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  • Celles qui ont du chien

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    Celui que sa cougar tient en laisse dans les coursives du thonier / Celle dont les cheveux roses en jettent dans l'aréopage des gars tout latex / Ceux qui le font dans le caniveau genre néo-bobos socialistes de droite portés sur l'échange des valeurs  avec les potières lectrices de L'Huma / Celui qui lit Demain les chiennes de Démone de la Réunion / Celle qui aboie sans soif / Ceux qui se la jouent hot-dogs entre adultes consentants / Celui qu'on dit le Casanova des boxers bisontins sans raison précise à vrai dire / Celle qui coupe son teckel en deux pour passer la douane de Kennedy Airport / Ceux qui gardent le chien de leur cousine de Sienne / Celui qui a une tête de molosse et une queue de colosse donc peu d'intérêt pour les chercheuses en étude genre /  Celle qui sans vergogne déclare qu'elle a les crocs en débarquant dans le living de Doris la végétarienne lectrice de Jean d'Ormessier / Ceux qui appellent à souper Guillaume et les filles /  Celles qui sont accros à Downton Abbey et déplorent la mort prématurée du beau Pamuk victime du même ictus que le cardinal Daniélou dans une série concurrente / Celui qui lit et relit le fameux roman Celle du baigneur en se demandant ce qu'Ariane peut bien trouver à ce bellâtre de Solal / Celle qui traitée au Monoï se promène nue devant l'étal de tomates qui en pâlissent d'envie / Celles qui ont fait le Kénya et Phuket avant de se retrouver en Haute-Autriche avec ce raseur de Schlemmer lésinant sur le triolisme à la musulmane / Ceux qui étudient la lutte des classes dans les dortoirs de banlieues / Celles qui hésitent à proposer la moralisation des tournantes qui risque de donner des arguments au Front populiste / Celui qui offre un violon à son doberman Salieri qui joue déjà la Kleine NachtMusik sans partition / Celle dont même les chatteries ont du mordant / Ceux dont le roquet Sarko partage les ambitions républicaines et plus si affinités / Celui qui conseille la lecture de Boris Cyrulnik à son barzoï déprimé / Ceux dont le cynisme ne fait que mordre / Celles qui donnent la patte à poussière à qui en voudra, etc.

  • La France que nous aimons

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    Ce matin dans Le Figaro, sur une pleine page, l'historien Jacques Julliard, éditorialiste de Marianne, expose sa conception de l'identité française en réponse aux questions de Vincent Trémolet de Villers. Les lecteurs romands que nous sommes en prennent sympathiquement connaissance à fleur de dunes, avec le port de Sète pour horizon bleuté...

     

    Locarno30.pngSur la langue française: "L'identité française, c'est d'abord une langue, la nôtre. Elle est un signe de ralliement, une culture, un esprit. Je me souviens d'un séjour d'un an aux Etats-Unis. Au retour, quand je suis arrivé à l'aéroport de Montréal, au Québec, et que j'ai entendu parler français dans le haut-parleur, j'ai eu un tel saisissement que je me suis mis à pleurer".

    Proust3.jpgSur la littérature: "L'identité française, ensuite, c'est la littérature. Je m'inquiète qu'elle soit de moins en moins enseignée à l'école. Que les fables de La Fontaine ne soient plus apprises aux enfants. Que Les Châtiments de Victor Hugo prennent la poussière. Et je répète là ce que j'ai écrit dans Marianne: si je devais choisir entre la littérature française et la gauche, si la gauche me donnait l'impression de rompre avec cette nourriture essentielle que sont les livres, je choisirais la littérature. Et ce n'est pas un propos de mandarin. J'ai connu un paysan qui n'avait lu qu'un livre dans sa vie, c'était Les Misérables: il était cultivé.

    Pour Jacques Julliard, l'identité française est aussi une histoire et un territoire, et ne saurait appartenir qu'aux identitaires. 

    SJulliard02.jpgur l'ouverture au monde: "Certes, il y a aujord'hui une désolante tendance identitariste qui fait fi de l'ouverture au monde de notre pays. Cette ouverture que la Révolution a consacrée et qui existait déjà avec certains rois de France. Ce "souci du monde" fat aussi parti de notre identité. Il n'empêche: je ne voispas pourquoi la France serait le seul pays à ne pas avoir droit à une identité"... 

