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Sollers à Smolensk


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De la physique des nuages, de l'homonymie, de l'amitié et de Discours parfait, le nouveau livre de Ph.S.

Chaque fois ou presque que je me rends à Smolensk en classe busy, ça ne manque pas : je tombe sur Sollers. La semaine dernière encore, alors que j’allais négocier l’achat d’une icône du XVIIe tardif auprès du sous-secrétaire du Métropolite Cyrille, pour le collectionneur qui me fait voyager à l’œil depuis quelques décennies, destination Smolensk ou ailleurs, voilà mon Sollers sur le tarmac avec son énorme porte-documents et son sourire matois si semblable en somme à celui de son homonyme.
Charles Sollers est un type épatant dont j’aime la conversation, véritable délassement pour l’esprit et la sensibilité fine sur le long parcours de Roissy à Smolensk via Varsovie. Charles n’est pas vraiment un littéraire, jamais je ne suis arrivé à lui faire lire les quelques livres lisibles de son homonyme, mais cet ingénieur atomiste est un bon connaisseur de l’ornithologie et des opéras de Puccini, de la peinture flamande et de la physique des nuages. Nous nous étions entretenus, lors de notre première rencontre, des montagnes de cumulo-nimbus de la plaine tourangelle, qu’il me dit rêver d’escalader un jour, et c’est dès ce premier entretien qu’une connivence poétique nous porta à nous confier mutuellement nos noms : il me livra donc son Sollers, et moi mon Joyaux, ce qui nous rendit tous deux joyeux car il trouvait Joyaux un nom joyeux et moi ce nom de Sollers me faisait rire, le sachant le pseudonyme de Joyaux, mon homonyme.
Si nous nous entendons si bien, Charles et moi, qui nous arrangeons toujours avec les hôtesses russes pour nous retrouver côte à côte (je prononce mon spassiba avec un accent parfait, et lui coule son kharacho avec la même aisance), c’est à cause de notre goût commun pour les nuages, qui nous surexcite au moment des lentes montées vers l’azur et se poursuit dans nos longues évocations verbales entrecoupées de lampées de Bloody Mary. Il y a là quelque chose de rare, qui fonde une véritable amitié, que je crois indestructible. Ce n’est pas pour autant que j’irais plus souvent à Smolensk, et jamais nous ne nous voyons ailleurs que sur ce vol, Charles et moi. C’est simplement un fait : nous sommes d’incomparables amis, qui nous entendons en matière de nuages et de déserts, d’oiseaux et de mélodies à fendre l’âme. Charles est plutôt Tosca, moi plutôt Bohème, mais attention : ça peut changer. En 1999, lors de notre treizième vol commun, je me suis soudain trouvé en mesure de murmurer le Vissi d’arte, vissi d’amor de Tosca avec un pathétique (je croyais alors que j’avais un mal incurable) qui poigna Charles au point qu’il entonna un Mi chiamano Mimi positivement…
Les mots me manquent pour dire cette amitié, qu’on n’imaginerait pas avec l’autre Sollers, je ne sais pourquoi mais c’est comme ça: les écrivains sont les écrivains surtout ceux qui se prennent pour les meilleurs ce qui s'avère - parfois. Bref, Charles Sollers m’a d’ores et déjà prié de prendre connaissance des Discours, le dernier mastodonte (918p.) récemment paru de l’autre Sollers, et de le lui résumer lors d’un prochain vol. Je n’y manquerai pas. Charles a cessé de le prendre au sérieux lorsque je lui ai cité les pages de son homonyme concernant les oiseaux,  mais cette fois c'est avec un joli chapitre consacré aux fleurs que l'autre Sollers se lance dans un impétueux Zambèze de considérations sur la Gloire de la Bible et le sexe des Lumières, Baltasar Gracian (Sacré Jésuite !), Freud qui s'échappe et Claudel porc et père, le fusil de Rimbaud et Mauriac grand cru, les dieux de Renoir et la mutation du divin + cent autres sommitaux sujets + Sollers à chaque coin de page qui nous annonce une Nouvelle Renaissance dont on devine qu'il s'intrônise lui-même en personne l'initiateur et le prophète et le pape au risque de faire sourire un peu Charles -  et c'est d'ailleurs le moins qu'on puisse espérer au programme de cette somme à paraître le 5 janvier 2010 à o9ooh. GMT: deux amis qui s’entendent sur les questions fondamentales de physique nuageuse et de tectonique des déserts peuvent bien s’accorder quelque amusement en altitude…

Image: Ciel de John Constable

Commentaires

  • "On entend beaucoup de « voilà » dans le discours "
    C'est exactement ainsi que votre sollers ponctue ses phrases...voilà !
    - n'est-ce pas ?

  • Ne mélangeons pas les Sollers. "Mon" Charles ne dit jamais voilà. Jamais. L'autre est plus du genre a dire voilà, mais ce doit être à l'oral, et je ne le connais un peu qu'à l'écrit...

  • Il est mauvais à l'oral (même au lit, d'après Martha, mon ex-...) . Â l'écrit, c'est rigolo - mais même Voltaire et Michel H. se les gèlent.

  • De qui est cette très belle étude de nuage? ...Constable?

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