UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Jonathan Littell controversé

medium_Littell2.7.jpg
Suite au débat sur Les Bienveillantes

Pour nourrir un double débat historique et littéraire, Libération a publié, le lendemain de l’attribution du Prix Goncourt à Jonathan Littell, trois interventions assez nuancées mais dont les principaux arguments négatifs, à mes yeux, relèvent tout de même du procès d’intention. Une fois de plus, comme avec Claude Lanzmann et Peter Schöttler, on a l’impression que ses détracteurs cherchent noises au roman pour des raisons qui ont peu à voir avec son contenu ou sa forme.
Cette impression est dominante dans les propos de l’agrégé et docteur en histoire Christian Ingrao, qui estime « parfaitement légitime que la fiction s'empare d'un sujet pareil » avant de reprocher à Littell de «rater l'émotion nazie, moteur du passage à l'acte. » Pour étayer cette affirmation, l’historien fait part de son expérience personnelle : « J'ai fait ma thèse exactement sur le même sujet, ces intellectuels nazis du service de renseignements SS, qui ont pris les armes, ont tué des femmes, des enfants. Ce qui fait passer ces hommes à l'acte, c'est l'angoisse et la haine. C'est aussi la ferveur, l'utopie, dans laquelle l'extermination des Juifs est la condition sine qua non pour la germanisation des territoires occupés : ils pensent : "C'est eux ou nous" ; ils pensent aussi : "Il faut les tuer pour créer notre rêve." Cette ferveur, qu'on sent dans les moments d'effondrement des stratégies de défense, au cours des instructions et des procès des responsables nazis, on ne la voit malheureusement jamais dans Les Bienveillantes . »
Avons-nous vraiment lu le même livre ? On peut se le demander en se rappelant la profusion de situations détaillées, dans les premières deux cents pages du livre, qui impliquent le passage à l’acte de tous ces officiers et ces soldats observés par Max Aue, oscillant précisément entre l’angoisse et la haine, le suicide parfois ou les crises d’hystérie meurtrière. La foi en la supériorité du Volk allemand et l’utopie du nouveau monde à construire contre l’URSS sont deux éléments fondamentaux qui reviennent sans cesse dans les propos de Max Aue et de ses interlocuteurs. Le « eux ou nous » est également l’excuse récurrente. Dire qu’on ne voit jamais cela dans Les Bienveillantes est proprement incroyable, à moins d’avoir survolé le livre en « spécialiste » trop sûr de son fait. Or ledit spécialiste y va tout de même de son satisfecit magistral : « Jonathan Littell a vraiment très bien travaillé, même s'il y a des sources qu'il n'a pas consultées. Il a réussi la vie intime de son personnage, pas l'émotion collective. » Faux : même si Max Aue n’est évidemment pas l'incarnation de la collectivité militaire ou civile (!), il produit d’innombrables observations sur les souffrances des victimes, les engouements des chefs de guerre et de leurs cadres, ainsi de suite. Cela avec plus de curiosité lucide que de compassion : mais c’est la logique même du personnage, nihiliste froid.

Deux objections mieux fondées
Après d’autres considérations, Christian Ingrao fait deux remarques qui me semblent en revanche beaucoup mieux fondées : «Le personnage traverse toute la guerre, voit tout, et ce n'est pas possible. » De fait, il y a là un problème de vraisemblance romanesque, et c’est la limite du passage au roman de la masse documentaire réunie par Littell. Ce que l’auteur voulait « traiter » supposait que son personnage, comme Julien Sorel, galope d’Ukraine au Caucase et de Stalingrad à Parus via Berlin, et c’est vrai que ça fait beaucoup. L’auteur l’a cependant dit une fois : plus qu’un personnage de roman, Max Aue est à ses yeux une figure. Pour ma part, je réserverais mes plus fortes réserves à la complexion psychologique du protagoniste, dont la pathologie me paraît parfois « téléphonée ». N’empêche : il existe, et la matière qu’il brasse est tellement riche et intéressante qu'on le passe à l’auteur…
Autre remarque justifiée de l’historien enfin : « On sent aussi parfois, au détour de certaines phrases, des articles scientifiques moins bien digérés que les sources consultées ». Oui, c'est vrai, sur ces 900 pages il y a quelques tunnels...

