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Le domino d’Yves Ravey

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Un doigt de Badoit au Bambi Bar

Divers purs littéraires de mes fréquentations les plus chiquées, auxquels l’ordinaireté de mon goût arrache de petits soupirs flûtés, se sont efforcés de me persuader que le nouveau roman d’Yves Ravey, intitulé Bambi Bar et doublement géniâl-mon-chéri, du fait du phrasé de ses phrases tellement lègères et denses qu’on se demande comment tant de densité s’y compacte avec tant de légèreté en 90 pages aérées, et de sa touche noire qui en fait un semblant de polar alors qu’il s’agit d'un détournement de genre avéré, Bambi Bar donc était LE roman du moment à ne pas louper. J’ai donc lu le chef-d’œuvre présumé, averti qu’un prodigieux coup de théâtre en marquait l’Apex terminal; j’ai certes apprécié le fait que l’auteur, tout à fait habile dans sa façon de filer sa phrase et son intrigue, ne me prenne pas plus d’une heure, nullement perdue d’ailleurs car Bambi Bar, dans le genre nouvelle un peu étirée, est un objet fonctionnant pilpoil, dont l’agencement m’a fait penser à un très fluide jeu de dominos, sans autre enjeu pourtant que la combinatoire de sa forme. Quant au fameux dénouement, il n'a pas fait ciller le lecteur pourri d'Ellroy et de Robin Cook et de James Lee Burke que je suis - plus attendu tu dégoupilles...
Le scénar de Bambi Bar ferait cependant un court métrage épatant, à condition d’étoffer ses personnages et de donner une réelle densité à son climat, ici tout lisse et léché. Il y faudrait un Ravey aussi méticuleux et roué mais plutôt belge ou slave, qui se prenne les pieds dans les projos du peep-show. Il y faudrait plus de peau, plus d’entrailles, plus d'empathie et plus même de sexe (au sens de la vraie sensualité et pas de ce cette façon de se complaire dans les élégants équivoques). En patinant sur la glace de ses phrases, je pensais à ce qu’un Joseph O’Connor ou un Aleksandar Tisma eussent fait d’un pareil sujet, en cassant évidemment la baraque de Minuit, toujours si grand chic parisien corseté.
Je suis peut-être un peu trop méchant (c’est que je vise mes purs littéraires pâmoisés plus que l’écrivain, qui fait ingénieusement ce qu’il sait comme il peut…), car il y a là-dedans pas mal de fines finesses et de subtilités subtiles, et puis Ravey a son rythme indéniablement, à défaut de souffle, mais après tout non: assez de ces élégances tournant à vide et de ces livres ne laissant aucune trace, ni réflexion ni ça d’émotion. Il y a plus d’un mois que j’ai vu It’s a free world de Ken Loach, qui me fait encore mal aux tripes et au cœur ; tandis que de l’histoire de filles trafiquées et d’honneur vengé de Bambi Bar, une heure après l’avoir avalée comme une fiole de Badoit éventée, faute de toute crédibilité et de la moindre incarnation, rien ne me reste ou peu s'en faut...
Yves Ravey. Bambi Bar. Minuit, 90p.

Commentaires

  • Très bon article, merci pour ces informations intéressantes !
    Bonne comparaison avec la badoit éventée
    Bonne continuation
    David de conseil santé

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