Sur Bakoroman, documentaire burkinabé de Simplice Ganou consacré aux enfants de la rue.
On les appelle « enfants de la rue », ce qu’ils n’apprécient pas forcément. « Comme si la rue était notre mère ! », s’exclame ainsi l’un des cinq « bakoroman » de ce docu burkinabé dénué de tout pathos apitoyé, où l’on rit plutôt en dépit de la dèche dans laquelle vivent ces garçons, et que magnifient aussi les belles images de Michel K. Zongo. La route est longue qui conduit de Koudougou à « Ouaga » où, disent-ils, la vie est plus facile quand on n’a rien. Or c’est sur cette route que nous suivons les cinq lascars se « poussant » à la colle sniffée et se partageant un poulet chapardé en chemin, avant de faire escale réparatrice à un puits, jusqu’aux abords de la grande ville surgie dans l’aube fantomatique. Au fil de leur marche, le réalisateur, Simplice Ganou, fait parler chacun en plan-fixe, détaillant chaque trajectoire sur fond de précarité générale et de rejets familiaux occasionnels. Ce qui frappe en effet est que tous ne sont pas forcément victimes. En tout cas ils ne posent pas aux malheureux, assumant leur choix de ne plus aller à l’école ou de ne plus retourner à la maison - parfois depuis leur prime enfance -, par goût de la liberté ou pour échapper à une vie trop contraignante. À les entendre, parlant souvent avec une sorte d’aplomb adulte plus ou moins comique, on a presque l’impression d’entendre des clochards parisiens ou des SDF revendiquant leur état… Tant par son filmage, de premier ordre, que par la vivacité de son dialogue et par son contenu latent (car il va de soi qu’on n’est pas là dans l’imagerie pittoresque ou complaisante), ce documentaire séduit enfin par la netteté de son observation, dont la tendresse nuance la dureté de fait.
Simplice Ganou, image de Michel K. Zongo. Bakoroman. Burkina Faso /France, 2011.