L’ère du bourreau ?
Denis Peschanski, lui aussi historien, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, se montre moins sévère à l’égard des Bienveillantes et s’interroge, surtout, sur les raisons du succès de ce livre. Fascination morbide ou élargissement de l’intérêt des victimes aux bourreaux ?
«Comme lecteur, je trouve que c'est un bon livre, bien écrit. Comme historien, ce qui me semble étonnant, c'est de voir des collègues s'exprimer sur le rapport à la vérité, alors qu'il s'agit d'abord de littérature, et on ne fait pas de littérature avec les bons sentiments. Comme historien toujours, deux choses m'intéressent. D'abord, je constate qu'il y a eu un gros effort de préparation du dossier avant la phase d'écriture du roman. Ensuite, je m'interroge sur la signification de ce succès, qui a commencé bien avant l'attribution du prix de l'Académie française et du Goncourt. S'agit-il du temps long d'une fascination récurrente pour la barbarie ? S'agit-il du temps long d'une passion française pour la Seconde Guerre mondiale ? Ou bien ce livre et son succès sont-ils révélateurs d'un changement de registre mémoriel ?
«Pour aller au plus simple, au lendemain de la guerre, c'était le moment du résistant ; dans les années 80, on est passé dans l'ère de la victime. Et depuis deux ou trois ans on voit d'un côté une concurrence des victimes, avec une multiplication des porteurs de mémoire au nom de la victimisation, et, de l'autre, une certaine saturation de l'opinion. Ce qui fait qu'on peut se demander si le succès de cet ouvrage, au-delà de tout jugement sur sa qualité littéraire, n'ouvre pas un autre registre mémoriel. Entre-t-on dans l'ère du bourreau ? Assiste-t-on à une diversification des genres : on parle de la victime, mais aussi du bourreau, du spectateur ? Ou bien est-ce une clôture sur une autre figure, la figure du bourreau ?
«L'enjeu est important, mais je ne peux pas donner de jugement définitif sur ce point. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas convaincu qu'on ait beaucoup à gagner en sacralisant certains événements et en interdisant certaines formes d'expression sur ces événements, en l'occurrence la Shoah.»

Littérature, littérature…
Quant à Bruno Blanckeman, professeur de littérature, c’est sur le plan de la forme et de l’écriture qu’il attaque Les Bienveillantes en déclarant d’emblée que « ce roman est très académique ». Et de comparer, sans ciller le roman de Jonathan Littell à Dans la foule de Laurent Mauvignier, qu’il donne pour novateur alors que Les Bienveillantes relèveraient du néoclassicisme.
Cela est-il bien sérieux ? Quels sens peut-il y avoir de comparer une fresque romanesque de 900 pages et un roman tout à fait estimable et original, certes, mais dont l’enjeu éthique, historique et philosophique n’est en rien comparable avec celui des Bienveillantes.
Il est vrai que l’écriture de Littell ne procède pas d’une recherche stylistique particulière, au sens de la « petite musique » personnelle d’un Céline ou d’un Proust, voire d’un Mauvignier… Mais à quoi rime ce terme de « néoclassique » ? Classique peut-être, au sens le plus trivial d’une phrase claire. Mais allez-y voir de plus près, cher prof : avez-vous détaillé cette économie du dialogue, avez-vous observé les glissements progressifs du réel au fantasmagorique, au point qu’on ne sait si certaines scènes (à Antibes, à Stalingrad) relèvent de la réalité ou du délire, n’avez-vous pas remarqué les changements de registres, de l’expressionnisme au baroque, selon les chapitres. Néoclassique vraiment ? Académique vraiment ? Or tout ce qui ne procède pas, au sens des académies précisément, d'une nouveauté propre à émoustiller le lettreux, devrait être relégué dans cette catégorie désuète.  
En fait, ce qu’on voudrait établir, comme un Yann Moix de façon plus péremptoire, qui affirme que Littell écrit « comme en 1926 », c’est que Les Bienveillantes est un livre à la forme dépassée, pour mieux l’évacuer. Or parler d’innovation formelle, à propos d’un tel livre, me paraît une sorte d’obscénité, et d'autant plus que ce livre innove bel et bien à sa façon, comme tout ouvrage de véritable écrivain. Traducteur de Jean Genet et de Maurice Blanchot, excellent connaisseur de la littérature française, Jonathan Littell pourrait n’être qu’un « écrivant » transposant, dans l’espace d’un roman, l’immense documentation qu’il a accumulée. C’est Audiberti qui distinguait l’ « écrivant », faisant un usage strictement régulier de sa langue, parfois admirable d’ailleurs (combien d’historiens ou de philosophes surclassent ainsi tant de littérateurs) et l’ « écrivain » exerçant, sur les mots, une façon de droit de cuissage et de recréation. Or dès les premières pages des Bienveillantes, Max Aue (et donc Littell lui tenant la main) devient plus qu’écrivant-chroniqueur : écrivain. Par sa puissance d’évocation, par l’imagination spatiale qu’il déploie si souvent dans les scènes qu’il reconstruit, par ses plongées oniriques et son érotisme noir, son intelligence et son savoir, sa porosité psychologique fantastique, d'autres qualités et d'autres défauts, c'est entendu,  Les Bienveillantes est un livre supérieur auquel il ne faut pas comparer n’importe quoi. S’agit-il d’en faire un culte hébété ? Nullement. Mais avant que d’en parler, lisons-le vraiment…


