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  • Ceux qui se la pètent

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    Celui qui parle très fort à sa future ex friquée qui vient de l’appeler de La Barbade alors qu’il trépigne dans la file d’attente d’une caisse de l’UBS et j’te raconte pas les têtes de gnous qu’ils me font tous attends mais je rêve y en a un qui veut me dépasser non mais on va où là attends que j’le piétine et j’te rappelle dès que j’aurai endossé ton chèque allez cœur cœur cœur / Celle qui de La Barbade vient d’appeler ce blaireau de Jean-Patrick qui va faire une tête comme ça quand les blafards de l’UBS lui diront tout à l’heure que son chèque est en bois / Ceux qui jonchent le parcours de Vanessa la mytho / Celui qui d’ailleurs ne sait même pas où est La Barbade donc il y a une justice / Celle qui dit à son éditrice femen qu’elle DOIT figurer sur la prochaine liste des prix sinon elle ira voir ailleurs / Ceux qui affirment sur Facebook qu’ils ne liront pas le prochain roman-tapage de Céline Lapente afin de montrer qu’ils en ont et d’ailleurs si vous aimez Pierre Michon faut faire un choix / Celui qui n’a pas lu le nouveau roman de Maria del Piante mais les passages hot hot hot parus sur les Inrocks le branchent à fond / Celle qui a fait relier la collection des Inrocks avec l’argent que sa mère lui a envoyé pour ses chats / Ceux qui découpent les pubs de Gucci et autres Armani pour se donner une ligne de conduite au niveau fringues / Celui qui réfléchit au contenu implicite des SMS que lui envoie Gavalda / Celle qui se fait appeler Cheyenne de garde / Ceux qui posent la chemise ouverte sur leur torse glabre en se proposant d’envoyer leur selfie à Arielle Dombasle et ensuite tu laisses venir / Celui qui se dit le nouveau Finkielkraut les lunettes en moins / Celle qui a lancé le jeune auteur sénégalais sans savoir où il retomberait après sa rencontre avec Delphine Tankol / Ceux qui étaient très proches de Ludivine quand elle a composé son roman femen écolo à la Duras  paru sous le titre de L’Amiante Celle qui pense déjà à L’Amiante « en cas de film » / Ceux qui ont défloqué les locaux où étaient entreposées les palettes de L’Amiante / Celui qui conseille à son auteure-culte de publier un Comment j’ai écrit L’Amiante dans Les Inrocks / Celle qui ne lit plus Les Inrocks depuis l’arrivée au pouvoir du président Houellebecq l’ancienne taupe pro-chinoise de la CIA / Ceux qui font du ramdam pendant ramadan ce qui montre un manque de respect au niveau gastro / Celui qui prétend que les terroristes se les roulent à Guantanamo Beach / Celle qui se soumet à l’imam Michel qui lui propose de le faire « à la Ben Laden » / Ceux qui se soumettent ce matin à un examen de conscience dont ils ressortent blanchis comme le paysage alentour « paré d’or blanc » ainsi que le dirait le poète romantique Marcel Lebecq, etc.       


    Image: Philip Seelen

  • Mémoire vive (73)

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    À la Désirade, ce dimanche 18 janvier. – Dix jours après les « événements », les médias et les politiques français associés parlent tous de « tirer les leçons » de ceux-là, et chacun y va de son train de « mesures urgentes » évidemment opposées mais sur une ligne rhétorique comparable. Ainsi découvre-t-on, à la UNE de l’hebdo de gauche Marianne, le titre Méfions-nous du bal des faux-culs, alors que la UNE de l’hebdo de droite Valeurs actuelles désigneLa Tyrannie des tartufes. Rien à voir avec Tartuffe, évidemment, qui avait deux « f » et figurait le bigot souverainiste avant la lettre…   

     

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    En octobre 1553, Michel Servet fut brûlé vif à Genève, convaincu d’hérésie par le réformateur-ayatollah Jean Calvin. Or Sébastien Castellion, autre réformateur entré en conflit avec Calvin sur la question du droit à entretenir une opinion personnelle, écrira dans son Traité des hérétiques :    « Tuer un homme ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. Quand les Genevois ont fait périr Servet, ils ne défendaient pas une doctrine,ils tuaient un être humain : on ne prouve pas sa foi en brûlant un homme mais en se faisant brûler pour elle »…

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    images-13.jpegDans la suite romanesque  des Misérables, Victor Hugo consacre 14 chapitres très documentés à la bataille deWaterloo, avec des pages relevant du cinéma à grand spectacle en 3D, pour aboutir à ce qui éclairera le lecteur sur l’abjection de Thénardier, repéré dans la racaille des pilleurs de cadavres.

    « Toute armée a une queue, écrit Hugo, et c’est là qu’il faut accuser. Des êtres chauve-souris, mi-partis brigands et valets, toute les espèces de vespertillo qu’engendre ce crépuscule qu’on appelle la guerre », etc.

