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  • Léopard d'or à Andrea Staka

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    Das Fräulein, Le dernier des fous et Stephanie Daley, justement récompensés à Locarno

    C’est aux trois films qui m’ont le plus touché, sur la vingtaine que j’ai vus à Locarno en une semaine, qu’ont été décernés ce soir, respectivement, le Léopard d’or (Das Fräulein d’Andrea Staka), le Prix de la mise en scène (Le dernier des fous de Laurent Achard) et le prix d’interprétation féminine (à la jeune interprète de Stephanie Daley).
    Le regard modulé par Andrea Staka dans Das Fräulein, seul film suisse en compétition internationale à Locarno, détaille les tribulations de trois femmes originaires d’ex-Yougoslavie, dont les destinées se croisent dans la cafétéria d’une entreprise zurichoise. Dans un labyrinthe urbain dont elle suggère fortement l’oppression et l’enfermement au fil des plans, la réalisatrice, née à Lucerne en 1973, et dont c’est ici le premier long métrage, parvient à exprimer, avec une intensité émotionnelle constante, et sans beaucoup de mots, la solitude et les aspirations respectives de Ruza la Serbe qui entend ne devoir rien à personne, de Mila son aînée croate trimant pendant que son conjoint jean-foutre rêve d’une maison en Dalmatie, et d’Ana la jeune Bosniaque de Sarajevo fuyant dans la danse et le plaisir ses souvenirs de guerre et sa peur de la mort. Tout en observant ces trois femmes vivant dans une sorte d’enclave qui pourrait se trouver dans n’importe quel pays européen, Andrea Staka confronte ses personnages (admirablement interprétés) à une situation surtout existentielle où la solidarité entre femmes est illustrée sans accent sexiste aucun, parce que c’est comme ça... A relever surtout que, par delà le « témoignage », Das Fräulein vaut par sa beauté de poème visuel, pur de tout esthétisme flatteur, et par la profonde émotion des qui s’en dégage, prélude probable à une œuvre majeure.
    Dans une tout autre tonalité, mais avec la même pureté de forme, Le dernier des fous de Laurent Achard, qui eût mérité lui aussi le Léopard d’or, est également l’une des révélations de cette édition, qui devrait faire une carrière remarquée en France dès sa sortie. Poète de l’image, le cinéaste maîtrise cette adaptation du magnifique roman de Timothy Findley, qui prend ici des accents à la Bernanos, notamment du fait de l’accent porté sur la figure de l’enfant « interdit » qui regarde vivre ces drôles d’animaux que sont les adultes, incarné par Jules Cochelin.
    Quant au prix d’interprétation féminine, décerné à Amber Tamblyn, pour le rôle-titre de Stephanie Daley, il me semble tout aussi mérité pour l’engagement total de la jeune comédienne, notamment dans une scène hallucinante d’accouchement solitaire dans une cabine de chiottes… Mais c’est tout le film, de l’Américaine Hilary Brougher, qu’il faut saluer pour ses qualités d’émotion et d’écriture.
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  • Du gore « al dente »

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    Severance, satire horrifique de Christophe Smith

    Un éclat de rire général a salué la fin de la projection, aux petites heures de la Piazza Grande, de Severance de l’Anglais Christopher Smith, film d’horreur et d’essai, si l’on ose dire, qui prouve qu’on peut jouer sur les pires stéréotypes de la violence et du sadisme sanglant, qui polluent le cinéma actuel, dans une visée réellement critique, à nuance « panique ».
    Egaré dans une forêt de vieille Europe barbaresque, un « team » d’employés de la multinationale d’armement Palisade Defense se retrouve avec le projet de se ressourcer, au niveau du groupe, le temps d’un week end de paintball.
    Hélas, cette saine aventure va vite tourner très mal, au dam de la fine équipe qui va subir, de la part de vrais foudres des guerre rescapés d’on ne sait quels conflits balkanoïdes, tous les sévices du genre gore, d’amputation fâcheuse en décapitation plus grave encore, jusqu’à tel tir de roquette atteignant un long courrier aérien…
    A l’instant où les artificiers de tous bords fomentent la mise à feu de la planète, la pétarade de Severance a fait figure, sur la Piazza Grande dégarnie au fur et à mesure du crescendo « degueulando », de traitement homéopathique hilarogène. La réalité, du Liban en Irak, est tellement pire, n’est-il pas ?