Commentaires

  • Je n'ai pas lu ce livre ... juste sa 4ème de couv avant de le reposer, pas inspirée. Et aussi parce que je n'ai pas le temps en ce moment pour lire autre chose que des quantités astronomiques d'ouvrages techniques. Le sujet de la déportation, côté résistant, est dans mon héritage familial. Je suis donc sensible au sujet tout comme à des tonnes d'autres.
    La controverse autour du roman en général donc m'ennuie pour des tas de raisons, mais je ne garderai que celles-ci :
    - Polémiquer autour de la création d'autrui sans s'ouvrir, authentiquement, avec bienveillance, à ce qu'il écrit est stérile. Ce précieux temps et cette précieuse énergie pourraient être consacrer à autre chose, de l'utile, de la création ... par exemple. Je trouve tellement facile de reprocher tout et n'importe quoi au gagnant. Ah qu'il est haï ce gagnant ... Etrange dans une société où on nous pressurise pour la pensée positive, la réussite... Une déconnection volontaire de la vie réelle de la part des critiques, romanciers ou une ignorance totale du réel de leurs congénères qu'ils sont sensés observer toutefois ... Quelques soient les raisons, circonstances de la réussite, du sacre, ce roman -l à a été choisi (d'abord par le public rappelons le) c'est fait et c'est donc fini.

    La jalousie de certains auteurs par rapport au gagnant est certes une émotion qui les submerge toutefois ont-ils si peu confiance en leur création, en général, qu'ils pensent ne plus pouvoir refaire un chef-d'oeuvre encensé qui marquera l'histoire et les siècles à cause d'un " Goncourt "? Qui a la moindre idée de ce que sera la postérité d'un primé Goncourt dans quelques siècles ? Ce comportrement me laisse (hélas) à penser que c'est surtout les tirages du primé ( que les gens vont en général acheté et ne jamais lire mais dans la bibliothèque cela fait bien et ce n'est pas anecdotique) qui font venir le venin au bout des plumes !

    Personne n'est obligé d'aimer ce qu'il lit, le Goncourt ou pas... IL y a alors une solution géniale et simple : le fermer et passer à autre chose ^^

    Enfin, quelque soit le style ... la véracité historique et ces décalages constatés dans un roman ...etc ... sur le livre du camp de mon grand-père il n'y avait qu'un nom, celui du camp. Sur celui de Litell il y a écrit ROMAN ... et la fiction, elle, n'a jamais eu pour obligation l'exactitude. Et toute histoire ne repose que sur la personnalité des personnages inventés pour les besoins de l'intrigue.

    Alors que ce soit ou non un bon roman n'est qu'affaire de jugement Et qui peut se prévaloir d'avoir quoique ce soit de supérieur à son voisin pour le juger ??

    Voilà ^^
    Je trouve votre artcile excellent et vous aurez compris que mon post n'a rien contre vous en l'occurence .. c'était juste pour dire que le coup des Goncourts et confessions intimes fatiguent tout le monde si ce n'est ceux qui vivent de ce genre de propos Et pour venir de la finance de marchés je vois tout à fait ce que l'on doit aux analystes et à leurs prédictions ... Même si ils ont tort autant que raison et que les dessous de recommandations ne sont pas recommandables

    A bientôt
    Claire ^^

  • Post très bien argumenté de notre hôte JLK ...
    et commentaire de Claire plein de bon sens et de finesse sur l'indispensable respect du pluralisme et la vanité des polémiques littéraires .
    Ayant été bouleversé par la lecture des Bienveillantes , je me suis surpris à me sentir ulcéré par les réserves et critiques obliques récurrentes d'une minorité du landerneau littéraire ( Libé & Inrocks ) : j'y ai perçu ( peut-être à tort ) une campagne de dénigrement pervers , surtout motivé par une sorte de jalousie mesquine , quasi puérile , de quelques critiques / auteurs ayant loupé le premier train et cherchant à abîmer gratuitement une oeuvre qui m'avait donné un tel vertige sur l'humain .

    Je dois admettre que les polémiques sur certains blogs ou articles ont parfois touché au ridicule et au sectarisme .

