Révérence à Jeff Koons, vingt ans avant la royale esbroufe de Versailles. À recycler aujourd'hui pour la grande expo de la Fondation Beyeler, à Bâle...
Les ressources du putanisme pseudo-artistique mondial sont inépuisables, sans doute proportionnées au puits sans fond de l’imbécillité humaine. Aussi n’y a t-il guère à s’étonner qu’on n’en finisse jamais d’aller « plus loin » en matière d’esbroufe pseudo-artistique.
Quarante ans après que Pietro Manzoni (paix à ses cendres) eut mis en conserve et vendu quelque 90 boîtes de caca d’artiste (de 30g. chacune), et trente ans après que le pauvre Rudolf Schwatzkogler trépassa des suites de l’épouvantable carnage opéré en public sur son propre sexe, l’exploitation de la jobardise universelle se porte d’autant mieux qu’elle est désormais alimentée et cautionnée par la mafia très smart du marché de l’art, voire célébrée par les plus hautes instances culturelles et politiques.
Réaction légitime et féconde à ses débuts, qui visait à bousculer les poncifs de l’académisme, l’avant-garde artistique s’est transformée aujourd’hui en nouvelle convention parfaitement établie, dont la seule dynamique est d’ordre publicitaire et financier. Et les gogos de se précipiter, crainte de louper le dernier train du superchic.
Ainsi aura-t-on vu affluer l’autre soir, en notre bonne ville de Lausanne, moult Rolls, fourrures et fracs attirés, comme les mouches bleues par la chose que vous savez, à l’annonce de l’ouverture d’une nouvelle galerie branchée, dont la première exposition illustre le summum de la chiennerie pseudo-artistique. Or que voit-on dans la porcherie modèle de Rachel Lehmann, sise dans les anciens entrepôts du Flon où il est désormais de bon ton, ma chère, d’aller s’encanailler ?
L’on y voit de multiples effigies de Jeff Koons, jeune loup de la mafia pseudo-artistique mondiale, travailler au corps une courtisane rosâtre universellement connue sous le pseudonyme de Cicciolina.
Ici, sous forme de grande photographie sérigraphiée, vous voyez le sperme de Monsieur jeté sur le derrière de Madame. L’éjaculat en question coûte 60.000 dollars. Quelques fellations, traitées dans une esthétique sulpicienne, bénéficient de très grands formats aux prix assortis, avoisinant les 80.000 dollars. Là, vous voyez des réductions de verre, en trois dimensions, du couple adonné à diverses autres positions homologuées par la firme Kama & Sutra. Si vous entendez orner votre table de nuit de ces babioles, il vous faudra sortir 50.000 dollars. Ou bien ce sont de petits chiens et autres pourceaux de bois sculpté, d’un kitsch attendrissant, qu’un artisan de chez nous réaliserait pour deux ou trois tickets (on sait que Jeff Koons ne fait rien de ses mains et s’en vante) et qui sont proposés ici à 85.000 dollars pièce. Le bouquet, c’est le mot, étant atteint par une brassée de fleurs de bois polychrome, que l’amateur aura emportée pour 149.000 dollars, TVA comprise.
On pourrait se contenter de hausser les épaules. Mais comment les belles âmes que nous sommes ne s’effaroucheraient-elles pas devant le cynisme de ces gens qui donnent de l’art, au public, une image aussi dépréciée. Comment ne pas relever que, par seul snobisme, la meilleure société (la pire !) se déplace en masse à tel vernissage de haute mondanité ? Comment tolérer, sans mot dire, les menées de ces nullités qui fomentent ni plus ni moins que le pourrissement de l’art ?
Cette chronique, taxée de puritanisme réactionnaire par d’aucuns, a paru dans le quotidien 24 Heures il y a une vingtaine d’années de ça. La galeriste menaça notre journal d’un procès, mais l’abondant courrier de puritains réactionnaires volant au secours de l’auteur priva celui-ci du plaisir exquis de comparaître. Comme il y a une justice, la France la mieux établie a reçu Jeff Koons à Versailles pour des travaux témoignant de son royal épanouissement. Dès aujourd'hui, c'est la prestigieuse Fondation Beyeler, à Riehen près de Bâle, qui ouvre ses salles à une cinquantaine d'oeuvre de la firme Koons & Koons. À la conférence de presse d'hier, le directeur de l'établissement s'en est pris vivement aux détracteurs de son juteux invité, comparant ses travaux à ceux des ateliers de la Renaissance. Où l'on voit combien la pourriture sent la rose en notre beau pays...
