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  • L'humeur vagabonde de Charles Sigel




    L’exercice de la chronique, et notamment sur les ondes volatiles de la radio, n’est souvent qu’une gorgée de paroles et de pensées, d’impressions momentanées ou d’opinions de circonstance ; « un petit morceau de temps », précise Charles Sigel, « sitôt trouvé, sitôt perdu ».



    Il suffit cependant d’une présence personnelle, d’un regard et d’une voix, d’une manière à soi de capter l’air du temps et d’un ton, d’un style propres à restituer le sel des jours, pour que la chronique devienne un art, et c’est la constatation qui s’impose à la lecture des billets de Charles Sigel réunis dans Le zist et le zest, constituant un choix d’une quarantaine de ses deux-cent cinquante salutations matinales du lundi sur Radio suisse romande Espace 2, à huit heures moins un quart : autant de « minutes heureuses », selon le mot de Georges Haldas emprunté à Baudelaire, autant d’instants précieux débourbés du tout-venant quotidien.



    Celui-ci est parfois, même le plus souvent, bien gris. Mais le gris est aussi une couleur. Le gris Simenon, mouillé de pluie, est également un confort. C’est que l’être humain, ce drôle d’animal à l’âme compliquée, éprouve « du plaisir à être triste ». Charles Sigel précise avec un bon sourire : « L’homme adore le changement, mais voudrait que ce soit toujours pareil. Il est très content de vivre à une époque comme celle-ci, effervescente, épatante, éruptive, épuisante, mais il cultive sa nostalgie. Il fréquente des brocantes où il achète de vieilles marmites, des tables de toilette à plateau de marbre, des photos d’ancêtres qui ne sont pas les siens, dans des cadres ovales. Des armoires normandes de style basque, du poisson de la semaine dernière»…



    On aura noté le ton et le rythme de ces phrases : d’un véritable écrivain, du côté d’Alexandre Vialatte, d’ailleurs cité diverses fois, dont Charles Sigel, natif de Lyon et habitant juste en face de chez nous, à Thonon-les-Bains, partage le décentrage du regard, la distance quand il le faut, mais aussi l’adhésion généreuse et la curiosité omnivore, la tenue et le bon naturel provincial, le savoir et le goût des saveurs qui, dans une civilisation complète, situent chaque chose à sa place.



    Le chroniqueur parle de tout parce que le monde est fait de tout : de Sagan qui disparaît après avoir filé comme une étoile, « une sorte de James Dean, maigrichonne, bafouillante, subtile, providentielle » avec un « côté Mauriac », sur lequel le chroniqueur bifurque tout à trac, citant une phrase de l’écrivain « feutré, invisiblement audacieux », taxé justement de « vieille corneille élégiaque », dans un de ses bloc-notes où il parlait de La Mouette de Tchekhov : « Non, l’homme n’est pas naturellement bon ; il est avare, dur, vaniteux, sensuel, égoïste et lâche, mais dans ce théâtre une profonde nappe de tendresse et de douleur relie tous les êtres ».

    Cette phrase de Mauriac, Charles Sigel ou Vialatte auraient pu l’écrire, le théâtre de Tchekhov est le théâtre du monde et cette « nappe de tendresse et de douleur » se retrouve dans Le zist et le zest.



    Ainsi qu’il parle, à la retraite d’Yves Saint-Laurent, de ce que signifie au fond la mode et ses « fantômes esthétiques » mimant « une sorte de musique de l’être », de l’image que se fait telle petite fille irakienne des Américains ou de ce qu’a représenté le 11 septembre « en réalité », de la grâce du chanteur Hugues Cuenod ou de la disparition annoncée de 3000 langues en ce nouveau siècle, de l’humanité voguant entre Big Bang et 31 décembre prochain, des derniers perroquets Kakapos (86 individus), de la nuit silencieuse de Florence, de la beauté des femmes, d’une petite maison de notre enfance à tous appelée La Capite, de notre cher passé et de notre exciting futur, de Proust ou de pauvres réfugiés rejetés sur nos rivages, Charles Sigel fait-il œuvre à sa façon de poète, en cela qu’il enlumine, par ses propos à la fois si modestes en apparence et si pénétrants, pleins d’urbanité et d’humanité, tantôt malicieux et tantôt nimbés de mélancolie, les heures dures et douces de notre temps humain.