    Mais , que ce livre pousse des lecteurs dillettantes anonymes comme moi à s'enflammer sur la toile doit être aussi porté à son crédit .
    Il m'a poussé à m'intéresser à des auteurs que je ne connaissais pas ( Lermontov , Blanchot , ... ) , à des questions historiques ou géo-politiques peu connues de l'européen moyen ( darwinisme racial , politique eugéniste et programme d'euthanasie des médecins allemands , problèmes toujours patents du Caucase ) , à (re)découvrir Couperin , Rameau et Monteverdi et même à relire certains passages d'Eschyle et d'autres tragédiens grecs .
    Pas si mal , pour une docu-fiction bâclée .

    Par contre - pour rassurer certains censeurs - cette lecture ne m'a pas , à aucun moment , donné l'envie d'envahir la Pologne ni de susciter un pogrom dans ma petite rue de Wallonie .
    L'ardeur des débats prouve , autant que les Prix , la rareté de cette oeuvre , qui ne mérite certainement pas l'indifférence méprisante de certains (non)- lecteurs .
    Par contre , je comprends aisément qu'il suscite un rejet à la hauteur de l'enthousiasme de certains ( auxquels je me rallie ) .

  • On me dit qu'un tabloïd romand s'est intéressé à ce que représentait le gain de Littell en deux mois par rapport à un salaire moyen, concluant que Les Bienveillantes lui valaient 27 ans de salaire. Cette comparaison imbécile, les cacographes se gardent de la faire avec les salaires des stars médiatiiques ou avec ce que gagnet les pisse-copie à la Marc Levy, Paulo Coelho et consorts. Merci à Claire de ses propos si sensés (en espérant qu'elle lise un jour ce livre) et à Behemoth dans sa rue de Wallonie.

  • Jai lu le livre. Et effectivement dire que l'on ne sent pas de haine et que max aue ne dit pas c'est eux ou nous est une contre vérité et de la mauvaise fois.

    Il est même plusieurs fois expliqué qu'effectivement cette haine particuliére contre les juifs et justement fondé sur leur caractére réellement opposé à l'esprit national socialiste et que c'est une lutte à mort d'existence. De plus la haine on la voit partout dans ce livre. Une haine de la vie, un dégout permanent, une haine de la femme et de l'amour. Bref c'est même cela qui crée un malaise en lisant ce livre.

    Je suis de plus en plus convaincu que ceux qui en ^parle dans les journaux ne l'ont pas lu et qu'on le détruit simplement parcequ'il refuse de venir alimenter l'audimat de ceux qui le critique par des interviews et autres. ce que n'aime pas libé c'est qu'il refuse la médiatisation.

  • Arrêtez un peu cette paranoïa collective s'il vous plait ! On peut aussi ne pas aimer ce livre, et un point c'est tout. Et pas forcément pour des raisons fallacieuses.

  • Merci pour ce billet formidable JLK, je continue ma descente aux enfers dans ce roman (je tiens à ce mot) et même si ce livre a surement des défaults on ne peut nier sa réussitte romanesque dans la perception de la barbarie intérieure et extérieure de l'être humain

  • IN LIBERATION (Rebonds) ce 9 novembre 2006 :

    «Les Bienveillantes», de Littell, entretient une confusion périlleuse entre littérature et histoire.
    Un nazi bien trop subtil
    Par Josselin BORDAT, Antoine VITKINE

    (Josselin Bordat historien, doctorant à l'Institut d'études politiques de Paris et Antoine Vitkine écrivain et réalisateur de documentaires.)

