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Entre douleurs et merveilles

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Rencontre de Rose-Marie Pagnard, romancière.

Il y a ces jours une lumière magique, sur ces hauts enneigés des Franches Montagnes, qui a quelque chose d’épuré et de transparent évoquant étrangement le Japon. On y est à la fois bien sur cette terre jurassienne, dans une grande maison de belle pierre grise dont les larges fenêtres, jadis propices aux fines finitions de l’horlogerie, s’ouvrent sur le pâturage au bord du ciel; et cependant, comme dans le dernier roman de Rose-Marie Pagnard, qui oscille entre sortilèges montagnards et Japon de rêve, on sent ici des fantaisies et des métamorphoses possibles à tous les étages. La grange de naguère en est le symbole, devenue lumineux atelier, où sont nés d’étranges tableaux qui peuplent la maison de figures de rêves poétiques et fantastiques à la fois, signés René Myrha, né Pagnard, conjoint de la romancière.
Or, l’une de ces toiles ouvre son jaune éclatant à la lumière zénithale tout en rappelant le deuil de l’enfant perdu, qu’un portrait de belle jeune fille remémore également au-dessus de la grande table noire à écrire. Ainsi, des résonances se multiplient-elles dans ce havre, d’une double vie créatrice en symbiose. Comme dans l’actuelle exposition en double hommage, au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel, où les mots de l’écrivain et les visions de l’artiste s’appellent et se répondent. Comme dans la vie de Rose-Marie Pagnard, où le clair et l’obscur, le limpide et le mystérieux s’entremêlent.

La vie de Rose-Marie elle-même a été marquée, de naissance, par ce mélange de lumière et d’ombre. Troisième enfant survivant après deux petits frères morts en très bas âge, elle fut un cadeau pour ses parents, simples gens à Delémont. Devenue très âgée, sa mère lui racontera toujours ses rêves mêlés de souvenirs hantés par des enfants en danger, ayant vu passer en outre le cercueil de son père fauché par la grippe espagnole; et Rose-Marie aussi commencera, très tôt, de raconter des histoires mêlant angoisses et merveilles, sur fond de musique.
Car la musique, si présente dans les livres de Rose-Marie Pagnard, fut une des passions de ses jeunes années, avant l’écriture. La danse l’attira d’abord, dont elle négocia des cours en proposant à sa maîtresse de réciter des poèmes (notamment de La Fontaine ou Prévert) aux autres élèves, en guise d’écolage. « Cela me semblait merveilleux de pouvoir ainsi créer de la beauté rien que par la grâce du mouvement»; et le violon ensuite, à l’imitation de sa mère, dans le petit orchestre du collège. C’est d’ailleurs au temps du collège qu’elle a commencé de lire, « un peu tout », puis à écrire, « surtout des poèmes ».
Mais voici, à dix-huit ans, que l’enfance s’achève alors que la vie lui offre un double cadeau : l’Amour et l’Enfant. Avec René Pagnard, Myrha pour l’art (du nom d’une rue de Montmartre), et l’enfant Cléo, on s’installe à Bâle, où l’artiste déjà reconnu pourra s’épanouir. De son côté, Rose-Marie aime son rôle de mère, relancé l’année suivante avec Géraldine. Et dès ce moment-là, aussi, Le Démocrate lui propose une chronique bâloise quotidienne, qu’elle va assumer dix ans durant. En phase avec « son » peintre, elle participe à l’intense vie culturelle bâloise, écume les galeries et se fait une culture «sauvage ». La littérature l’attirant de plus en plus, elle parle de livres dans ses chroniques, comme elle le fera des années durant dans l’hebdo Coopération et le quotidien Le Temps, où elle distillera son goût pour les auteurs du Nord profond.
Et l’écriture là-dedans ? Elle émanera de la vie même, de ses questions, de ses douleurs, de ses cadeaux aussi. En 1985 paraît un premier recueil de nouvelles, Séduire, dit-elle, que suivront une dizaine de romans, dont La Période Fernandez, Prix Dentan 1988, plein du fantôme de l’immense Borges, et Dans la forêt, la mort s’amuse, prix Schiller 1999. En perspective cavalière, aujourd’hui : une dizaine de titres qui suffisent à donner le ton, la musique, la douce folie d’un univers fascinant, qui vit et vibre, exorcise le poids du monde et en célèbre les beautés et les liens profonds…


Dates de Rose-Marie Pagnard
1943 Naissance à Delémont, le 16 septembre.
1961 Rencontre de René Myrha, artiste peintre.
1963 Naissance de Cléo. Installation à Bâle. Début d’une collaboration au Démocrate, pour des chroniques quotidienne qui dureront dix ans.
1964 Naissance de Géraldine.
1985. Premier livre, Séduire, dit-elle, nouvelles, à L’Aire.
1988. La Période Fernandez, roman, chez Actes Sud. Prix Dentan.
1992. Mort de Cléo.
2005. Revenez chères images, revenez, aux éditions du Rocher. Prix de littérature du canton de Berne.

Vient de paraître : Le Motif du rameau, et autres liens invisibles. Roman. Zoé, 2010, 219p.

Une importante exposition marque la rencontre des œuvres de Rose-Marie-Pagnard et de René Myrha, au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel, jusqu’au 16 mai 2010. Les oeuvres récentes de René Myrha sont également exposées à la Galerie Dietesheim, dans le vieux bourg de Neuchâtel.

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