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  • Le léopard a rebondi

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    Aujourd’hui s’achève la 63e édition, passionnante, du Festival du film de Locarno. Olivier Père a séduit (presque) tout le monde avec une programmation très contrastée.

    « Je connais la plupart des festivals de cinéma, mais Locarno a quelque chose de particulier», déclarait jeudi soir le grand producteur hollywoodien Menahem Golan, gratifié d’un léopard d’or. Et le Mogul aux plus de cents films de saluer la salle archicomble de la FEVI, et de se féliciter que tant de jeunes y soient présents.

    Or, la fraîcheur de la jeunesse a bel et bien caractérisé la programmation de cette première édition conçue par Olivier Père. Des films de la Piazza Grande jouant avec les genres prisés par la nouvelle génération (zombies de Rammbock, fantastique de Rubber ou science fiction romantique de Monsters), aux premiers longs métrages de jeunes réalisateurs en compétition (La Petite chambre, Songs of Love and Hate, Beyond the Steppes), le goût du public jeune a été intégré, sans qu’on sacrifie pour autant au « jeunisme » débile ou conformiste.

    « Trop pointu, trop élitaire », ont protesté certains confères tessinois. « Moralement indéfendable », a-t-on même lu à propos de L.A.Zombie de Bruce LaBruce, avant qu’une partie du public ne siffle Homme au bain de Christophe Honoré pour ses scènes de sodomie ou que d’autres ne conspuent Bas-fonds,  le premier film lesbien trash d’Isild Le Besco.

    Pourtant, réduire l’ensemble de cette édition à ces bémols, alors même qu’elle a été allégée de ses anciens appendices les plus élitistes, paraît injuste. Certes exigeante, la programmation d’Olivier Père a drainé un public très dense dans toutes les salles, jouant sur l’éclectisme et les contrastes.

    Un festival des gens

    Avec beaucoup d’enjouement dans ses présentations, Olivier Père a su accueillir Chiara Mastroianni, Alain Tanner, Nicolas Lubitsch ou Menahem Golan, entre autres, et séduire le public avec une maîtrise parfaite des langues assez rare chez nos amis de l’Hexagone. Du glamour absolu de Lubitsch, dont la fabuleuse rétrospective sera reprise sous peu à la Cinémathèque de Lausanne, au bouleversant Karamay, de XU Xin, nous plongeant au cœur d’une tragédie chinoise contemporaine, Locarno a été une fois de plus un festival de (re)découvertes. Plus encore : il confirme sa vocation de festival des gens, et de tous les âges, aimant le cinéma sous toutes ses formes.

     

    Un autre phénomène, significatif des difficultés rencontrées par le cinéma d’auteur contemporain, a été mis en exergue cette année par des films réalisés avec peu de moyens, tels Monsters (15.000 dollars) ou Beyond the Steppes de Vanja d’Alcantara(1 million et demi d’euros pour une mini-épopée en Asie centrale) dont l’exemple de Lionel Baier, avec le superbe poème cinématographique de Low Cost (Claude Jutra), réalisé en trois mois sur son téléphone portable, constitue l’exemple extrême. Puisse l’Office fédéral de la culture ne pas en tirer de conclusions…

    Bref, de Maire en Père, le Festival de Locarno n’a pas sacrifié le « bébé » en changeant l’eau du bain…

  • Retour de flammes

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    Dialogue schizo sur le cinéma contemporain après une conversation avec Freddy Buache sur la terrasse de Da Luigi, à Locarno...

    Moi l’autre : - Et alors ?

    Moi l’un : - Alors quoi ? T’as entendu le père Buache : il n’y a plus rien. Plus rien de grand ne se fait dans le cinéma d’aujourd’hui. Le Festival de Locarno n’est plus rien ou pas loin. Après Bergman, nib de nib. On retire l’échelle. Même chanson que Godard : après nous le déluge…

    Moi l’autre : - Et  ça t’énerve ?