    "Le succès des Bienveillantes ­ déjà 250 000 exemplaires écoulés et le prix Goncourt ­ suscite un sentiment de malaise. Sans doute l'engouement populaire pour un livre aride de 900 pages s'explique-t-il par un effet de mode, ainsi que par la fascination pour la figure paroxystique du Mal, le nazi. Mais, il y a une autre explication, plus noble : l'envie de savoir, le désir d'Histoire, la volonté de comprendre l'une des pages les plus complexes et les plus prégnantes du siècle passé.
    Les lecteurs pensent trouver ce qu'ils cherchent dans les Bienveillantes, car Jonathan Littell revendique un implacable et irréprochable réalisme historique. Les critiques élogieux n'hésitent pas à affirmer qu'il aurait «tout lu» sur l'extermination des Juifs. Effectivement, l'auteur a réalisé un travail considérable de documentation, se traduisant par un respect scrupuleux de l'organigramme SS, un luxe de détails topographiques, une avalanche de noms propres. Bref, les Bienveillantes est en passe de s'imposer comme un quasi-livre d'Histoire, une «somme», une référence. Mais, avant que le nouveau Goncourt ne parvienne sous l'arbre de Noël, il faut le dire nettement : ce livre n'est pas de l'Histoire, du moins est-il de la mauvaise Histoire.
    Littell s'évertue en effet à mimer la science, soit en réutilisant des classiques de l'historiographie (on a évoqué Raul Hilberg, bien qu'il faille plutôt mentionner le sensationnalisme d'un Daniel Goldhagen), soit en mettant dans la bouche de son narrateur le langage de la critique historique. Tantôt Littell parle comme Ian Kershaw, en expliquant que les SS doivent «travailler en direction du Führer», tantôt son personnage, Max Aue s'adresse à de ­ vrais ­ historiens, au nom de son expérience ­ fictive. «Tout ceci est réel, croyez-le», dit significativement Aue, sans que le lecteur sache vraiment ce qu'il doit croire.
    Ainsi aidé par les historiens, Max Aue sait à peu près tout, va partout, de Stalingrad à Auschwitz, rencontre tout le monde, jusqu'à Hitler lui-même, si bien qu'il s'avère impossible de séparer le propos de l'auteur de celui de son personnage : la figure de Max Aue naît précisément d'une fusion bancale entre histoire réelle et mémoire fictive. On ne peut pas écrire dans cette position de surplomb et prétendre dans le même temps présenter «le point de vue du bourreau».
    Paradoxalement, c'est justement le recours aux travaux historiques, rendant ce SS quasiment omniscient, porteur d'Histoire, qui forge son invraisemblance. Pire, pour qui est familier des textes nazis, Max Aue apparaît comme un SS d'un genre particulièrement modéré au plan idéologique. Certes, c'est un meurtrier et un pervers, mais le lien entre la Weltanschauung, la vision du monde nazie, et ses crimes est soit négligé, soit minoré. Littell construit un réseau d'oppositions au sein duquel les «vrais»nazis sont toujours les autres : les enragés comme Blobel ou Turek, les carriéristes comme Hauser, les idéologues froids comme Weseloh et Eichmann. Max Aue, lui, apparaît comme un SS pour ainsi dire «centriste», sceptique sur l'idéologie ou sur les «rituels de préséance baroques», révolté par la violence gratuite ; un «idéaliste», en somme, comme lui reproche son ami Thomas. Il a pourtant bien fallu que des nazis moins subtils existent. On éprouve de la réticence à l'idée qu'un nazi aussi peu représentatif devienne, sous l'effet d'un succès littéraire, la figure même du SS, l'instrument de la Shoah par excellence.
    Soucieux de précision sur l'inessentiel, Littell est peu convaincant sur l'essentiel. Trop occupé à décrire, non pas un «homme ordinaire», comme il le suggère dans les interviews, mais un SS d'exception, érudit, historien, linguiste, philosophe, moraliste ­ soulignant sans doute la part d'humanité dans la barbarie ­, Littell passe à côté du plus fondamental : que pense réellement Aue des thèses «protofascistes» de Rebatet ou de Brasillach, censées être au fondement de son engagement dans les années 20 ? Quelle est sa perception de Rosenberg, de Mein Kampf, du Völkischer Beobachter ? Quelle est la part de la socialisation nazie dans l'explication du passage à l'acte ? L'auteur préfère insister sur le mépris d'Aue pour les «bêtises» de l'antisémitisme, le fait disserter sur de grands principes : le Mal est le Mal, les hommes sont les hommes, et nous aurions fait comme lui.
    Insidieusement, Littell véhicule la classique idée reçue selon laquelle les nazis ne croyaient pas à leurs mythes. Il s'agit là de la version littéraire d'une thèse «fonctionnaliste» née plusieurs dizaines d'années auparavant : la Shoah aurait été permise par une machine bureaucratique où chacun neutralisait son jugement pour n'obéir qu'aux ordres. Aue est donc logiquement un technicien froid, dévolu à l'efficacité des camps. Littell y rajoute une variante «nihiliste» : les nazis seraient le plus souvent des calculateurs avides du pouvoir pour lui-même. La Shoah s'expliquerait ainsi par ce que les sociologues appellent un effet d'émergence, sans que le facteur idéologique soit décisif. Une thèse qui n'est plus défendue par la plupart des historiens.
    Les Bienveillantes met en scène un nazi capable de parler à nous autres, «frère humains». Littell nous confronte non à l'idéologie nue, mais à une idéologie euphémisée, écrite dans la langue de nos attentes contemporaines, émanant d'un nazi rééduqué, supportable. Bien sûr, Max Aue apparaît monstrueux, mais trop souvent hors du cadre de ses fonctions. Meurtre, parricide, inceste, autant de tares que le genre humain partage. Littell nous montre la part d'humanité résiduelle de ce Max Aue, au prix d'une réduction rassurante de l'altérité de la logique nazie. Ce faisant, il esquive une question historique majeure : comment comprendre que ces raisons aient pu être, dans la tête des nazis, des raisons ?
    Cela est d'autant plus dommage que l'ouvrage laisse parfois entrevoir un espace possible pour une entreprise infiniment plus intéressante, mais plus dérangeante. Dans les meilleures pages, lorsque le récit d'Aue semble échapper aux intentions pesantes de Littell, on imagine ce qu'aurait pu être une oeuvre «écrite du point de vue des bourreaux» réellement ordinaires, ceux qui ont permis la réalisation du projet génocidaire, laquelle aurait pu restituer leur univers mental, montrer comment ils se justifient dans leur langue, et non dans la nôtre, au prix de l'effroi. Pages trop rares. Cette entreprise-là serait-elle peu propice au roman ?
    On comprend que l'engouement populaire se porte sur les vraies-fausses confessions de ce nazi peu ordinaire, et non sur le témoignage de Rudolf Höss ou sur Mein Kampf. Dans ces cas-là, ce sont de vrais nazis, sans le fard de la littérature, qu'il s'agit de supporter et de comprendre."