    Charles Sigel, Le zist et le zest. Editions Zoé, 171p.



    Charles Sigel, homme de très grande culture et de rare qualité d'écoute, anime tous les dimanches après-midi, sur Radio Suisse Romande Espace 2, une émission tout à fait remarquable, intitulée Comme il vous plaira. Le principe de l'émission consiste en un entretien de deux heures de temps (!), durant lequel sont diffusés des morceaux de musique choisis par l'invité. Ce dimanche 19 août: promenade à travers Venise avec la musicologue Sylvie Mamy, spécialiste d'opéra italien à qui rien de ce qui touche aux castrats napolitains n'échappe...



    Charles Sigel est également l'auteur d'une autre émission passionnante, le samedi matin à 10h., sur RSR La 1e, intitulée L'humeur vagabonde. Il y raconte actuellement Alma Mahler, la fiancée du vent. Troisième épisode samedi prochain. 

  • La bonne foi de Guillebaud

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      Selon Jean-Claude Guillebaud, se dire chrétien serait aujourd’hui plus gênant, en France, et plus particulièrement dans le milieu intellectuel et médiatique, que se déclarer homosexuel ou échangiste. Cette nouvelle forme d’intolérance, faisant l’impasse sur l’acquis inestimable de vingt siècles de judéo-christianisme pour lui substituer l’équation chrétien=ringard,  lui a inspiré une colère qui ne reposait même pas sur une conviction personnelle inébranlable :    « Je ne suis pas sûr d’avoir intimement la foi », écrit Guillebaud dans Comment je suis redevenu chrétien, « mais je crois profondément que le message évangélique garde une valeur fondatrice pour les hommes de ce temps. Y compris pour ceux qui ne croient pas en Dieu. Ce qui m’attire vers lui, ce n’est pas une émotivité vague, c’est la conscience d’une fondamentale pertinence ».

    Dans cette perspective, le témoignage et la recherche approfondie qui s’entremêlent dans son livre vont bien au-delà du « coming out » confessionnel : c’est d’un retour à nos sources qu’il s’agit. Le philosophe René Girard le relevait: « C’est ce qui reste de chrétien en elles qui empêche les sociétés modernes d’exploser ». Or ce que rappelle Guillebaud, c’est que les valeurs que nous attribuons aux Lumières (à commencer par la conception de la liberté, de l’égalité et de la fraternité) remontent à la Bible et à l’Evangile. Qu’il s’agisse de l’autonomie de la personne (toute différente dans l’islam, le bouddhisme ou le confucianisme), de l’égalité entre les hommes (en rupture avec la conception grecque), des notions d’universalité et d’espérance, de fraternité et de solidarité, le christianisme a marqué une suite d’avancées à valeur universelle, parfois combattues au sein même de l’église : de la fameuse controverse de Valladolid sur la question de savoir si les Indiens ont une âme, à l’encyclique de Pie IX contre les idées modernes, ce qu’il y a de subversif dans le christianisme a souvent buté contre l’Ordre clérical.

    Par ailleurs, Guillebaud ne se borne pas à cette approche périphérique : « Le christianisme, c’est autre chose qu’une simple collection de valeurs humanistes. Avoir la foi, ce n’est pas adhérer simplement à un catalogue de principes normatifs, qui serait comparable au programme d’un parti politique. Oublier cela, ce serait confondre la « religiosité » avec la croyance ».

