Le Tasse : « De la mer le limon a recouvert le lit / Le sol fertilisé est devenu culture / On croirait voir l’Egypte en ce coin de nature / Qui n’était que rivage au navigant hardi ».
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Venise, à La Calcina, ce samedi 22 novembre.- Il est six heures du matin, le jour se lève et je pense à mon séjour prenant fin aujourd’hui, marqué par ma redécouverte émerveillée de Venise et durant lequel j’ai beaucoup vu, bien écrit conme je me le proposais et pas mal lu aussi, dont le formidable Révérence à la vie du cher vieux Théodore Monod, dont la pensée filtrera dans La Vie des gens, mon roman en chantier, par le truchement de Sam le naturaliste réfractaire, mentor de Jonas.
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Ces jours à Venise ont constitué une expérience et une suite d’exercices très vivifiants, en rupture complète avec les clichés masquant la réalité réelle de cette ville. Je ne m’y attendais pas. Surprise intégrale; et surprise d’abord à constater que ce qu’on taxe ici justement de clichés, d’un ton forcément supérieur, résiste à leur usage par le tourisme de masse. La vision du pont du Rialto ou de la place Saint-Marc, entre deux vagues de Japonais et de Russes (ou de Suisses allemands ou de Chinois) reste toujours aussi saisissante. Surprise ensuite décuplée, puis centuplée les jours passant, en s’éloignant des foules et des monuments léchés, du Dorsoduro (avec le campo Santa Margherita, merveilleuse place de village bruissante de présences estudiantines et populaires) au dédale de Canareggio où Corto Maltese a traversé murs et jardins suspendus ; et pour les îles ce sera les prochaine fois vu que ma résolution solennelle est prise à l’instant : quatre fois à Venise par an, chaque saison la sienne, et la prochaine au printemps donc avec Lady L.
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Nel Gazettino di stamattina : « A Vicenza nasce il campus per picccoli geni incompresi. Au Nordest on estime qu’il y a environ 2000 petits génies. Or à l’école, on les prend souvent pour des incapables ou des inadaptés. Ainsi un« Talent gate » a-t-il été conçu par la Région afin d’accueillir lesenfants au génie précoce ».
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De bons guides m’ont aidé à diriger mes pas dans le dédale de Venise, sans que je ne les suive à la lettre. Mais le Dictionnaire amoureux de Philippe Sollers me fut la plus foisonnante mine. À première lecture, sans être encore sur les lieux, son tour hyper-subjectif, jusqu’à citer des pages entières de ses romans au fil de certains articles (Amour, pour commencer, ou Fondation Guggenheim), me paraissait unpeu gonflé de narcissisme, et puis j’ai changé d’avis en constant que le MOI deSollers est aussi un TOI et un ELLES ou un EUX, réverbérant en somme, dans une totalité joyeuse et partagée, l’exultation du poète (je dis bien poète, et bien moins homme de lettres qu’un Henri de Régnier) à la redécouverte constante de la vraie merveille et à l’exclusion du faux. La page que Sollers cite d’un de ses romans, où il visite la collection Guggenheim avec une jouvencelle, m’a donné envie de m’incliner à mon tour sur la pierre de mémoire des 14 chiennes et chiens de Peggy et, question goût, je suis pleinement d’accord avec lui qu’il y plus de vitalité novatrice subsistante dans La Tempête de Giorgione que dans toutes les œuvres réunies par la milliardaire, même si tel Kandinsky ou tel Magritte, tel Chirico ou tel Victor Brauner sortent de la convention d’époque. Sollers s’exalte devant un Picasso qu’il y a là : pas moi. Et le grand Bacon (qu’il ne cite pas) est du second rayon, et les sirènes kitsch de Leonor Fini (qu’il trouve médiocres) le sont en effet. Mais le Dictionnaire ne dit rien des minimalistes et autres productions d’une plus récente avant-garde, qui me semblent à moi la pire vieillerie. Dire que Giorgione est plus actuel( comme on pourrait le dire de Lascaux ou d’Altamira) que Cy Twombly ou je ne sais quel carré blanc sur fond blanc, n’est pas du tout un paradoxe :c’est l’évidence. Enfin il y a donc l’arrière-jardin de Peggy où trois ados prennent le soleil en feuilletant un livre et, là-bas, les deux pierres mortuaires de la Patronne et de ses beloved babies. Donc merci Sollers.