  • Les purs et les dingues

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    Au Festival de Locarno, la poésie du 7e art se retrouve dans Le dernier des fous de Laurent Achard et dans Les lumières du faubourg d’Aki Kaurismäki.

     « Le cinéma américain est en chute libre », déclarait Marthe Keller à Locarno, « il  n’y en a plus que pour les effets spéciaux visant une masse d’ados énervés ». Constat sévère, que recoupe celui du grand réalisateur finlandais Aki Kaurismäki, à l’honneur avec la rétrospective de son œuvre, un livre de Peter Von Bagh et, jeudi soir, la projection sur la Piazza Grande de son dernier film, Les lumières du faubourg, saisissant à la fois par l’âpre beauté de ses images crépusculaires et par la profonde humanité de son regard sur un monde de salauds.

    Voyage au bout de la nuit du genre « humiliés et offensés »  à la Dostoïevski, ce film d’une ligne très pure, à tous égards, où s’opposent les figures du « minable » veilleur de nuit  Koistinen, et d’une femme fatale que l’auteur dit « la plus cruelle depuis All about Eve de Mankiewicz », est ponctué de quelques éclaircies de compassion, et sa dernière image de deux mains réunies pallie son pessimisme radical.

    medium_Achard2.jpgTant pour la coloration désespérée de sa « lecture du monde » que pour la beauté hiératique de ses images et l’extraordinaire figure d’enfant (Jules Cochelin) qui l’irradie de son énigmatique présence, Le dernier des fous de Laurent Achard, en compétition internationale, s’apparente à Kaurismäki dans une forme très dépouillée et une intensité expressive rappelant le premier Bunuel ou le Dreyer d’Ordet.

    Adapté du roman éponyme de Timothy Findley, ce film oppose également la figure « interdite » d’un innocent rappelant la Douce de Dostoïevski ou Mouchette de Bernanos, et l’univers désastreux d’une famille de paysans de France profonde ruinés sur lesquels toutes les mauvaises fées s’acharnent. Entre un grand frère (Pascal Cervo, d’une sensibilité exacerbée) crevant de mal-vivre homosexuel, une mère cloîtrée et délirante (Dominique Reymond, d’une folle acuité), une grand-mère dominatrice (Annie Cordy, elle aussi magnifique) et un père (Jean-Yves Chatelais) dépassé par les événements, le petit garçon suit son chemin halluciné, en complicité avec  la servante marocaine Malika (Fettouma Bouamari). Admirablement tenu de bout en bout, ce film sans concessions pâtit un peu d’un dénouement moins crédible que celui du roman de Findley, tout en signalant un auteur de grand avenir. 

    Si le festival de Locarno ne va pas sans petite chronique mondaine, reflétée tous les jours par l’excellent PardoNews (indispensable quotidien de la manifestation qu’on trouve partout dès la veille au soir avec le programme détaillé), les « stars » présentes ne font pas dans l’esbroufe, comme l’illustrent trois d’entre elles qui ont participé à des films d’auteurs.

    Mémorable moment de cette 59e édition : la rencontre avec Marthe Keller, interprète combien sensible (et discrète) de Fragile, du jeune Genevois Laurent Nègre, qui a évoqué ses souvenirs et son travail avec autant de simplicité que de faconde. De Billy Wilder au Metropolitan Opera, la trajectoire de cette grande actrice si peu « diva » fait aussi bien figure de symbole anti-mythe…

    De la même façon, Béatrice Dalle a expliqué que, dans sa « carrière », terme qu’elle trouve prétentieux voire ridicule, ce qu’elle a vécu avec les détenus du pénitencier de Ploemeur, pour la réalisation de Tête d’or de Gilles Blanchard, sur le texte de Claudel, a été l’expérience humaine la plus riche qu’elle ait jamais vécu au cinéma.