    La trajectoire personnelle de Jean-Claude Guillebaud, grand reporter au Vietnam et au Liban, via le Biafra, qui a décidé un jour de remplacer l’observation « horizontale » du journalisme par une investigation « verticale », au fil de grands essais interrogeant notre « époque d’inquiétude », est exemplaire par sa façon de lier le besoin de savoir à l’expérience vécue, la recherche de la vérité et le « saut » de la foi. Au demeurant, plus chrétien que catholique, disciple du protestant Jacques Ellul mais aussi d’un Jean XXIII (« Nos textes ne sont pas des dépôts sacrés mais une fontaine de village »), Guillebaud nous intéresse moins par sa position que par les questions qu’il pose à chacun, croyant, agnostique ou athée. 

    cf5a9d5a5756b848b681f3f24780443d.jpgJean-Claude Guillebaud, Comment je suis redevenu chrétien. Albin Michel, 182p.

  • Avant l'aube

     

    3ac4628e70182f8c87d16b6d5ee6e3b0.jpgEn lisant Yves Leclair et Sylvie Germain 

    A La Désirade, ce mercredi 15 août. – On annonce 1000 livres à paraître ces prochains temps, autant dire : rien. Je sais bien qu’il y a de vrais bons livres dans ce rien, et déjà j’en ai repéré quelques-uns, mais ce sera toujours plus à distance que j’en parlerai, ou plus exactement : à distance des estrades, pour me tenir mieux à l’écoute de chaque voix.
    De fait ce ne sont que les voix qui m’importent, j’entends : pour l’essentiel, quand tout se tait ou quand tout n’est plus que bruit. Ainsi j’ouvre ce matin, avant l’aube, Les échos du silence de Sylvie Germain, et tout aussitôt je retrouve cette voix sans pareille, comme à l’instant en reprenant Bâtons de randonnées d’Yves Leclair je retrouve cette autre voix sans pareille et que je pourrais dire aussi bien : la voix de tous.
    Sylvie Germain : « La vérité marche à pas vifs, mais d’une absolue discrétion. Qui l’aime, la suive, pieds nus à travers sables et pierrailles, sans autre souci que de la suivre. Qui veut s’en emparer pour la réduire à un bien tangible et monnayable, ou qui exige des preuves plus somptueuses ou rassurantes, est renvoyé à sa carence de pensée, et sa mesquinerie spirituelle ».
    Sous la table où j’écris roupille, et parfois soupire, le chien Fellow. Dans la nuit noire scintille un semis de loupiotes, là-bas de l’autre côté du lac qui n’est que du noir sous le noir des monts de Savoie et le noir du ciel.
    Yves Leclair : « Il y a une vie qui fait de nous des morts vivants. Il nous fait ressusciter, ici et maintenant – pas ailleurs, ni demain. Telle est la première bonne nouvelle ».

    JLK: Crépuscule. Aquarelle, 2006.

  • Georges Haldas le vif ardent

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    L’écrivain genevois, figure majeure de la littérature romande, fête aujourd’hui ses 90 ans. Son œuvre, notamment consacrée par le Grand Grix C.F. Ramuz et le Prix de la ville de Genève, compte plus de 80 titres.

    Georges Haldas passe aujourd’hui le cap de ses 90 ans. Pas un instant, cependant, la notion de «grand âge» ne nous vient à l’esprit à propos de cet éternel ardent, qui notait un jour dans ses carnets: «Ecrire: foutaise. Haute foutaise. Le sentiment d’avoir parfois gâché ma vie. Et surtout celle de mes proches. Vivent ceux qui n’écrivent pas!»
    Ce coup de gueule exprimait une méfiance qu’Haldas a toujours manifestée à l’égard de la figure du littérateur, lui qui se définit plutôt comme «un homme qui écrit». Or, il n’en aura pas moins été un écrivain engagé corps et âme dans son œuvre. Consacrée en 1985 par le Grand Prix C. F. Ramuz, celle-ci compte parmi les plus importantes de la littérature romande.
    Récemment encore, quatre nouveaux livres témoignaient de la constance et de la vitalité de ce scribe de l’essentiel, illustrant en outre les divers «sillons» qu’il aura creusés en sept décennies: le récit autobiographique avec Ô masœur; l’essai littéraire à forte implication existentielle dans L’Espagne à travers les écrivains que j’aime; la chronique mêlant trajectoire personnelle et tribulations du siècle dans Le tournant, où il évoque sa rupture d’avec Paris et sa rencontre providentielle de Vladimir Dimitrijevic, qui allait éditer tous ses livres; enfin, une suite à sa méditation, en poète inspiré plus qu’en exégète, sur le message évangélique, dans Rendez-vous en Galilée.