    Moi l’un : - Et comment que ça m’énerve ! Surtout qu’il y a du vrai dans ce qu’il dit, le Freddy. On a vu ce même soir Uomini contro de Francesco Rosi, sur la Piazza Grande, et du coup tout se remet en place, comme avec Lubitsch : il y a le grand cinéma d’un côté, et de l’autre cette foison, pour ne pas dire ce magma : plein de films, pleins même de bons films, mais lequel qui nous marque vraiment comme To be or not to be ? Dis-moi lequel sur les vingt ou trente nouveaux films que nous avons vus à Locarno cette année…

    Moi l’autre : - À y réfléchir, des tas d’images me reviennent, des tas de moments, quelques grands moments, surtout des grands moments d’émotion…

    Moi l’un : - Ce n’est pas ce que je te demande. Je te demande de me citer un film qui t’aurait fait un effet comparable à celui d’Irène, le dernier film d’Alain Cavalier, ou de Saraband de Bergman, des Vitelloni de Fellini ou de Mère et fils de Sokourov, ou Film socialisme de Godard…

    Moi l’autre : -  Je dirai : Le Directeur des ressources humaines d’Eran Riklis.

    Moi l’un : - Tu auras relevé la réaction de Buache quand je le lui ai cité : rien que de parler d’un Israélien le fait grimper aux murs.

    Moi l’autre : - N’importe quoi ! Tu connais son côté dogmatique et partisan. Mais ça peut nous aider à relativiser, aussi, l’avis de ces vieux hiboux dont le jugement a si souvent été soumis à leur idéologie…

    Moi l’un : - La nouvelle génération n’en est plus du tout là, et c’est peut-être ce que les « vieux » ont de la peine à encaisser. Cela étant, au-delà de l’engagement proclamé des Tanner et consorts, l’observation et l’implication sociales des « jeunes » comme Fernand Melgar, Jean-Stéphane Bron, Ursula Meier ou Lionel Baier, pour ne parler que des Romands, sont tout aussi conséquentes.

    Moi l’autre : - Avec le film de Riklis, j’ai aussi envie de citer Low Cost de Baier, justement, même si ça reste dans les petites largeurs…

    Moi l’un : - Là encore, Freddy Buache regimbe. Comme à la sortie de Garçon stupide, quand il nous a fait sa petite bouche : c’est encore du cinéma, ça ? Je n’en suis pas sûr. Et là non plus, le cher homme n’est pas sûr que ce soit du cinéma, alors que c’en est à pleins tubes. J’en aime un peu moins la fin, comme écriture, mais les deux premiers tiers sont magnifiquement filés et résolvent la question du cinàma telle qu’Alain Cavalier la résume : comment passer d’un plan à l’autre…  

    Moi l’autre : - C’est un film de poète et de peintre, mais qui en reste à une espèce de projet fulgurant. Le côté Work in progress de Baier. Son souci de vitesse et d’immédiateté vécu quasiment en temps réel.

    Moi l’un : - Oui, Buache est une trop vieille tortue pour le suivre, mais il a envie de parler avec Baier : donc ça le travaille. Encore un effort, Freddy. Il lui en a d’ailleurs fallu pour se mettre àé Godard en d’autres temps. Et la patte-pensée de Baier a une parenté avec celle de Godard, ça ne fait pas un pli…

    Moi l’autre : - Mais nous parlions de choc lié à une oeuvre vraiment marquante et qui « restera », comme on dit…

    Moi l’un : - Alors là, je n’en vois pas une. Même pas Film socialisme, si on ne le relie pas à l’ensemble de l’œuvre de Godard. Buache me dit que James ou pas, de Michel Soutter, lui est apparu comme l’œuvre parfaite. Donc à revoir… Mais Le directeur des ressources humaines, Low cost, et le très attachant Beyond the Steppes, ou La petite chambre si émouvante, n’atteignent pas le niveau des œuvres vraiment référentielles, comme Trouble in paradise pour citer un sommet du 7e art… 

    Moi l’autre : - Cuvée décevante alors que Locarno 2010, malgré le bien que tu en as écrit ?