Commentaires
Déjà 20 ans...le sperme de Jeff doit être aussi sec que l'encre de ton manuscrit...mais sa verge sûrement pas aussi vigilante que nos cerveaux toujours aussi critiques et persifleurs...j'ai tenté une sortie Panopticon aujourd'hui mais il pleuvait et neigeait sans cesse; j'ai chuté avec mon cycle sur la chaussée détrempée, chute sans gravité, mais je suis un peu courbatu par le choc avec les pavés et j'ai endommagé mon dérailleur. Je dois aller chez le mécanicien demain pour le faire régler, je suis coincé sur le petit pignon...Une très jolie femme portant avec beaucoup de charme la cinquantaine s'est penchée sur le cycliste à terre et m'a tendu une main chaude et vigoureuse pour me relever...la rencontre c'est terminée au café où nous avons pu passer un moment très agréable tous les deux. Par bonheur mes appareils bien protégés par mes bonnets en laine et mon sac à dos de motard en cuir n'ont pas une égratignure. J'espère qu'il y aura moins de précipitations demain car cette météo n'est pas propice à la capture numérique des images. Le matériel électronique craint l'eau et la neige...Bien lu et bien vu les dernières éditions du Panopticon...la chronique de l'oeil et la plume s'étoffe; ça réjouit l'artiste qui te salue et te souhaite des muses favorables pour la poursuite de ton récit en chantier...Philip
Ne nous fais pas de frayeurs, camarade, même si ça te fait rencontrer de gentes dames. Bon, là j'ai fini mes Riches Heures. L. m'a proposé de sous-intituler le livre Blog-Notes 2005-2007. Bonne idée n'est-il pas ? Le tapuscrit fait 240 pages sans la bibliographie et l'index. Je crains que ça fasse plus en poche. Ou alors on prend de la chtite typo et on vend le livre avec une loupe.
Quant au récit en chantier, je vais reprendre complètement le chapitre VI dont je ne suis pas content. Trop compliqué. Pas le bon rythme. J'aimerais qu'il fût simple comme un portrait sur bois de nos vieux maîtres, Memling ou Holbein, tu vois le genre Urschweiz. Mais je le tiens. Plus qu'à l'écrire. Et de vous savoir attentif, toi et quelques autres, m'aide mine de rien.
La météo annonce une tempête de neige comme il n'y en a qu'une par siècle. Tout le monde s'en régale d'avance.
Tschuss (et surtout prends garde à toi)
Jls
Je me suis fait un peu peur, je l'avoue, surtout qu'il y avait des voitures derrière moi, mais grâce à Dieu tout va bien...J'ai parlé à S. du titre et elle pense elle aussi que "blog" doit figurer sur la première de couverture...d'abord c'est une nouveauté dans l'élaboration de tes carnets et c'est bon pour attraper de nouveaux lecteurs, en librairie notamment. C'est aussi faire connaître encore plus largement tout ton travail généreux de passeur curieux, d'esprit critique qui paraît au rythme quotidien sur la toile...la proposition de L. me paraît bonne...je vous envie pour la neige ici c'est de la mouillasse...bon feu chez vous. Philip.
Eh bien ça nous manquait un JLK qui grimpe aux barricades...mais ça fait 20 ans qu'il écrivait cela? Les prises de position ne sont peut-être plus à la mode mais elles sont salutaires en ces temps de bien-pensance. Peut-être la même approche aujourd'hui sur certaines photos...