    Dans son hommage du Grand Prix Ramuz, Pierre-Olivier Walzer parla de Georges Haldas comme d’un «merveilleux professeur d’attention», soulignant la présence au monde intense et rayonnante qui caractérise son rapport aux choses et aux êtres. Sans rien de «professoral», son regard sur le monde ne se borne jamais à l’anecdotique ou au contingent mais vise, à travers la ressaisie des «minutes heureuses» dont parlait Baudelaire, comme lorsqu’il sonde les abîmes de la nature humaine, à dégager le sens, la valeur et la beauté de ce qui semble à première vue chaotique et sans intérêt. Cet effort de transmutation, dans une langue concentrée et voulue directe jusqu’à l’abrupt, se traduit tantôt par les notes immédiates qui nourrissent les fameux carnets de L’état de poésie, tantôt par des poèmes ou des chroniques (forme la plus significative de son œuvre).
    Pour lire Haldas
    Pour qui n’aurait jamais encore abordé cette œuvre, rappelons les trois récits autobiographiques fondateurs de Gens qui soupirent, quartiers qui meurent, évoquant le Genève des petites gens cher à l’auteur, Boulevard des Philosophes, qu’on pourrait dire le «livre du père», et Chronique de la rue Saint-Ours, son pendant «maternel», rassemblés en un volume dans L’air natal (L’Age d’Homme, 1995).
    Compagnon de route des communistes dans sa jeunesse, Georges Haldas n’a jamais adhéré au matérialisme athée, et le raisonnement dialectique a toujours été chez lui soumis à – ou en conflit avec – ses intuitions poétiques et son approche du mal, qui en font un émule de Dostoïevski ou de Bernanos. Depuis une vingtaine d’années, la composante spirituelle, toujours présente chez lui, a nourri une méditation de plus en plus pénétrante sur la base des Evangiles, parallèlement à la vaste entreprise de remémoration intitulée La confession d’une graine.
    Finalement cependant, qu’il raconte La légende des repas (L’Age d’Homme, 1987) après avoir célébré celle des cafés genevois ou du football, qu’il s’interroge sur nos relations avec le monde arabo-islamique dans son Intermède marocain (L’Age d’Homme, 1989) ou évoque simplement les bords de l’Arve dans la grisaille du petit matin, Georges Haldas, pétri lui-même de contradictions, plein d’amour et de failles, de lumière et d’ombres, est de ces très rares écrivains contemporains qui, réellement, nous aident à vivre.
    Cet hommage a paru dans l'édition de 24 Heures du 14 août

  • Léopard d’or nippon et taiseux

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    FESTIVAL DE LOCARNO Le réalisateur japonais Masahiro Kobayashi a décroché la récompense suprême avec Ai No Yokan (Pressentiment d’amour), et le jury accorde son prix spécial au film coréen Memories. Michel Piccoli obtient un prix d’interprétation.

