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Le double secret

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À propos d’  Olivier, dernier récit de Jérôme Garcin

 

Jérôme Garcin écrit, parle et mène ses diverses activités comme il monte à cheval: calme et droit. Les lecteurs du Nouvel Observateur, dont il dirige les pages culturelles et de ses vingt livres, autant que les auditeurs de l’émission radio Lemasque et la plume apprécient son style qu’on pourrait dire de main ferme dans un gant de velours.

Personnage public et personne privée cohabitent chez lui avec une harmonie enjouée de façade, dont son mémorable Théâtre intime (Gallimard, 2003) a déjà laissé entrevoir les zones sensibles toujours à vif. Elles sont notamment liées à la mort accidentelle de son frère jumeau Olivier, à leurs 6ans, et celle de son père, tombé d’un cheval fou à l’âge de 45ans.

Evoquant sa «carrière méandreuse de Tintin au pays des arts et des lettres», l’auteur d’un très futé Dictionnaire (François Bourin, 1988), consacré à la littérature française contemporaine et rédigé par les auteurs eux-mêmes priés de composer leur propre nécrologie (!), disait en préface y exercer le «sibyllin métier de journaliste culturel». Il avouait prendre «un insatiable plaisir à vivre quotidiennement entre la scène et le public, entre l’acteur et le spectateur. Au point de ne plus savoir vraiment s’il est le souffleur du premier ou l’ouvreuse du second, ni dans quelles proportions le cabot professionnel et le consommateur ordinaire se retrouvent chez lui»… 

L’aventure publique de Jérôme Garcin a commencé sous les couvertures de son lit d’enfant de 10ans et des poussières. Avec, pour «second oreiller», le premier poste de radio portatif que lui offrit sa mère. C’est par son truchement qu’il s’installa sur France Inter ;   là qu’il découvrit le monde et, un soir de la fin des années 60, Le masque et la plume de Francois-Régis Bastide et son gang de critiques redoutés. Il reprit la direction du fameux programme en 1989, succédant alors à Pierre Bouteiller. Dans la foulée, précisons que Garcin se lança dans la critique dès ses 20ans, aux Nouvelles littéraires, et qu’il fut successivement rédacteur en chef à L’événement du jeudi, animateur et producteur à la télévision. Pour la rubrique people, il épousa Anne-Marie Philippe, fille d’un Gérard de légende…

Jérôme Garcin est-il trop modeste pour se poser en écrivain alors que ses livres «personnels» s’inscrivent, avec élégance et sensibilité, dans le droit fil des chroniqueurs et des moralistes de la «ligne claire»? Disons plutôt qu’il reste élégamment réservé, digne descendant d’une longue lignée de médecins cultivés, républicains et catholiques, interrompue par son père, Philippe.

 Or l’écriture n’a pas moins été décisive dans sa trajectoire personnelle, qu’il rende hommage aux autres (tels Jean Prévost, Bastide son mentor, Jacques Chessex son ami ou Bartabas l’écuyer-artiste) ou qu’il poursuive son travail de deuil et d’exorcisme «du côté de la vie.

 

Un exorcisme 

"Je viens d’avoir 53ans; nous venons d’avoir 53ans. Je n’aime pas ce rituel (…) Il ravive une colère d’enfant révolté par l’injustice, une hébétude, un effroi, dont, malgré tous les efforts qu’on fait pour se tenir droit, on ne se relève jamais."  Ainsi commence ce récit, prenant parfois à la gorge mais qui n’est plus de deuil: plutôt de double ressaisie, par l’intime et par l’«extime» psychologique, voire médical. Il interroge alors la petite enfance partagée par deux complices fusionnels et, plus «objectivement», le phénomène singulier de la gémellité. «Survivre à son frère jumeau est une imposture. Pourquoi moi, et pas toi?» s’est longtemps demandé Jérôme le solide, le terrien, le gourmand de la vie, alors que son frère Olivier semblait, en la «délicatesse suspecte» que capte une dernière photo, voué à ce destin tragique. Mais "c’est si facile de faire parler, longtemps, après, les petits morts"...

Or, oscillant entre la remémoration de la tragédie, à laquelle s’est ajoutée la disparition prématurée du père, une réflexion sur la mort des enfants et un regard sur la vie qui continue, ce récit touche aussi par sa musicalité intérieure.

 

Jérôme Garcin. Olivier. Gallimard, 152p.

 

 

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