    Tout cela très loin, évidemment, de la parade à la manière de Cannes, mais d’autant plus près de ce qui fait la vraie vie du cinéma survivant…

     

  • Les cabossés de la vie

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    Entretien avec Jean-Stéphane Bron, à propo de Mon frère se marie.

    Après le « carton » du Génie helvétique (105.000 entrées en Suisse), Jean-Stéphane Bron passe du documentaire à la fiction avec un film porté par de grands acteurs (Jean-Luc Bideau formidable, et Aurore Clément à la pointe incandescente de son talent, notamment), où la comédie va de pair avec l’émotion. Thème de Mon frère se marie : le « cinéma » qu’une famille fracassée se joue en feignant la bonne entente le temps du mariage de Vinh, le fils adoptif d’origine vietnamienne, qui a tenu à faire venir du Vietnam sa mère biologique, catholique pratiquante et attachée aux traditions familiales. De sourires forcés en coups de gueule, et de couacs en accès de violence, de nouvelles relations s’établissent sur les décombres…
    - Quel a été le déclencheur de cette histoire de famille ? Votre vécu personnel ?
    - En partie seulement. Il est vrai que j’ai un frère d’origine vietnamienne, arrivé en Suisse à l’âge de 12 ans avec les boat people, et accueilli par mes parents. Vrai aussi que ceux-ci ont divorcé. Mais là s’arrêtent les éléments autobiographiques. L’essentiel du film est une fiction qui invite les gens à se projeter eux-mêmes plus qu’à s’intéresser à ma petite histoire. Chacun des personnages du film est la facette d’une blessure ou d’une solitude, dont l’ensemble forme un tout, un « corps », plus précisément une famille. Or ce qui m’intéresse n’est pas la célébration de la famille en tant que telle : c’est l’essai de chacun de faire un pas vers l’autre, pour reconstituer une sorte de communauté des âmes. Le thème fondamental du film est en effet la réparation. Quant au passage à la fiction, il doit beaucoup aussi aux personnages, que je voulais très incarnés, et donc aux acteurs qui prendraient en charge leurs cabosses.
    - Pourquoi le choix de Jean-Luc Bideau ?
    - J’ai pensé à lui tout de suite, d’abord parce qu’il a le potentiel d’un immense acteur, ensuite à cause de sa façon, à la fois adroite et maladroite, d’habiter son corps, qui me semblait correspondre à ce personnage de père massif, pesant et fragilisé, à l’heure des bilans. On connaît le génie comique de Bideau, mais ce n’est pas ce qui m’intéressait en l’occurrence. Contre son personnage naturellement expansif, je lui ai demandé d’incarner un type plus réservé, plus intérieur, plus chiffonné, plus à vif, ce qu’il a fait avec un talent incroyable.
    - Avec Aurore Clément, vous faisiez appel à une personnalité tout autre…
    - Je tenais précisément à l’intervention d’acteurs de « familles » hétérogènes. Ce n’est pas parce qu’on est de la même famille qu’on vit sa dramaturgie personnelle sur le même rythme, et c’est ce que je voulais souligner avec des comédiens aussi différents que Cyril Troley ou Delphine Chuillot. Aurore Clément, avec son mystère et son extrême sensibilité, s’est identifiée à son personnage en se mettant, parfois, dans des états « limites ». D’ailleurs tous les comédiens se sont engagés avec une intensité parfois extrême, où leur propre vécu entrait en résonance avec celui de leur personnage. Chacun m’a semblé jouer le jeu jusqu’à se mettre personnellement en danger. J’ai d’ailleurs beaucoup retravaillé le dialogue et les scènes en cours de tournage. Celui-ci a été très éprouvant pour eux, je crois.
    - Pourquoi, plus précisément ?
    - Parce que je traque la vérité du personnage. Comme avec les « acteurs » parlementaires, dans Le génie helvétique, il m’arrive, pour trouver le mot et le ton justes, de multiplier les prises jusqu’à dix, quinze fois, pour obtenir la scène qui sonne vrai. Or les comédiens pros, habitués à travailler avec un texte en main, sont déstabilisés quand celui-ci se réduit à des bribes. Avec les acteurs vietnamiens, qui ne parlaient pas un mot de français, cette économie d’un langage sans mots, réduit à l’expression du visage et du corps, allait de soi, mais avec ceux qui sont habitués à se reposer sur un texte, c’était une autre affaire. A certains moments, j’ai eu l’impression qu’ils me prenaient pour un dingue, avant de se résoudre à me faire confiance. Toujours est-il qu’ils se sont tous engagés avec une totale sincérité et qu’au final ils se trouvent, me semble-t-il, plutôt bons (rires)…
    - Un élément nouveau, dans Mon frère se marie, est le comique…
    - C’est un comique de catastrophe, si j’ose dire, qui s’imposait pour détendre l’atmosphère, et parce que le rire est un langage qui réunit. Je tenais en outre, abordant des situations plutôt graves, mais pas trop désespérées quand même, à garder une certaine légèreté, sans prendre trop de distance pour autant. Comme mes autres films, celui-ci raconte l’histoire de gens qui vivent quelque chose ensemble, avant de se retrouver seuls, ici dans la scène finale devant le Cervin sous un ciel couvert, quasiment silencieuse. Quelque chose s’est passé. Chacun a fait son bilan et se retrouve pour la photo de groupe, sous l’objectif de la mère vietnamienne, qui les réunit et les renvoie en souriant à leur solitude et à leur liberté, tout restant finalement ouvert…