Je reviens sur le chapitre VI de ton récit en chantier que tu aimerais complètement réécrire. Tu penses si je connais Memling, il fait partie de ces peintres allemands du XVème dont j'ai étudié les tryptiques et les polyptiques pour l'élaboration de mes compositions iconographiques sur lesquelles je travaille, en utilisant d'ailleurs aussi des images réalisées pour la série des Panopticons. Ce peintre a fait un retable en sept parties sur la crucifixion et un tryptique magnifique sur le jugement dernier. La simplicité de ses compositions mais aussi la complexité de ses assemblages inattendus forment un mélange étonnant dont je me suis beaucoup inspiré pour certaines de mes propres compositions.
Quant à Holbein, tu nous en as parlé ici dans une de tes chroniques traitant de ta fascination pour sa représentation du corps du Christ, en attente de résurrection, peint, je crois, pour un retable, que tu as vu au Kunst Museum de Bâle. Quant au côté Urschweiz que l'on traduit je crois par Suisse Primitive, je pense que tu veux parler de ce bon sens carré et bien au cordeau que l'on trouve dans les dessins et peintures de nos légendes nationales, Tell , les Trois Suisses qui sont représentés dans les paysages de cette Suisse de lacs, de montagnes, de prairies et de forêts en partie encore réelle mais surtout mythique...
Oui avec ces éléments je peux tenter de m'imaginer ce que tu as envies de composer comme chapitre, et comment tu veux construire les différentes scènes et représenter tous les personnage qui les animent...alors je te souhaite de riches heures d'écriture pour agencer toute ces scènes...et au plaisir impatient de te lire, ces prochaines matinées...Philip
Dear Philip, ce sont les phrases qui décident, le rythme, la découpe et le souffle. Cette Suisse que je ressens, dont nos amis Français ne connaissent à peu près rien (ils ne voient que la Banque et Fritz Zorn), je la vois à la fois du Nord breughelien (les hivers de nos enfances) et du Sud latino de Montagnola drainant tous les anarcho-idéalistes du début du XXe siècle, une Suisse apparemment bien ordonnée si l'on veut mais traversée de fous, de Walser à Soutter ou de Wölffli à Tinguely. Pourtant je ne voudrais aucune référence explicite. Rien que des touches de mots sur l'écran noir d'un matin de neige. Tu vois ça ? Ce matin on devine trente centimètres de poudreuse dans le noir. J'y retourne mon canard.
C'est vrai, cher comcom, qu'il y aurait de quoi s'enrager à journée faite, mais je suis de plus en plus convaincu que toute pourriture s'effondre d'elle-même. On l'a vu avec le communisme que notre ami Zinoviev voyait durer 1000 ans (!) et le roi de la pseudo avant-garde est plus nu que jamais: c'est Jeff Koons à Versailles ou le mec dont j'oublie le nom qui incruste une tête de mort de diamants. Alors ferrailler contre quoi et pourquoi ? Pour se faire plaisir ? Le goût m'en a passé. Je préfère défendre ce qui résiste à la décadence et à la déchéance - et je prétends qu'il y a de belles causes et choses encore à défendre. Prétendre que rien ne se fait plus, que la littérature actuelle est un cadavre autant que l'art, et autres inepties mortifères, est aussi une façon d'ajouter au nihilisme et au confort intellectuel. Et tiens, ça tombe bien: je vais relire Le Confort intellectuel de l'excellent Marcel Aymé et vous en donner des nouvelles...
