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L'intruse

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À propos de Nagasaki d'Eric Faye, palmé par les Académiciens...

C’est un petit livre à la fois troublant et prenant que Nagasaki d’Eric Faye, dont l’épisode central est tiré des journaux japonais de mai 2008 : à savoir l’installation clandestine d’une femme dans l’appartement d’un homme seul qu’elle squatte à son insu durant une année. On pense au protagoniste d’Iriku (Vivre), le chef-d’œuvre de Kurosawa, en commençant de lire le récit de la vie de Shimura, quinquagénaire employé dans un office de météorologie et vivant seul dans une maison individuelle dont il néglige de fermer la porte d’entrée, et dont l’existence est cependant très réglée, maniaque même, au point qu’il ne peut que constater, tel jour, la diminution du niveau d’un jus de fruits multivitaminé dans son frigo, et tel autre jour la disparition de quelque autre aliment. Au premier sentiment de malaise succède bientôt une vague angoisse, qui l’incite à installer une webcam dans sa cuisine qui lui permettra de surveiller celle-ci depuis son ordinateur de bureau. Or il lui faut peu de temps pour surprendre, en effet, une silhouette furtive, puis une femme vaquant chez lui avec des gestes d’habituée, à ce qu’il semble, dont la présence le plonge d’abord dans le trouble avant de l’inciter à appeler la police. Alertée, celle-ci débarque bel et bien dans l’appartement du plaignant, qui en est déjà à regretter son geste, débusque la femme réfugiée dans un placard, l’embarque et obtient l’aveu qu’elle squatte une chambre de Shimura depuis des mois déjà. L’anecdote est évidemment singulière, mais on pourrait en rester là, avec le procès suivant l’arrestation de la squatteuse clandestine et le dénouement prévisible de l’affaire. Mais Eric Faye fait bien plus que « romancer » un fait divers, nous faisant vivre de l’intérieur le bouleversement d’une vie toute plate et sa remise en question, comme dans le film de Kurosawa, en beaucoup moins radical cependant, avant la bifurcation de la narration qui nous fait revivre les faits par le témoignage de la squatteuse, ancienne militante d’une fraction terroriste qui survit chichement comme un autre « zéro » social et affectif.

Sans un atome de sentimentalisme, avec quelque chose de kafkaïen, ou plus exactement de walsérien dans le regard, ce roman dégage pourtant une espèce de chaleur humaine qui rappelle, une fois, encore, la perception « tchékhovienne » d’Iriku, sur fond de Japon marqué par la Catastrophe. Comme la neige dans le film de Kurosawa, et comme l’inoubliable complainte de « la momie », une sorte de chanson triste court entre le lignes de Nagasaki, qui laisse au cœur une marque sensible… Eric Faye. Nagasaki. Grand prix du roman de l’Académie française. Stock. 107p.

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