Auquel fait écho Dominique Fernandez à la fin de sa préface à l’indispensable Guide historique et culturel de Venisede Giovanni Scarabello et Paolo Morachiello (Larousse 1988), qui écrit si justement que « plus que la décadence économique, plus que les eaux saumâtres des grandes marées, plus que les corruptices émanations de pétrole, c’est notre propre goût de l’échec et du funèbre qui hâte le déclin de Venise. Partez avec d’autres images dans la tête que celles de Visconti, et vous verrez que Venise n’est pas aussi moribonde qu’on le dit. C’est la ville d’Iralie où les gens marchent le plus vite dans la rue. Par les jours de brouillard, on entend leurs pas résonner sur le dallage avant de distinguer leur silhouette. Les cloches, les sirènes des bateaux, les cornes de brume jouent une musique qui n’est nullement lugubre, mais témoigne au contraire d’une solide, saine et contagieuse envie de vivre ».
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C’est exactement ça que j’ai ressenti. Quoique descendu par hasard (la loterie de Booking.com) à La Calcina, pension à l’anglaise des Zattere qui fut le refuge de John Ruskin et le rendez-vous d’une flopée de lettrés, jusqu’à Borges et Kundera, je me fichais pas mal de ces grandes références avant de découvrir ce havre de parfaite gentillesse sans apprêts, face aux eaux pleines de bateaux vrombissant de l’aube à la nuit et tout près de tout, du Dorsoduro à l’Accademia, de la Dogana ou de la Salute.
Et puisil y a le Routard, le bon vieux-jeune Routard sur lequel il est de bon ton, dans la foulée de Michel Houellebecq, d’ironiser ou de cracher. C’est entendu : c’est bobo et parfois convenu dans le non convenu, mais c’est plein aussi de choses épatantes à voir ou à savoir. La note sur La Calcina m’a appris illico que John Ruskin y avait composé ses Pierres de Venise et donné les numéros des vaporetti pour y débarquer. Mais surtout je lui dois d’avoir découvert les piattini de l’Osteria alla Bifora (campo Santa Margherita), ou l’idée d’aller revoir le Portrait d’unjeune homme de Lorenzo Lotto, à l’Accademia, salle 7…
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Bonne nouvelle pour les maniaques pédophiles de Padoue, ce matin dans le Gazettino : « Bientôt, les adultes ne pourront plus entrer, dans le parc de l’Arcello à Padoue, sans être accompagnés par des enfants ». Et cet autre écho réconfortant du Vatican, où le remarquable Francesco s’en prend virulemment aux sacrements faisant l’objet de tout un négoce, entre messes payées et bénédictions : « Un prete attaccato ai soldi e un prete che maltratta la gente ».
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Nel Pendolino, stasera. – Dans le train du retour, je me repasse L’évangile selon saint Matthieu de Pasolini, dont le Christ est lemême personnage pur et dur, intransigeant envers les hypocrites et lespharisiens, que l’excellent Franceso, décidément digne de son prénom. Dans les compléments du DVD, le témoignage d’Enrique Irazoqui, le jeune interprète catalan de Jésus, cinquante ans après le tournage du film, donne un relief humain renouvelé à ce film d’une incomparable densité physique (ces visages, ces corps, ces clous enfoncés dans la chair, ce cri !) en irradiant bonnement de reconnaissance amicale. En passant ce matin sur la place dédiée à Jean XXIII,j e me suis rappelé que le film aussi rendait hommage à ce pontife incarnant l’opposé du pharisaïsme ; et toute une chrétienté de bonne foi, y compris ecclésiatique reconnut d’ailleurs l’inspiration profondément évangélique de l’ouvrage.
Guido Ceronetti, dans L’ Occhio del Barbagianni, recueil de 134 fragments qui vient de paraître chez Adelphi : « 106. Ricordi il film di De Sica del 1943, I bambinici guardano ? Oggi sono quasi tutti. E dietro di loro « i vecchici guardano », straripano, implorano, vinti dai morbi, dalle fatiche… Non illudiamoci che si possa esser una pietà capace di contenere tutti quegli sguardi »…