Vous dites: "Prétendre que rien ne se fait plus, que la littérature actuelle est un cadavre autant que l'art, et autres inepties mortifères, est aussi une façon d'ajouter au nihilisme et au confort intellectuel": Il y a selon moi un juste milieu entre la révolte contre des moulins à vent en ruine et le refus de critique pointue. Nous apprenons de vous JLK, mais ce que l'éloignement des barricades semble avoir tué, c'est bien l'idée que c'est à travers la critique que justement on apprend. Pour nous autres jeunes d'aujourd'hui, les photos de la Cicciolina ne représentent plus un choc et ne soulèvent même plus de dégoût, parce que nous n'avons plus personne pour nous dire: ça c'est moche, ça c'est esthétique. Vous avez une responsabilité. J'aime les photos de votre ami Philip par exemple, mais vous devez aussi nous expliquer, pour nous qui suivons votre blog, ce que vous voulez dire: ce n'est pas clair. Sans explication, c'est un bombardement d'images à la CNN, sans critique justement, avec un commentaire qui à la limite nous force à les appréhender d'une certaine manière. Amitiés sincères
RE : L'art comme consolation
De : Niki Laudanum (nikilaudanum@hotmail.com)
Envoyé : mercredi 31 septembre 2008 3:24:33
À : asperge_de_reve@gmail.com
140 millions d'euros
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Trêves de vouvoyage, cher compère, fais-nous plaisir, lis donc si ça te chante l'inénarrable Irremplaçable expérience de l'explosion de la tête de mon pote Guinzburg
{ accolade }
Mais voyons, comcom, avec toute la réserve que m'inspirent les pseudos, vous n'êtes pas à l'école et je ne suis pas, pas plus que mon ami Philip, un donneur de leçon - exactement le contraire. Pour distinguer ce qui est tolérable et ce qui ne l'est pas, ce qui vous fait respirer et ce qui vous asphyxie, ce qui vous émerveille et ce qui vous déprime, vous n'avez pas besoin de moniteur.
Le jeu auquel nous jouons, dans Panopticon, n'est pas un jeu édifiant: c'est une suite de variations sur ce que les images peuvent inspirer aux mots, rien de plus. Si vous voulez développer une réflexion éthique sur l'image, ce qui est très bien, lisez Susan Sontag. Je n'ai pas sur mon blog de moteur de recherche, mais il s'y trouve une entretien avec elle après la parution d'un grand petit livre. Par ailleurs, Philip Seelen est un spécialiste en la matière. Allez lui dire bonjour sur Facebook. Pour ce qui me concerne, un conseil jeunesse: oubliez le cliché des barricades et ouvrez la fenêtre de votre propre liberté
Ciao
Papy qui fait de la résistance à sa façon en écoutant Bleu Pétrole
Cherchez-vous une image juste ? Non...juste une image...Je ne suis pas le miroir du monde, mais j'aime mettre en valeur ce que mes contemporains négligent ou conscidèrent comme étant insignifiant...juste un clin d'oeil et un trait de plume...et zou
...Philip.
Philip, est-ce que la commotion est passée ? et le dérailleur réparé ? et la dame à la main chaude, en allée ?
Michèle, la post-commotion s'est avérée tenace aujourd'hui. J'avais des douleurs un peu partout, comme après une bagarre à la gare. Je n'ai eu ni l'envie, ni le courage pour grimper sur ma bécane et la conduire chez le mécano. Elle attendra demain. Mais celle qui m'a tendu la main n'a pas pu disparaître sans laisser ses traces. J'y veillais. Elle est jardinière à la Ville de Paris au Parc Montsouris. L'année dernière elle travaillait au Parc Kellermann, elle dit qu'elle m'a souvent vu quand je travaillais au kiosque à journaux du Square Hélène Boucher pour mon ami Fathi. Paraîtrait que je lui ai vendu plusieurs fois une revue écolo...et je m'en souviens, elle avait alors une coiffure toute bouclée en boule comme une Angela Davis mais blanche...le hasard d'une chute c'est pas si mal, elle m'a invité à passer au Montsouris pour la pause et nous irons boire un chocolat pour repousser tout ce froid...voilà les nouvelles, Michèle....
Isabelle de Maison Rouge, en voilà un pseudo pseudo qui claque !
(...) C'est ce soutien indéfectible de François Pinault qui permet aujourd'hui à Jeff Koons de se retrouver à Versailles: l'ancien ministre de la culture chiraquien Jean-Jacques Aillagon, actuel président de l'établissement public du Château, est un proche de la troisième fortune de France et a été directeur du Palazzo Grassi, où Pinault a regroupé une partie de son immense collection d'art contemporain.
source : http://www.rue89.com/2008/09/14/hirst-et-koons-le-triomphe-des-artistes-businessmen
Fidéle lecteur de votre blog, je me permets de mettre un lien sur le notre:
http://urbanetattack.blogg.org