    Cf. Le Figaro du vendredi 5 juin 2015, p.16. 

  • Ceux qui retombent en enfance

     

    recensementCelui qui traite son épouse Frieda à moitié paralysée mais encore assez lucide, 87 ans au compteur, de vieille tomate / Celle qui prétend avoir tenu ses promesses faites à Dieu Le Fils le jour de sa communion solennelle à l’église catholique Saint-Christophe jouxtant les studios de Radio-Lausanne à la grande époque de l’inspecteur Picoche / Ceux qui font les quatre cents coups dans le pavillon Les Poulains de l’Etablissement médico-social Au Point du jour / Celui qui se rappelle l’odeur croupie des bras du ruisseau de la Vuachère au printemps des écrevisses / Celle qui a serré son trousseau dans une certaine malle qu’elle a déclarée maudite après que sa mère Fernand née Roduit eut éconduit son septième prétendant / Ceux qui en venaient au mains au cinéma Bio au temps des westerns à 50 centimes / Celui qui se rappelle assez exactement le sentiment de délivrance qu’il a éprouvé lorsqu’il a ouvert la cage des treize perruches qu’on lui a offertes pour son neuvième anniversaire coïncidant avec l’arrivée des réfugiés hongrois / Celle qui faisait payer vingt centimes à ses enfants quand leur échappait le moindre merde-chier / Ceux qui logeaient une quinzaine de saisonniers italiens dans les anciens poulaillers du domaine / Celui qui a vu l’incendiaire Gavillet de près quand on l’a emmené menotté et penaud après que les gendarmes l’eurent localisé dans le bois de la Scie sur dénonciation du taupier Jolidon/  Celle qui ne supporte plus les provocations verbales de son cousin célibataire et seul parent restant lui lançant à travers la cafétéria de l’Asile de Vieux : « Tu pines ou tu dînes ? » / Ceux qui se gaussent de l’amour des deux vieux gays en n’osant pas les taxer tout haut de vieilles pédales comme au bon vieux temps / Celui qui officiait en tant que placeur au cinéma Le Colisée dans la caisse duquel il prélevait de quoi se payer ses cigares Brissago / Celle qui prétendait qu’il suffirait d’un regard coulé de ses yeux à la Carmen pour faire chuter le nouveau pasteur du quartier probablement puceau et moralisant à l’extrême / Ceux qui se défonçaient au LSD au pied des nouvelles tours de la Cité des Oiseaux avant de se baigner nus dans la piscine entourée de barbelés / Celui qui se souvient très exactement de l’odeur des classes de l’école primaire à chaque rentrée / Celle qui se tordait les chevilles sur ses patins vissés tandis que le bel Alfredo tournait gracieusement autour d’elle sur la glace du petit lac artificiel des hauts de ville/ Ceux qui levaient la tête toutes les fins de samedi après-midi en suivant les évolutions du boulanger Thomas  se livrant à l’acrobatie aérienne à l’aplomb du stade olympique, etc.

     

     

     

  • Save My Soul

     

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    Une intensité réjouissante marquait les derniers échanges d'Olga et Jonas.

    Olga savourait la pulpe bien mûre des griottes dont Théo lui avait laissé la veille un plein sachet, tout en déchiffrant le dernier SMS-fleuve de Jonas.

    Elle lui évoquait tous les jours, depuis quelque temps, les pages nouvelles de L'Ouvroir, comme s'il s'agissait de composants de sa propre vie, et le fils de Nemrod en redemandait, toujours curieux de ce qui sortait de l'atelier paternel en dépit de l'océan qui les séparait au propre et au figuré.

    De son côté, Jonas parlait des gens qu'il avait rencontrés depuis que, par l'entremise de Lady Light, il avait fait la connaissance d'un vieil ami-amant de celle-ci, au surnom de Mister John.

    Une compréhension  éprouvée des gens, saine et toujours sereine de jugement, caractérisait ce Mister John avec lequel il avait fait, sur sa demande, le pèlerinage en divers lieux chers à son souvenir, à commencer par le Broadway Automat et le Radio Music City Hall.

