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Le silencieux volubile

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Hommage à Marcel Marceau

La disparition de Marcel Marceau ne manquera pas, comme le préfigurait hier le déferlement d’hommages officiels, amicaux ou pseudo-amicaux, de susciter un feu d’artifice d’images plus « poétiques » les unes que les autres, le qualifiant tantôt de « magicien du silence », de « funambule des étoiles » faisant clignoter son bip-bip ou d’ambassadeur silencieux de l’humanité bavarde.

Le personnage de Bip, que le Juif alsacien né Marcel Manguel  inventa au lendemain d’une affreuse guerre où il fit lui-même acte de résistance au côté de son frère, alors que leur  père pris en otage mourrait à Auschwitz, est devenu une sorte de cliché, comme le petit prince de Saint-Exupéry ou, avant eux, le Pierrot lunaire de la tradition théâtrale populaire auquel Jean-Louis Barrault prête sa mine fardée dans Les Enfant du Paradis de Marcel Carné. Pourtant, dès que Marceau réapparaissait sur scène, ledit cliché redevenait image vivante et signifiante.  

Simplicité enfantine, épure de l’expression et du geste, langage immémorial et universel chorégraphiant l’homme de toujours et de partout: tels étaient les composants de l’art de Marcel Marceau, qui eut le premier mérite de rafraîchir et de populariser la pantomime remontant à l’Antiquité occidentale tout en essaimant dans toutes les cultures. Parmi ses sources personnelles, les comiques du cinéma américain (à commencer par Charlot, mais également Buster Keaton dans ses vacillements et ses grimaces) ont compté, autant ensuite que l’observation directe de la comédie humaine. Plus profondément, sa parole silencieuse, il l’a expliqué, relaya le mutisme sidéré des revenants des camps de la mort, sans que cela se perçoive pour autant dans ses « récits ». Ceux-ci avaient atteint une perfection classique qui ne se renouvelait guère que par le frémissement d’une présence. La magie de la représentation, et l’émotion incarnée,  bien moins perceptible à la télévision, passaient alors jusque dans la énième répétition de ses séquences les plus célèbres, de l’homme marchant contre le vent (repris par Michael Jackson) à la plus symbolique et « incontournable » cage de verre.

« Marcel c’est l’homme du mystère », disait Raymond Devos de Marceau, dont il hérita, malgré sa bedaine et sa faconde, une part de la grâce dansante. Plus épuré, comme les personnages d’un Beckett ou d’un Giacometti, l’homme de Marceau pratiquait la pantomime comme  « un art qui hypnotise », selon la propre expression de l’artiste. Celui-ci avait hésité entre diverses formes d’expressions avant de suivre  les cours de théâtre du mythique Charles Dullin et de trouver, à cette enseigne, sa voie chez le mime Etienne Decroux. En fondant sa propre compagnie, il avait inscrit au répertoire des mimodrames et des pantomimes tels que Le Manteau d’après Gogol, Le Joueur de flûte, Paris qui rit, Paris qui pleure. C’est cependant avec Bip qu’il aura fait le tour du monde et qu’il restera dans toutes les mémoires.

Son héritage se perpétue en outre doublement, à la fois par l’enseignement qu’il dispensa en fondant en 1978 son Ecole internationale de mimodrame, fort de la conviction qu’un art qui ne se transmet pas est amené à mourir, et par les multiples hommages que constituent d’innombrables citation, bien au-delà de la seule pantomime muette, dans les cirques et les théâtres, de Zouc au clown Pic, entre tant d’autres - partout où le rire et l’émotion continuent de nous parler tandis que Marcel Marceau lui-même à cessé de se taire…

Cet hommage a paru dans les éditions de 24Heures et de La Tribune de Genève du 24 septembre 2007.

Commentaires

  • Je sais ses racines, connais ses ramifications .. et pourtant je le sens unique, incomparable à la fois dans son art que personne ne portera aussi haut, et en tant que personne. Il a traversé ces années comme une sorte d'extra-terrestre, affranchi de nos chaînes, nos langues, barrières de nationalités et autres lourdeurs.
    Peut-être parle-t-il aux étoiles?

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