    Moi l’un : - Absolument pas ! Passionnante, mais par fragments rassemblés et mis en rapport les uns avec les autres, comme d’un immense Work in progress collectif, précisément, qui relie les films d’hier et d’aujourd’hui, les courts et les longs.

    Moi l’autre : - Point de grand film de « synthèse », mais une quantité d’essais et d’analyses, si l’on peut dire…

    Moi l’un : - C’est tout à fait ça, et ça recoupe ce qu’on vit en littérature. L’époque est à la mutation et à l’absorption d’une réalité tellement nouvelle, dans ses données, que son expression adéquate mettra encore du temps à se trouver, et c’est vrai pour toutes les formes d’art. Quand Freddy Buache m’a dit comme ça que le cinéma après Bergman lui semblait fini, je lui ai répondu qu’on pouvait dire qu’après Nicolas de Staël la peinture ne faisait que se répéter, ainsi de suite. Ce nivellement par les hauteurs, à vrai dire, peut se pratiquer jusqu’à l’absurde. Jouhandeau estimait qu’après le XVIIe la littérature française avait sombré dans la vulgarité, et notre prof d’italien réduisait la littérature italienne à Dante et quelques gnomes siciliens, de Pirandello à Sciascia. Bref la gondole de Fellini se dandine entre absolu et relatif, e la nave va…       

  • Baier le fulgurant

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    L'événement du jour à Locarno: la projection de Low Cost (Claude Jutra), du réalisateur lausannois, magnifique poème cinématographique réalisé avec un téléphone portable.

     

    Commencé en juin dernier, achevé hier par l’auteur dans sa chambre d’hôtel à Locarno, ce film entièrement tourné avec un téléphone portable constitue bien plus qu’une performance acrobatique : un véritable poème cinématographique, à la fois rapide et léger, mais non moins grave et juste dans son évocation du bilan existentiel prématuré d’un protagoniste (David Miller) averti de la date de sa mort.

    Ce David est un avatar évident de Lionel Baier, mais le petit jeu des identifications est sans importance dans ce chant à la mémoire s’efforçant de capter la beauté fugace du monde et de rassembler les images d’une vie ressuscitée magiquement par le cinéma.

    De Cabourg (!) à Lausanne et de Paris à certain pont de Montréal d’où Claude Jutra, le cinéaste quebecois atteint d’Alzheimer s’est jeté, au fil de rencontres-retrouvailles-exorcismes (le frère de David, sa mère, un ancien ami, un stoppeur, d’autres encore), de remémorations et de séquences multipliant les effets de réel, sans oublier la superbe bande-son (peut-être juste un peu trop belle par rapport au grain de l’image, a remarqué Renato Berta dans le débat suivant le film…), Lionel Baier est parvenu à transcender les limites de son outillage minimal au fil d’une narration-montage éminemment cinématographique.

    À la réflexion sur le « bon marché » de nos vies, qui le « retourne » bonnement par le truchement de l’attention poétique à l’instant, s’allie une sorte de ressaisie phénoménologique du prix de la vie, précisément, pleine de tendresse et d’humour aussi. Bien plus abouti que le même exercice accompli l’an dernier par Pippo Delbono, Low Cost (Jutra) nous emmèene plutôt, sans imitation ni pastiche, du côté du dernier Godard de Film socialisme  ou d’Alain Cavalier dans son Filmeur, avec une patte vive qui n’est que de Lionel Baier, poète de cinéma… JJJJ        

     

    Image: La très mauvaise captation, ci-dessus, prise au portable (!) dans la salle de projection, représente Pierre Chatagny, acteur principal de Garçon stupide retrouvé par David Miller sur une route de France  en stoppeur plaidant pour la compassion...   