    Un soir qu'ils étaient sortis ensemble, Mister John s'appuyant au bras de Jonas après l'avoir prié de s'accorder à sa marche ralentie par le grand âge, ils s'étaient arrêtés d'un même accord pour se laisser pénétrer par la vision crépusculaire de la rue.

    Jonas la décrivait à Olga dans ce SMS d'un lyrisme urbain assez rare chez lui: "La nuit était tombée et les lumières de Broadway répondaient à toutes nos prières simples. Très haut dans les airs, il y avait de grandes affiches brillamment éclairées représentant des héros ensanglantés, des amants criminels, des monstres et des desperados armés. Les noms des films et des boissons gazeuses, des restaurants et des cigarettes étaient écrits dans un feu d'artifice de lumière, et au loin on distinguait les dernières lueurs du jour au-delà de l'Hudson River. Les immenses buildings à l'est de la ville étaient éclairés et semblaient être la proie des flammes".  

    Pas plus qu'Olga Jonas ne prétendait écrire, ce qui s'appelle écrire, au sens tyrannique où le vivait Nemrod, mais les commodités du système SMS (Save My Soul), entre autres vecteurs pratiques de l'échange  synchrone, lui convenaient dans la mesure où, à n'importe quel moment du jour ou de la nuit, sauf quand il pratiquait ses apnées matinales, le subtil appareillage lui permettait, à fines pressions de ses doigts, d'atteindre Olga ou le mecton de Chloé, dit aussi l'Irlandais, le Monsieur belge à Canberra ou Théo dans son Isba, Cécile à la sortie de sa séance hebdomadaire de Taï-tchi ou Rachel pour évoquer, une fois de plus, feu le vieux Sam éternellement jeune à leur souvenir partagé.

    Le seul nom de l'Hudson avait rappelé à Olga sa propre découverte de Brooklyn Heights, des années auparavant, quand Lady Light avait commencé de perdre la vue, puis elle avait évoqué, dans un SMS aussi développé que le précédent de Jonas,  la très belle séquence de la mort du père, dans L'Ouvroir, révélant une facette de la sensibilité de Nemrod qu'elle avait toujours pressentie mais qui s'exprimait ici de manière si simple et si tendre qu'elle semblait d'une voix jamais entendue, même par Jonas au moment de sa dernière réconciliation d'avec la vieux sanglier. 

    Précisions techniques sur le réseautage des protagonistes du roman en cours: En tant que facilitateur des relations entre ses personnages, le romancier se faiit un plaisir malin de multiplier les arborescences narratives leur permettant de communiquer sans se trouver forcément engagés dans le même épisode. Pour sa part, sans quitter sa table, ou de n'importe quel lieu connecté, fort de son Samsung Galaxy III ou de sa tablette iPad Maxitech, il se plaît à relayer ou relancer les messages intercontinentaux, tels que ceux de Jonas et Olga, mais aussi les communications plus proches, par exemple de Théo et Léa (il est en ville et elle lui demande de lui ramener une botte de radis ou le dernier roman de ce Marcus Goldman dont tout le monde parle), entre autres courriels adressés par les protagonistes du roman. De surcroît, les nouvelles ressources de la narration panoptique auront ouvert une brèche temporelle permettant aux personnages du roman de converser librement avec leurs homologues d'ouvrages parus dans les années ou les siècles passés, n'excluant pas ainsi la rencontre virtuelle d'Olga la cougar et de Julien Sorel au saut du lit, entre cent autres exemples imaginables par la lectrice ou le lecteur. 

