les avons vu sortir quand nous sommes entrés dans la tour rouge brique tous chaussés (je ne fais que décrire sans rien inventer) de pompes extrêmement longue et pointues, le plus souvent lustrées et parfois ornées de motifs fantaisie - à Bois-le-Duc on en voyait avec des détails empruntés à l'imagerie de Jérôme Bosch - tel étant l'un des derniers signes distinctifs des battants...

    Le battant battu. - Le protagoniste du dernier livre de Philippe Rahmy, dont je nous ai fait hier la lecture sur l'autoroute reliant Enschede (lieu d'origine de Booking.com, soit dit en passant) et Doodrecht, est un jeune battant déchu, originaire d'Algérie mais sans rien d'un Salalouf, fils de boucher installé à Londres où il vient de perdre son job de trader et souffre doublement de la déprime agressive de sa jeune femme Lizzie et des menées sadiques de son boss Firouz.


    12916163_10209183593933794_2009422055035378436_o.jpgL'implacable récit d'Allegra - évoquant notamment la terrifiante mort d'un grand cerf lors d'une chasse initiatique, et l'abattage d'une jument hors d'usage - à scandé notre voyage jusqu'à l'apparition des moulins "de mémoire " de Kinderdijk, après que ma bonne amie m'eut prié de cesser cette trop éprouvante lecture.
    Pour ma part cependant, guère fasciné par les pompes et autres piscines des battants, je me suis dit: voilà du sérieux, merci Rahmy. De fait, c'est ainsi, frontalement, et sans donner dans le moralisme tendancieux, qu'il faut parler de la réalité contemporaine où un trader peut virer SDF plus vite qu'on ne le croirait.

    12916311_10209189563643033_7525886259759839777_o.jpgL'ordure menace. - il est 3h du mat' et je pallie l'insomnie (la bisque et le crabe douteux d'hier soir) en égrenant ces notes soudain interrompues par une alerte de l'association Avaaz qui me demande de signer une pétition contre Donald Trump l'ordurier contempteur des femmes (bimbos ou fat pigs), des Mexicains (violeurs) et autres métèques fils de bouchers sûrement djihadistes. Or le geste à beau être dérisoire: je signe.
    12961144_10209189565883089_1433220553529763930_o.jpgCe soir nous serons à Bruges dont la prison de haute sécurité abrite quelques Salaloufs endiablés, mais de Bruges nous ne verrons que la vieille beauté.
    Les ordures menacent, mais notre amour est plus fort que la mort et notre coeur plus imprenable que les fortunes planquées au Panama par les mêmes salopards de partout. Par les baies de la piscine au bord du ciel, en début de soirée, un arc-en-ciel intégral nous a été offert en Bonus. Thanks God and Trump be damned !

  • Ripley à Enschede

    12901466_10209183814859317_6669029358130306533_o.jpgChemin faisant (137)

    Notre ami W. - C'est un peu en mémoire de sa dernière compagne M., antérieurement épouse du photographe d'art A., oncle de Lady L., que nous avons fait escale chez l'ami W. dont la ressemblance saisissante avec l'acteur John Malkovitch m'a frappé dès notre première rencontre à Amsterdam où il vivait alors avec M., décédée il y a deux ans de ça. 

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    Or le manque de lumière de leur appartement d'Amsterdam a incité W., informaticien à la retraite et très porté sur le jardinage, à faire l'acquisition de cette maison en banlieue très classe moyenne, pourvue de grandes fenêtres et d'un jardin-patio ni trop chiche ni trop vaste, dont les racine de trois grands bouleaux en sa bordure compliquent un peu les vacations jardinières.


    images-1.jpegW. se trouve cependant heureux dans cet environnement conjuguant nature et confort, avec le bonus d'une bonne bibliothèque, d'une collection de disques éclectique (ABBA, Bach, les Bee Gees, Beethoven, Brel, etc.) et l'héritage des tableaux de M. qui fut liée à tout un milieu artiste de pointe des années 50-60. Une belle aquarelle de Pieter Defesche témoigne de ce passé de la meilleure bohème que notre bien regrettée K., mère de Lady L. fréquenta elle aussi en son âge de jeune fille en fleur...

    Unknown-1.jpegUnknown-2.jpegEntre virtuel et plus-que-réel. - John Malkovitch a composé un baron de Charlus assez improbable dans le film de Raoul Ruiz tiré de la Recheche du temps perdu, mais notre ami W. n'a vraiment rien d'un vieil aristocrate aimant se faire fouetter par de jeunes cochers. En revanche il me rappelle assez le mémorable Tom Ripley campé par le même Malkovitch dans Ripley's game, l'une des adaptations passables des romans de Patricia Highsmith au cinéma. 

    Unknown.jpegOr l'idée, hier dimanche, de nous balader en compagnie du plus atypiquement discret des assassins, dans la foule un peu barbare du marché d'Enschede, nous a divertis et plus encore en partageant avec lui le Menu Zorba d'un restau grec, arrosé de vin liquoreux de Samos après l'ouzo de bienvenue; et le récit d'un voyage de l'ami W. en Pologne, avec sa compagne M., à bord de leur camping-car bleu, n'a laissé de nous faire imaginer quelque montage criminel intéressant autour d'un trafic de tableaux du genre qui a enrichi l'inquiétant Tom Ripley. Sur quoi nous sommes rentrés tranquillement dans la banlieue pavillonnaire d'Enschede où le meurtre le plus fréquent se commet à la télé...

    12916163_10209183593933794_2009422055035378436_o.jpgL'insoutenable dureté de l'être selon Philippe Rahmy.
    - Patricia Highsmith me dit un jour, dans sa petite maison de pierre d'Aurigeno, à l'écart du monde, que ce qui l'intéressait était essentiellement la réalité. Puis elle me confia qu'elle avait renoncé à la télé, craignant par trop d'y voir couler le sang. Rien de paradoxal en cela: c'est souvent par compulsion que les écrivains donnent dans le réalisme le plus noir, comme cela s'est vérifié ce jour même sur l'autoroute d'Utrecht tandis que je nous faisais la lecture du dernier livre de Philippe Rahmy, son premier roman, intitulé Allegra et tissé de la réalité la plus tendue, jusqu'à l'insoutenable, mais avec une force et une beauté expressives proportionnées à la douleur qui s'y exprime. 

    Ceux qui ont lu les récits précédents de Philippe Rahmy l'ont évidemment constaté: que cet écrivain marqué dans sa chair par la maladie (qu'on appelle maladie des os de verre) est de ceux, comme une Flannery O'Connor, qui auront tiré, de leur fragilité même, une force sans pareille. Dès les premières pages d'Allegra, les phrases claquent et cinglent, et c'est de la musique, au fil de la première fiction narrative de l'auteur, sur laquelle je reviendrai tant et plus. 

    Mais quel bien ça fait, dans l'immédiat, de se replonger dans ce qu'on peut dire la meilleure littérature, fût-ce sur une autoroute batave où soudain vous dépasse un inénarrable poids lourd à plaques tchèques et raison sociale marquée KAFKA TRANSPORT...