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De belles flammes de retour

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FESTIVAL DE LOCARNO Alida Valli et Lucia Bosè, dans la série « Signore e Signore » mais aussi Marco Bellocchio et Lou Castel, inaugurant le « Retour à Locarno »,  magnifient également le 7e art.

Alida Valli avait vingt ans et des poussières lorsqu’elle tourna Piccolo mondo antico en 1941, sous la direction de Mario Soldati, et ce fut, après Saraband de Bergman donné en hommage sur la Piazza Grande, l’une des premières émotions « rétro » de cette 60e édition, à l’enseigne de la série « Signore e Signore », Dames et dames, célébrant les plus grandes stars disparues ou vivantes du cinéma italien.

5de6c98a70e100d526bad2f2c6b032fe.jpgDans ce drame historico-politique sur fond de luttes de libération, en Lombardie du nord et au Piémont, entre 1880 et 1890, Alida Valli incarne une jeune roturière qu’épouse par amour le flamboyant petit-fils, adepte des nouvelles idées, d’une marquise bigote et réactionnaire. D’un réalisme lyrique correspondant au romantisme de la cause (le film est tiré d’un roman de Fogazzaro), Piccolo mondo antico, tourné dans le décor farouche et pittoresque à la fois du Lac Majeur italien, préfigure le néo-réalisme plus dépouillé et radical dans sa partie tragique, avec la noyade de la petite fille des époux, qui provoque le désespoir de la mère. Mélange de truculence (avec une frise de personnages impayables, dont l’inénarrable marquise à dégaine de vieille peau sortie d’un cauchemar de Goya), et d’intensité émotionnelle (où culmine Alida Valli dans tous les registres de la candeur et de la révolte ou de l’abattement hébété), ce film devenu introuvable fait partie de ces merveilles oubliées qu’on rugit de bonheur à redécouvrir…

L’émotion n’a pas été moins forte, pour ne pas parler de choc, dans un tout autre climat évidemment, avec le retour de Marco Bellocchio à Locarno pour la projection, plus de quarante ans après, de son premier long métrage, I pugni in tasca (dont la meilleure traduction serait Le poing dans la poche)  réalisé à 26 ans et faisant pourtant montre d’une stupéfiante maturité psychologique, notamment dans la direction des acteurs, avec un Lou Castel déchirant de douce folie meurtrière.

Un quart de siècle  après Mario Soldati, le langage de Bellocchio représente un « bond » dans le pur cinéma, nettoyé de toute littérature . En outre, ce tableau d’une famille en pleine déréliction, oscillant entre passion incestueuse et réalisme sordide, rend bien aussi la déglingue de toute une société atomisée. Ainsi que Marco Bellocchio l’a relevé lui-même après la projection, la première présentation de ce film à Locarno, en 1965, où il obtint une voile d’argent, a provoqué des réactions vives du public qui lui ont fait prendre conscience de la violence révélatrice de son propos, pas loin des éclats tissés d’angoisse et de révolte implosive  d’un Bergman.   

Or cette allusion au grand disparu rebondit à propos de l’autre perte majeure de ces jours avec le film programmé de Michelangelo Antonioni, La donna senza camelie, choisi pour illustrer le début de carrière de Lucia Bosè, miss Italie 1947 et campant ici une jeune femme d’abord sans malice, petite vendeuse promue actrice d’un jour à l’autre et manipulée par des hommes de cinéma, mais qui s’émancipe ensuite avec son intelligence d’instinct.

Bien avant L’Avventura, alors qu’on quitte à peine le néo-réalisme : le Maître est là,. Mise en abyme de la fabrique d’histoires, questionnement sur l’être et le paraître, critique de la manipulation de la femme-objet et du prolétaire de l’industrie cinématographique, architecture des plans et des séquences, graphisme impeccable de l’image : tout est tenu. On a souvent parlé d’un Antonioni cérébral. Or il est encore ici en phase avec la comédie italienne incessamment tragi-comique, accordée à une société que Soldati ou Bellocchio illustrent aussi bien que l’aristocrate Visconti ou le poète Fellini, tous amoureux par ailleurs de « mille et une femmes »…

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