    (Extrait d'un roman en chantier)

     

  • Ceux qui n'en ont rien à foot

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    Celui qui explique que le Sepp va revenir à la maison après que tous ces étrangers ont failli lui contacter la corruption / Celle dont la trisaïeule venait aussi d'Ulrichen où un prêtre italie l'a connue au sens de la Bible et la rejetée ensuite donc voilà qu'elle a dû partir avec la petite alors qu'il faisait son innocent là-bas / Ceux qui estiment que les soucis de la FIFA viennent de tous ces responsables de couleur ceci dit sans vouloir critiquer /  Celui qui déclare dans son article du Temps de ce matin qu'il est injuste, au sens libéral du terme, de sous-entendre que M. Blatter aurait trempé en de certaines eaux malpropres sans avancer le début d'une preuve confirmée par un notaire genevois, alors que les médias bas de gamme et l'opinion publique ne savent rien et se contentent de caqueter au contraire des journaux responsables tel Le Temps  se fiant à des sources semblables à l'eau Valser descendue des alpages d'où vient aussi M. Blatter par ailleurs proche des  actionnaires du titre / Celle qui fait fi des fions fusant sur la FIFA / Ceux qui estiment qu'après le départ de ce vendu de Blatter tout va changer à la FIFA sauf si Le Temps dit le contraire donc on reste attentif / Celui qui rappelle que le Sepp a grimpé là-haut à la force de la poignée en économisant sou par sou et se trouve donc confronté aux jalousies comme l'Administration du téleski d'Ulrichen ainsi est l'homme / Ceux qui insinuent qu'il faut deux Platini pour rouler un Blatter ou le contraire selon les cantons / Celui qui a fait son école de recrue avec un Roger Blatter devenu l'as du badminton dont parle Le Temps dans ses pages économiques / Celle qui a préparé une poésie d'accueil pour le retour de Sepp auquel devrait assister le conseiller fédéral Maurer également intéressé dans les fonds secrets du Qatar / Ceux qui se réjouissent de la victoire de Stan que Rodgère a saluée comme d'un ami, etc.    

  • À propos d'Olga Vsievolodovna

     

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    Ce qu'Olga recherche auprès des chiens et des livres.

    Le sens commun de la Maréchale, autant que les intuitions et la débonnaireté de Clément Ledoux auront toujours valu à la Polonaise, dès son installation au Vieux Quartier, le meilleur accueil qui soit. Avec ceux-là, jamais Olga n'a eu besoin d'affabuler. Au milieu de leurs livres et de leurs chats, elle s'est tout de suite sentie chez elle, et l'amitié gourmande qui s'est développée dans l'arrière-boutique des Fruits d'or lui est un refuge plus précieux que celui d'aucun cénacle à prétention mondaine. Pour ne citer qu'un détail, elle a reconnu, chez le couple déjà bien enveloppé à l'époque, et non moins solidement installé dans les murs cassés de l'ancienne trappe à bouquins séditieux de l'anar Volker, cette qualité de douceur et de rude bonté filtrant par ce qu'elle a aussitôt désigné, chez l'un et chez l'autre, par l'expression, littéralement traduite de sa langue,  des yeux-qui-rient.

    Certains chiens rient aussi, rien qu'avec les yeux, dont Olga se souvient avec une tendresse particulière, comme de certains passages lumineux de certains livres.

    Christopher assis devant elle, au Maldoror, silencieux et souriant absolument, incarnant à la fois l'enfant mystérieux et l'ami secret, diffusait la même sorte d'aura tenant à la fois de l'animal et de l'angélique messager, comme de ses chiens les plus personnels et de quelqes livres.

    Le zoophile n'a rien compris à l'animal, qui entend le soumettre comme un esclave ou comme un objet, sans que l'animal soit supposé le mordre ou lui dire son fait. De même le pédomane abuse-t-il de son pouvoir d'enlaidir, qui fait insulte à la surnaturelle animalité de l'enfant.

    L'enfant, sans désir jamais d'en avoir un à elle, le chien, se multipliant par tous les noms plus ou moins légendaires qu'elle leur a donnés, et les livres, dont tous les titres se réduisent ce matin à celui de L'Ouvroir dont elle va reprendre tout à l'heure la dactylographie des feuillets couverts de l'encre bleue de Nemrod, auront en somme  constitué la trinité profane d'Olga, sans l'empêcher d'apprécier la crème soubise et le pot-au feu de la Maréchale, autant que les SMS-fleuves que Jonas lui envoie jour et nuit de Brooklyn Heights.

    (Extrait d'un roman en chantier)

    Peinture: Stanislaw Ignacy Witkiewicz.