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Le « cinéma » des fonctionnaires

medium_Piazza4.jpgCulture et démagogie

On a vu quelques séquences de « cinéma » intéressantes, aux dernières Journée cinématographiques de Soleure, significatives de la nouvelle orientation prise par la Section Cinéma de l’Office fédéral de la culture, sous l’impulsion personnelle de MM. Jean-Frédéric Jauslin et Nicolas Bideau.

La plus spectaculaire fut évidemment la soirée « glamour » mise sur pied pour donner plus de visibilité à la cérémonie des Prix du cinéma suisse. A la toute fin de celle-ci, après un apéro où se frottaient, non sans lustre plaisant, célébrités helvètes du cinéma, de la télévision, de la politique et des médias, la remise du Prix du meilleur film de fiction de l’année 2006 à Vitus, de Fredi M. Murer, par Nicolas Bideau et Pascal Couchepin, donna lieu à une saynète qui ne manquait pas de sel. Désignant les assez rares contrevenants au code vestimentaire exigé (tenue de soirée), le chef de la Section Cinéma dauba sur le fait qu’on était en train de « tuer mai 68 », avant que son supérieur ne remarque qu’il en avait vu encore « quelques résidus ». Passons sur cette ironie du fonctionnaire et du politique, accordée à l’ambiance humoristico-foireuse de la soirée, mais une question plus sérieuse se pose : était-ce bien à Nicolas Bideau et à Pascal Couchepin de paraître à ce moment-là ? N’était-ce pas indécent, même, que Nicolas Bideau, qui a taxé en son temps Vitus de « film de vieux », récupère ainsi le succès de cet ouvrage éclatant de fraîcheur ?

Ce qui est sûr, c’est que, sous ses airs bravaches, et surfant sur la vague d’une embellie momentanée, Nicolas Bideau ne trompe pas les gens de la profession : le fait est qu’il tâtonne, autant que son supérieur Jauslin. Les deux fonctionnaires n’en ont pas moins opté, sans doute à bon escient, pour plus de visibilité et de communication. Or celle-ci donna lieu à une autre scène d’anthologie, vendredi dernier à Soleure, où le chef et le superchef dévoilèrent les « quatre piliers » de leur politique de soutien. Sous-titre proposé par le soussigné : la montagne accouche d’une souris. De fait, convoquer les professionnels du cinéma suisse pour leur annoncer que la « révolution » a été faite et qu’il s’agit maintenant de « consolider », alors qu’on poursuit simplement une politique tâtonnante avec (trop) peu de moyens, relève de la scène de trop...

Jean-Frédéric Jauslin est de  bonne volonté, et sans doute est-ce un gestionnaire avisé. D’aucuns lui reprochent de n’avoir aucune « vision », mais est-ce son rôle ? Le nouveau chef de l’Office fédéral de la culture a (notamment) une noble et rude tâche, qui est de servir la cause de la culture auprès du politique à une période de restrictions budgétaires et de réaménagements légaux. Jean-Frédéric Jauslin l’a martelé : 2007 sera l’année de la culture en Suisse, pour laquelle il s’engagera en première ligne. Le même Jauslin a précisé dans la foulée qu’à la devise d’un de ses prédécesseurs, « Servir et disparaître », il préférait celle d’un service assumé personnellement. Ainsi donne-t-il à ses heures, comme Nicolas Bideau, dans le  « cinéma ». Or celui-ci servira-t-il les créateurs ? Qui vivra verra.

Pour le moment, cependant, Jauslin et Bideau tâtonnent. Quand Jauslin déclare qu’il faut amener les jeunes au cinéma, en restant dans le vague, et que Bideau enchaîne en affirmant qu’il faudrait peut-être s’intéresser à Breakout de Mike Eschmann, film-pour-jeunes très racoleur, qui l’ennuie lui-même, l’observateur bien disposé est tenté d’y aller d’un petit conseil : messieurs, va pour le « cinéma », mais attention au retour sur images…

Cette chronique a paru dans l'édition de 24Heures du 30 janvier 2007.

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