  • La soirée des grands

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    Trois grands moments ce dernier mardi, septième jour du Festival de Locarno. Avec un hommage à Alain Tanner, la projection du dernier film d’Eran Riklis, Le directeur des ressources humaines, et le chef-d’œuvre de Lubitsch : Trouble in Paradise.

    Au huitième jour de la 63e édition du festival, on peut déjà dire que celle-ci comptera parmi les plus belles de ces dernières années, avec une rétrospective somptueuse, une foison de découvertes et des nouveaux films en compétition d’un niveau réjouissant. LE film que le public a déjà plébiscité, pour ses grandes qualités de cœur et d’esprit, mais aussi pour sa forme très maîtrisée, est La petite chambre de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond, avec deux acteurs principaux (Florence Loiret Caille et Michel Bouquet) réellement bouleversants, mais il faut revenir aussi sur la soirée de mardi, marquée par la projection du nouveau film du réalisateur israélien Eran Riklis dont on se rappelle Les citronniers, et qui se déploie ici dans les grandes largeurs d’une tragi-comédie de haut vol.

    En ouverture de soirée, Olivier Père et Serge Toubiana, directeur de la Cinémathèque française, ont conjugué les superlatifs pour rendre hommage à Alain Tanner, gratifié d’un léopard d’honneur pour l’ensemble de son œuvre, et pour lequel Jacob Berger, fils spirituel et ami, a composé un court métrage en forme de lettre de reconnaissance touchante et belle à ce maître incontesté du cinéma suisse, dont plusieurs des films les plus marquants (Dans la ville blanche, Jonas, Les années Lumière et Paul s’en va) étaient à (re)voir à Locarno.

    zapping22.jpgRoad movie dans la déglingue
    Un jour que le poète algérien Kateb Yacine demandait, à Bertolt Brecht, comment parler de la tragédie de son pays, le dramaturge lui répondit : écris une comédie. Or, après Les citronniers, film d’impact politique évident sous ses grandes qualités humaines, Eran Riklis s’est lancé, avec Le directeur des ressources humaines, dans une comédie plus endiablée, voire folle, mais qui dégage finalement une non moins vive émotion. Tiré du mémorable roman éponyme de l’auteur israélien Avraham B. Yehoshua, le film suit les tribulations épiques du directeur des RH d’une boulangerie industrielle de Jérusalem dont une employée a été tuée dans un attentat-suicide et qui est accusée d’inhumanité par un journaliste à sensation. Pour sauver la face, la directrice de la firme boulangère ordonne au pauvre cadre (campé avec maestria par Mark Ivanir) de ramener le cercueil de la jeune femme aux siens, au fin fond de l’Europe ex-communiste (le tournage s’est fait en Roumanie) où, accompagné du journaliste crampon, il retrouvera le fils paumé de la défunte dans des circonstances illustrant superbement la déglingue des pays traversés avec le cercueil, finalement arrimé à une voiture blindée…
    Il y a trois ans de ça, la Piazza Grande a été marquée par la projection de La vie des autres, d’abord inaperçue de la critique et qui a fait la carrière qu’on sait, jusqu’aux Oscars. Or, la projection du dernier film d’Eran Riklis m’a fait la même impression, voire plus forte…

    Zapping19.jpgUn cynisme gracieux
    Quant à Trouble in Paradise de Lubitsch, projeté en toute fin de soirée, qu’en dire sinon pour rappeler que le génial réalisateur le considérait comme un sommet de son art. Que celui-ci célèbre malicieusement les méfaits « artistes » d’une kleptomane ravissante entichée d’un escroc non moins séduisant ne laisse évidemment de réjouir la filoute ou le filou qui sommeille d’un œil en chacun de nous, quitte à attenter au passage à la propriété de telle richissime créature. Le cynisme de la belle paire, gracieuse à l’extrême, ne cesse d’électriser l’action de ce film à la mise en scène prodigieusement sophistiquée, inventive, toute de légèreté et comme nimbée, tel un cristal vaporeux, par la lumière des chairs et des étoffes, projection kaléidoscopique dont chaque plan porte la fameuse Lubitsch Touch…

  • Ramblas

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    La vie comme à Barcelone

    Ces fins de matinée, le long des Ramblas de Barcelone, le vent déferlant vous envoie de fraîches claques et vous fait vous cambrer, et presque piaffer sur place, dans la mêlée des gens qui vont et viennent des terrasses encore transies aux allées sonores et parfumées des marchés couverts.