    Dernier ouvrage d'Antoine Vitkine : la Tentation de la défaite, La Martinière.

  • Ceux qui ont vraiment lu Les Bienveillantes tomberont des nues en prenant connaissance de ce tissu de doctes contre-vérités que nous ressert Thomasov, sans rapport avec le livre. Prétendre que Max Aue est un nazi modéré est une absurdité. C'est à la fois un esthète fêlé et un tueur froid, dont l'idéologie est aussi chancelante et furieuse qu'il est intérieurement chaotique, équivoque autant que tous les aspects du personnage. Prétendre qu'on ne fait pas le distinction entre le protagoniste et l'auteur fait penser que nos chercheurs prennent le lecteur pour un imbécile. Il est en outre faux de prétendre que le livre se cantonne dans les limites strictes du réalisme et que Littell se veut historien. Il en déborde à tout moment. Réclamer des précisions sur ce que pense Aue des thèses de Rebatet est tellement dérisoire qu'on sourit de tant de pédanterie professorale. Je viens de relire l'incroyable Gigue finale, avec les menées hallucinantes des orphelins Volksdeutschen massacrant Russes et Allemands, après que Max a exécuté, dans l'église, le pianiste en uniforme (allemand...) en train de jouer L'art de la fugue, et décidément je me le dis et me le répète: quel académisme, quel néo-académisme, quel classicisme poussiéreux, quel néo-classicisme raplapla, combien nos éminents facultards ont raison, ne lisons surtout pas ce livre mais lisons Mein Kampf, c'est ça, et surtout, surtout lisons les travaux de ces gardiens du Temple de la Science Historique ...

  • Bonjour JLK, coucou Claire ;o)

    Comment ne pas douter de la bonne foi des littéraires « auto-proclamés » ou « pseudo-assimilés » quand dans la presse on parle de ce livre depuis plus d’un mois et que les critiques d’alors étaient pondérées et s’attachaient sincèrement à l’écrit et à l’esprit de la lettre. J.Littell avait déjà déclaré à l’époque qu’il se méfiait de la critique à la française et qu’il n’accorderait pas d’interview. Un visionnaire il était…
    Et puis il y a les prix, deux déjà et un plébiscite hors de nos frontières qu’auront du mal à juguler nos penseurs/censeurs franchouillards. L’intellectualisme jaloux et fusil à pompeux…
    J’ai lu quelques critiques consternantes.

    D’un écrivain certifié mais très modestement reconnu, qui, il y a un mois, a déclaré sur son blog l’avoir lu en diagonale et remarqué à la page 4 les mots « rugissaient sourdement » pour les chaudières du camps de la mort. Et d’en faire tout un plat et de déclarer après l’avoir reposé sur l’étagère que ce livre était plus que nullissime , médiocre, et de rajouter que NOUS avons besoin de vertus plus hautes et qu’avec un nom pareil, Littell, l’auteur ne deviendrait pas un « grand ». Le tout ponctué de hihihi.

    Vous voyez le tableau JLK ? Ecrivains talentueux ! Si vous avez un gros nez vous êtes mal barrés !

    Il y en a même qui n’hésitent pas à crier bien fort : moi j’ai un avis !
    Et qui en fait d’avis placardent les lignes recopiées besogneusement dans un journal. (Voir l’exemple affligeant un peu plus haut au dessus de mon commentaire).Parler pour ne rien dire... Parler... Rien... Dire qu'on existe c'est déjà bien...