    C’est à un film d’auteur correspondant à l’esprit traditionnel de la manifestation qu’a été décerné, samedi dernier, le Léopard d’or du 60e Festival international du film de Locarno, assorti d’une somme de 90.000 francs. «Nous avons parfois peiné à voir la ligne cohérente de la sélection officielle », a déclaré Irène Jacob, présidente du jury de la compétition internationale. « Pour trouver des critères, le jury a donc privilégié un cinéma novateur et de recherche». L’ouvrage obtient en outre le Prix Daniel Schmid, doté de 20.000 francs et attribué uniquement cette année en mémoire du cinéaste suisse disparu il y a un an. Représentant d’un cinéma d’art et d’essai qui peine aujourd’hui à survivre au Japon, Masahiro Kobayahi (né en 1954) s’inscrit, avec Pressentiment d’amour, dans la lignée d’un cinéma très intérieur, où le non-dit est compensé par la force des images et la signification de chaque geste. Il y est question de la relation tendue entre un homme et une femme liés entre eux par le meurtre de la fille de celui-là par la fille de celle-ci.
    Le jury a en outre accordé son Prix spécial (30'000 francs) au film coréen Memories qui rassemble trois courts métrages de cinéastes européens, et le Prix de la mise en scène au Français Philippe Ramos (30'000 francs) pour Capitaine Achab, une adaptation libre de Moby Dick. Enfin, le prix d'interprétation féminine (sans chèque) est revenu à Marian Alvares dans le film espagnol Lo mejor de mi, de Roser Aguilar, alors que deux acteurs se partagent le prix d'interprétation masculine: Michel Piccoli, très émouvant dans Sous les toits de Paris de Hiner Saleem, et Michele Venitucci, qui incarne le protagoniste boxeur de Fuori dalle corde de Fulvio Bernasconi, seul film suisse en compétition internationale. «Michel Piccoli était un choix évident», a relevé Irène Jacob, qui a expliqué l’ex-aequo du fait que «le festival doit soutenir de jeunes talents».
    Parmi les nombreux autres prix attribués, on relèvera les trois récompenses obtenues par le film franco-algérien La maison jaune de Amor Hakkar : respectivement les prix du jury oecuménique, de la Fédération internationale des ciné-clubs ainsi que du jury des jeunes. Quant au jury de la compétition Cinéastes du présent, il a décerné un Léopard d'or (30.000 francs) au film hongrois Tejut de Benedek Fliegauf, et son Prix spécial du jury, (30'000 francs) à Imatra de l'Italien Corso Salani. Le Prix du public a plébiscité la comédie pleine d’humour noir du Britannique Frank Oz, Death at a funeral, l’un des succès de la Piazza Grande, et sir Anthony Hopkins a obtenu le premier prix du jury des jeunes pour Slipstream, son troisième film de réalisateur.
    Du côté des paris sur l’avenir, le Léopard de la première œuvre (30.000 francs) revient à l’Italien Vittorio Rifranti pour Tagliar le parti in grigio, tandis que les courts métrages, sélectionnés pour la première fois en compétition suisse et internationale à l’enseigne des Léopards de demain valent un mini-léopard d’or (et 10.000 francs) au Roumain Adrian Siatru, pour Valuri, et au Suisse Tobias Nölle pour René. Last but not least, la jeune Genevoise Florence Guillermin obtient un mini-léopard d’argent (et 10.000 francs) pour son court métrage très original, Latitude 2023, évoquant une Suisse kafkaïenne à venir…


    Un festival tiraillé entre purisme et marketin à tous les publics
    La 60e édition du Festival de Locarno a vécu, et bien vécu dans les grandes largeurs. Les purs et durs ont certes reproché, à sa direction artistique, un manque de rigueur dans la sélection de la compétition internationale, des rétrospectives moins pointues qu’à l’ordinaire, ou de trop grosses machines sur la Piazza Grande. Or le palmarès devrait les rassurer. Frédéric Maire lui-même le remarque : « Je suis content du palmarès. Le jury a choisi les films les plus courageux et qui représentent le mieux l'esprit du festival.»
    Par ailleurs, et n’en déplaise aux intégristes de la cinéphilie, ce festival très convivial et bon enfant ne perd son âme en accueillant l’irrésistible comédie musicale Hairspray le même jour que le militant Haïti chérie évoquant les sempiternels exploités du tiers monde.
    Avec ses 180.000 à 200.000 visiteurs, le Festival de Locarno ne peut survivre qu’en s’ouvrant à toutes les formes d’amour du cinéma. Or c’est le mérite particulier de Frédéric Maire et de son équipe de pratiquer un éclectisme généreux et pertinent, qui rend justice aux multiples aspects de la création cinématographique en phase avec la réalité contemporaine, entre tragédie et poésie, recherche formelle raffinée ou plus simple besoin vieux comme le monde d’illustrer la condition humaine au fil de belles et bonnes histoires…
    A 60 ans, le Festival de Locarno n’a pas vieilli. La jeunesse de son public en témoigne, autant que sa capacité renouvelée de satisfaire toutes les curiosités...