    On ne voit guère le soleil, qui tourne autour des collines, mais on le sent dans le soudain entrain des marchands de fleurs, et les gosses s’en renvoient le reflet comme une balle élastique dans les ruelles du Barrio Chino, et les oiseaux prisonniers, dont les cris répondent à ceux, rauques et lancinants, des vendeurs de billets de loterie, s’ébrouent dans la vieille poussière malodorante des cages empilées les unes sur les autres.

    Ce que j’aime beaucoup à retrouver, dans les pays catholiques, ce sont les adolescentes peignées comme il faut qui se déplacent dans les rues bien éclairées en faisant un peu les chèvres – et c’est vrai qu’elles vont toujours en menus troupeaux. Avec elles passe à chaque fois comme une brise. Celles qu’on voit ce matin stationner en conciliabule devant une vitrine pleine d’or et de joyaux et de montres indiquant toutes sortes d’heures ont les mêmes jupes plissées et les mêmes bas blancs que leurs cousines du parc Monceau ou du Campo de Sienne. Elles ont quelque chose de vert et d’argentin, comme d’impertinentes sonnettes, de suave et d’acide à la fois qui rappelle la liqueur de gentiane. L’instant d’un battement de paupière, on aimerait les approcher, ces pimprenelles, pour en humer le parfum jusqu’au trouble – mais déjà les voilà qui s’égaillent en roucoulant. Alors on tombe sur le mendiant aveugle. En frac rapiécé et en savates, il s’en va tout seul à travers la cohue, tenant devant lui sa canne comme un sourcier sa baguette. Et les gens se détournent, non sans lui jeter au passage le sou du pauvre : parce qu’il s’agit d’échapper à ce regard tourné vers le ciel et qui menace de rappeler à chacun Dieu sait quoi. Puis le vent vous a bientôt chassé dans la gorge d’une venelle aux relents mêlés. Et là, comme serti dans une encoignure, un travesti au visage émacié, mal rasé mais on ne saurait plus langoureux avec ses ondulations d’hippocampe cousu de satin mauve, vous lance une œillade mais déjà vous avez passé votre chemin tout en souriant à la vie comme elle va, chienne ou madone en châle de Manille, Mère courage des banlieues sinistres ou fille-fleur du Café Zurich en quête de nirvana, fumeur de cigares des clubs du Paseo de Gracia ou peau de taureau sanglante qu’on traîne au soleil couchant dans le sable des arènes.

    Enfin il y a ce décor dans le décor, ces soudaines poussées arborescentes, ces lignes qui serpentent et ces volées délirantes de marches grimpant en spirales ailées au ciel du Sanctus, ces façades houleuses comme des pans de mer, ces tours et ces bulbes polychromes, ces voussures semblant de grandes arches de basiliques souterraines ou de forêts à la Wagner, ces formes élémentaires s’arrachant aux entrailles du temps silicifié pour se dresser et chanter, sauvages et lyriques autant que l’âme catalane, dans la polyphonie des volumes et des jours, des mosaïques et des jeux de lumière, des frises de poules et de coqs ou d’anges annonciateurs à la Gaudí.

    Alors, vous attardant dans le jour déclinant, là-bas sur les bancs de céramique multicolore du parc Güell, vous vous sentez à la fois pénétré de mélancolie et de joie diffuse, tout à la poésie triste tantôt et tantôt exubérante de l’étrange et secrète Espagne.

    Henri Cartier-Bresson: Barrio Chino