     

    Pots cassés à réparer

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    Une comédie douce-acide sur fond de déglingue On pense à la fois à L’invitation de Claude Goretta, en plus funambulesque, et à Festen de Thomas Vinterberg, en moins glauque, à la vision du nouveau film de Jean-Stéphane Bron, dont le format (Cinémascope) se prête aussi bien au plans serrés sur la solitude de tel personnage qu’aux scènes de groupe. Ponctué de grands moments « choraux », le film joue, dans une forme dédoublée, sur la mise en théâtre d’une famille éclatée, réunie par un « metteur en scène » de bonne volonté, le fils Jacques (Cyril Bioley, incisif en sa fragilité), à l’occasion du mariage de son frère Vinh (Quoc Dung Nguyen) avec une jeune Alémanique (Michèle Rorhbach), auquel est invitée la mère vietnamienne du marié (Man Thu, magnifique de sensibilité hiératique) et un certain Oncle Dac (Than An, cocasse à souhait). A préciser que la situation sera surtout délicate pour Claire la mère (Aurore Clément) et Michel le père (Jean-Luc Bideau), dont les chemins ont divergé dans la douleur et la rancœur, ainsi que pour Catherine la sœur (Delphine Chuillot, au jeu exacerbé comme il convient), tous trois à cran au moment de se retrouver.  Parallèlement à la suite des grandes séquences (le premier repas des deux familles, la cérémonie à l’église, la noce à la vietnamienne dans l’usine en faillite du père, l’excursion finale à Zermatt), Jacques réalise une série d’entretiens en plan-fixe avec les protagonistes, qui commentent les tenants et les aboutissants de la « pièce » avec une distance et un sourire inscrivant le récit dans la chronique familiale. De la vie de chacun des personnages, comme il en allait du Génie helvétique, l’on sait finalement assez peu, alors même que tous sont dessinés, par le réalisateur et ses comédiens, avec une précision et une justesse d’expression et d’émotion quasiment sans faille. Les cassures de la vie, le choc des cultures, les malentendus personnels, la crise de la soixantaine, d’autres thèmes encore tissent cette comédie mordante et tendre à la fois, ancrée dans la Suisse et le monde d’aujourd’hui. Sept ans après la présentation de Connu de nos services sur la Piazza Grande, le talent de Jean-Stéphane Bron, marqué au sceau de l’empathie et d’une intelligence incarnée, se confirme aujourd’hui avec Mon frère se marie.   