    Je ne lirai pas ce livre, pour la bonne raison que je n’en ai plus l’envie… Mais j’en ai d’autres en vue… peut être un jour, mais vu mon écoeurement actuel envers toutes les critiques, je vais attendre qu’une relation sûre me le conseille. Sûre et pas intéressée par autre chose qu’une véritable émotion sans ego.

    Mais je voudrais remercier l'écrigraillon susnommé de m’avoir fait découvrir J.Littell qui lui, m’a donné l’envie il y a un mois d’approfondir les expériences universitaires de Milgram. J.Littell en a parlé dans une interview accordée hors de France et au cours de laquelle il précise le rôle de son personnage principal à travers sa soumission à l’autorité… Vaste programme hyper intéressant que celui de Milgram ! Ce n'est que mon avis, n'achetez pas le livre ou achetez le !!! :o)))
    Personne dans la presse française n’en parle… c’est pourtant une des raisons, si ce n’est la principale de la trame psychologique du livre…
    Livre qui comme le dit Claire, est un roman. La partie fleuve de ce roman s’écrit en ce moment même avec ce que les Lettres charrient de plus fat et de boueux… Enfin les Lettres… Je me comprends… Mais ne vomi pas encore…

  • Aux lecteurs de bonne foi, je signale un article absolument admirable de Georges Nivat, consacré aux Bienveillantes le jour de l'attribution du Goncourt, dans le quotidien suisse Le Temps. Resituant le livre par rapport, notamment, à la littérature russe, le grand slaviste développe une réflexion d'une profondeur et d'une acuité sans égale. Cela se trouve à cette adresse: http://www.letemps.ch

  • Puisque visiblement je suis un lecteur de mauvaise foi, et que vous semblez détenir la vérité suprême en matière de jugement littéraire, je vous laisse tranquillement discuter entre vous. Pas de vague, pas de bruit ni de bruissement.

  • A l'attention de Mr Elias THOMASOV...
    (Si jamais il devait repasser...)

    Comme vous êtes admirable dans ce rôle de martyr dévoué à la Culture et de Prince qui quitte les lieux . Mais il s’agit ici de vos rôles de composition.

    Si vous êtes de mauvaise foi ?
    Souvenez vous, ou mieux sans vous l’ordonner, daignez, je vous en supplie faire l’effort de vous souvenir de votre premier commentaire :
    Arrêtez un peu cette paranoïa collective s'il vous plait ! On peut aussi ne pas aimer ce livre, et un point c'est tout. Et pas forcément pour des raisons fallacieuses.

    Et un point c’est tout… Les sous entendus sont parfois plus tonitruants que l’entendu…

    Et après, tel un justicier masqué, vous placardez un article tout de papier collé, copier coller. Mais de votre propre avis c’est point du tout dans ces colonnes. Un coup de poing sait tout…
    Et moi qui pensais que la lecture était un plaisir… Affirmer sa propre existence par des copies sauvages en est donc un autre…
    Avez-vous lu ce livre ? C’est quoi qui y est intéressant ? C’est quoi que vous n’aimez pas du tout dedans ? Pas eux ! Vous…
    Mais oui, votre avis sincère serait intéressant, ne vous privez pas de le donner, votre copie serait mieux appréciée plutôt que celle de votre voisin… Copier c’est s’exclure m’a-t-on appris à l’école…
    Un besoin de cour et de personnels nombreux vous anime…
    900 pages (jeu de mot) pour se proclamer Roi des critiques et des miracles…
    Oui vous êtes de mauvaise foi…
    Et moi borgne qui voudrais être aveugle par perte de foi… ;o)
    cordialement, et avec la même discrétion qui accompagne votre départ...

  • Bonsoir à tous


    Je trouve excellent le papier de Bordat et Vitkine, à l'exception du passage où il est dit que Littell s'inspire plus de Goldhagen que de Hilberg.

    Un grand merci donc à Elias pour nous l'avoir fait connaître.