     

    Avec le cinéma et d’autres adaptations au music-hall, cet incroyable roman fourre-tout que représente Les Misérables a été réduit à une espèce de feuilleton mélo aux figures stéréotypées, dont l’épilogue a été complètement falsifié par un Robert Hossein, comme l’a montré Guillemin en son temps. Le même intraitable démystificateur a rétabli la vérité sur la haute spiritualité du vieux rebelle passé de la droite à la gauche, souvent occultée ou tenue pour peu de chose par les esprits secs de son temps, bons cathos compris, myopes par snobisme de classe comme Châteaubriand ou pratiquant un total déni à l’instar de Sainte-Beuve…

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    Cézanne ne s’intéressait qu’à l’Objet. Pareil pour Céline et le Van Gogh des vieux souliers-soleils. Ce que j’essaie de suggérer à un jeune ami en veine d’écriture vraie : qu’il n’y a que la Chaise. Qu’un texte se travaille comme une Chaise, quitte à monter ensuite dessus pour se montrer. Mais la Chaise d’abord : la qualité artisanale de l’objet bien fabriqué et les finitions artistes - le supplément d’âme de la Chaise.

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    Génie du portrait, quand Victor Hugo décrit la Thénardier, « produit de la greffe d’une donzelle sur une poissarde ». Et plus précisément : « Quand on l’entendait parler,on disait : c’est un gendarme ; quand on la regardait boire, on disait : c’est un charretier ; quand on la voyait manier Cosette, on disait : c’est le bourreau. Au repos, il lui sortait de la bouche une dent »

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    Bacon.jpgÀ propos de l’art du portrait, le peintre Francis Bacon parle de « la flaque » d’une personne, qu’il s’efforce de saisir et de restituer, entendant par là le vrai visage-synthèse, le visage « sous le visage » ou le visage recomposé dans sa totalité de sourires et de grimaces et d’expressions. Or ce qui me gêne chez Bacon est que la grimace convulsive tire vers l’expressionnisme maniéré de « la flaque », alors que son ami-ennemi Lucian Freud manque « la flaque » par excès de réalisme et que Picasso déconstruit à outrance.  Bref, on en revient aux vrais charnels visités par l’esprit : aux portraits de Munch et de Goya, de Soutine et de Rembrandt.

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    Jules Renard en son réalisme terrien :« Si les hommes naissent égaux, le lendemain ils ne le sont plus.

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    Une scène de Soumission est censée illustrer le fait que le protagoniste a complètement perdu le contact avec la réalité la plus immédiate quand il enjambe, comme si de rien n’était,  le cadavre de la caissière de la boutique d’aire d’autoroute qui vient d’être attaquée, avant de montrer la même indifférence totale à l’égard de deux Maghrébins trucidés un peu plus loin.

    Houellebecq7.jpgCela pourrait être très fort, comme dans American Psycho de Bret Easton Ellis, quand on comprend, à d’imperceptibles indices, que la violence insensée d’une scène de massacre n’a de réalité que dans le psychisme taré de Pat Bateman, mais chez Houellebecq cela tombe à plat.

    Peut-être est-ce qu’à vouloir toujours jouer au plus fin, avec son sourire futé, le romancier manque de l’humilité et du feeling médiumnique, devant la réalité, et des moyens physiques et poétiques de la re-créer, comme Simenon y parvient à tout coup.   

     

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    images-9.jpegLe hasard m’a fait tomber, tout à l’heure, sur un florilège d’hommages à Staline réuni par la revue Commentaire en 1979, où figure notamment un texte d’Aragon publié dans les Lettres françaises en février 1953, donc un mois avant la mort du tyran que le poète appelle successivement « l’homme en qui les peuples sur la terre placent l’espoir suprême de la paix »,  le Père universel « à qui les mères serrant contre elles le tremblant avenir font appel, pour que leurs enfants vivent », « le plus grand philosophe de tous les temps » et « celui qui proclama l’homme comme le souci central des hommes ». 

    On m’objectera qu’Aragon, idiot utile du communisme, n’était pas LE véritable Aragon, d’abord et surtout poète. Ce que prouve en effet (!!!) cette ode publiée en mars 1954 dans les Cahiers du communisne :

     

    Ô Grand Staline, ô chef des peuples

    Toi qui fais naître l’homme

    Toi qui fécondes la terre

    Toi qui rajeunis les siècles

    Toi qui fait fleurir le printemps

    Toi qui fais vibrer les cordes musicales

    Toi splendeur de mon printemps, toi

    Soleil reflété par les milliers de cœurs.  

     

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    Sous la plume de Gilles Kepel, pourtant éminent connaisseur du monde arabo-musulman, je lis (sur une pleine page de L’Obs) ceci d’assez éberluant à propos de Soumission : « Pour tisser cette œuvre où le comique désopilant (sic) tutoie la tragédie (re-sic), Houellebecq a faufilé la matière textuelle disponible en ligne sur la fachosphère identitaire et les salafosphère ou frérosphère islamistes : les mots sont exacts – si la mise en scène est de fiction. C’est la fable de notre temps où Mme Le Pen caracole en tête et où Daech recrute par centaine nos adolescents sur internet ». 

    On croit rêver ! Est-il possible que nous ayons lu le même livre ? Où Gilles Kepel a-t-il trouvé, dans Soumission, la « matière textuelle » disponible en ligne sur la« fachosphère » et la « salafosphère » ? 

    Il est vrai que le protagoniste se branle un peu en surfant sur Youporn, mais à part ça ? Où sont les salafistes connectés et les identitaires dans les observations directes du romancier ? 

    C’est au contraire cette matière« textuelle » autant que factuelle (Marine Le Pen n’y apparaît qu’en bref débat télévisé et Daech semble avoir disparu en 2022) qu’on espérait en effet que le romancier brassât, mais Gilles Kepel semble se faire son roman à lui, non sans tirer sa dernière cartouche sur l’ambulance de l’Université française…