    Sortie suisse en automne.

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  • Des nuits magiques

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    Les « premières mondiales »  défilent sur la Piazza Grande de Locarno.

    Qu’y a-t-il de commun entre une vieille dame indigne de l’Emmental qui repique dans la lingerie sexy, le chanteur folk Neil Young en (sublime) concert, l’épopée flamboyante évoquant la fondation du Kazakhstan et les menées de la non moins indomptable Carla Del Ponte ?
    Simplement ceci : l’écran géant de la Piazza Grande, pour le bonheur très varié d’un public de tous les âges, à la fois réceptif et chaleureux. Ainsi a-t-on vu, vendredi soir, la place entière se lever pour acclamer l’octogénaire Stéphanie Glaser, dont l’irrésistible malice irradie bonnement le dernier film de Bettina Oberli, Die Herbstzeitlosen, comédie dans la meilleure tradition helvétique, mais anti-blochérienne et jovialement féministe, qui devrait « cartonner » bien au-delà des frontières alémaniques. C’est du moins le sort que lui a souhaité Frédéric Maire, directeur du festival, à l’instant de remettre un «petit léopard » d’honneur à la pétulante comédienne qui a fait les riches heures du cabaret satirique et du cinéma suisses, des temps pionniers d’  Uli le valet de ferme à Mein Name ist Eugen
    Plus de cinq heures de cinéma, à quoi s’ajoutait la présentation de chaque film en présence du réalisateur ou des acteurs : c’est ce qu’offraient les soirées de vendredi et de samedi sur la Piazza Grande, entre agapes aux terrasses, joyeuses tchatches et files d’attente aux débits de boissons ou de glaces « artisanales ».
    Selon la volonté du nouveau directeur, une échappée latérale était ménagée vendredi sur une section particulière du festival, avec la projection de Rachel, dernier court métrage du Romand Frédéric Mermoud, interprété par Nina Meurisse et témoignant une fois de plus de la grande maîtrise du réalisateur, dans une esthétique un peu « lisse » à notre goût. Ensuite, et pour finir à « point d’heures », une autre première mondiale nous plongeait dans le lyrisme folk le plus pur avec le portrait rapproché de Neil Young en concert (au mythique Ryman Auditorium de Nashville) par Jonathan Demme (auteur, notamment, du Silence des agneaux) qui parvient à magnifier son sujet par des images aussi belles et douces que les chansons du vieux baladin.
    Un souffle épique impressionnant, de hautes terres célébrées par l’image, et la légende originelle d’un peuple « fixée » par le truchement d’une galerie de très beaux personnages : tels sont les mérites de Nomad, réalisé par Ivan Passer au fil d’années de tribulations (via les chicanes de la bureaucratie russe) et achevé par Serguei Bodrov. On peut ne pas être, comme le soussigné, très versé dans les grosses machines guerrières style Troy : Nomad ne s’en tient pas au clinquant et aux stéréotypes à l’américaine. Cette épopée renoue plutôt avec le meilleur du genre, du côté du Lawrence d’Arabie de David Lean, en plus ramassé et fulgurant.
    D’une saga l’autre : celle que documente Marcel Schüpbach dans La liste de Carla, nous replongeant dans la tragédie balkanique à l’instant même où des civils libanais vivent un drame analogue, a double valeur de travail de mémoire et de témoignage à charge alors que deux grands criminels de guerre, entre autres, restent impunis. Loin du cinéma d’évasion, ce film illustre par excellence la portée éthique et politique d’un cinéma en phase avec les réalités de notre temps, immédiatement ouvert au débat le plus actuel et nullement en contradiction avec l’autre vocation purement artistique du cinéma qu’incarnait un Daniel Schmid, dont la disparition jette une ombre mélancolique sur le festival qui l’accueillit maintes fois et lui décerna son léopard d’honneur en 1999.

    Cet article a paru dans l'édition de 24Heures du 7 août 2006

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