  • Bonsoir JLK, Coucou Serge : ))

    Décidément je pense que je vais devoir libérer du temps pour lire ces Bienveillantes ( tout d'abord le titre concernant l'histoire de ce que je pense entrevoir être le parcours jouissif d'un pervers classique au sens des profils psychiques inspirés par les travaux de Lacan and co ) et par le manque d'ouverture sur les opinions qu'il engendre de tous côtés ... Est-ce une fiction si bien réalisée qu'elle met des oeillères sur les mirettes de nombre de ses lecteurs ? Certains la disent coller parfaitement à la réalité, d'autres pure fiction (avec roman dessus on ne pouvait pas aller ne serait-ce que chercher une once de documentaire, même si c'est documenté à la base). Certains décrivent ce livre comme une vraie busherie, d'autres comme une pâle copie sans émotion ... ici du négationnisme, là de la volonté de ne pas oublier ... Je suis assez perdue : )) Ce qu'il y a d'exaspérant en tout cas c'est que la lecture de certains articles etc ... avaient la fragrance sulfureuse du peu de distance idéologique que peuvent apporter 60 années ... Bref, il est des nostalgies ressenties sur certains sites qui me laissent à penser que le fantasme de grands malades a encore de l'écho chez certain(e)s et là ... c'est grave !!

    Merci pour cette porte toujours ouverte cher JLK

    A vous lire : )

  • Vous avez raison, Claire: parler des Bienveillantes sans l'avoir lu de A à Z n'a aucun sens. Comme je suis ces jours grabataire, j'en profite pour recopier les 120 pages manuscrites de mes notes, que je publierai sur ce blog.
    Par ailleurs, je vous signale qu'un entretien exclusif avec Jonathan Littell paraît aujourd'hui dans Le Monde des livres, où l'écrivain s'explique avec la modestie et la droiture de tout grands...

  • Prompt rétablissement !! Je vais aller chercher l'interview.

    Courage pour la saisie : ) C'est la partie du travail que j'apprécie le moins recopier mes notes et surtout les structurer. Toutefois, il est des tâches plus harassantes !

    A vous lire

  • L'entretien est ici:
    http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-835008@51-835100,0.html

    C'est bien intéressant.
    Bon courage Jean-Louis.

  • progression à grand pas (un peu plus de 500 pages) et je me fous de plus en plus des débats des polémiques et tout le ramdam un peu vain
    c'est un putain de bon livre et puis c'est tout

  • mais ce n'est pas tout noir ou tout blanc !

    il peut s'agir d'un bon livre, qui serait meilleur encore s'il n'y avait pas des déformations historiques involontaires, non ?

    en tout cas, d'après l'interview du Monde, l'auteur a l'air d'accepter, voire de rechercher le dialogue avec les historiens et d'être à cet égard moins sectaire que certains de ses fans.

  • Qu'entendez-vous par "déformations historique involontaires", dans le récit d'un personnage qui incarne la déformation à tous égards ?
    La question pertinente me semble de savoir si Littell a eu raison de choisir ce personnage. Or c'est un choix de romancier et nullement d'un spécialiste comme vous l'êtes. Ce qui me surprend, pour ma part, c'est que vos collègues n'aient pas compris ce parti pris "obscur" qui relève de la nuit dostoïevskienne et non du tout de l'élucidation du récit historique. Littell dit avoir avancé à tâtons à partir du matériau brut accumulé, et je suis saisi par la cohénsion organique sans faille de cet immense cauchemar. En tout cas, la cristallisation de ce roman est un phénomène littéraire absolument fascinant, sans précédent en France depuis longtemps. Je n'en ferai pas un début de secte, rassurez-vous, mais j'aime admirer quand il y a de quoi...

  • Bonjour !


    Avant de vous répondre, je vous recommande une recension très soignée qui vient d'apparaître sur la Toile :

    http://www.livresdeguerre.net/forum/contribution.php?index=27666

  • Merci pour la citation de cet article remarquable, qui remet bien les choses en place, avec les questions et les réserves que peut susciter en effet ce roman. Le débat est à ce niveau, et pas dans les dénégations méprisantes de certains clercs. Si la comparaison avec L'archipel se tient (j'y ai aussitôt pensé), il faut se rappeler cependant que Soljenitsyne a passé sept ans dans les camps et a consacré des années de recherches à sa documentation et à sa rédaction. Littell, lui, a une expérience de l'innommable, mais le temps qu'il a consacré à la rédaction des Bienveillantes laisse à penser que c'est un texte "dicté" dans le noir, un texte qui l'a traversé comme un fleuve en furie.

  • Bonjour,
    La note de lecture à laquelle nous renvoie François Delpla est effectivement remarquable. Un bémol néanmoins : pourquoi ramener à propos d'un ouvrage de création, de fiction, le vieux débat d'historiens spécialistes du nazisme "fonctionnalisme versus intentionnalisme" à propos d'une œuvre romanesque ? Cela me parait hors-propos. Je rejoins JLK quand il écrit "La question pertinente me semble de savoir si Littell a eu raison de choisir ce personnage. Or c'est un choix de romancier et nullement d'un spécialiste comme vous l'êtes. Ce qui me surprend, pour ma part, c'est que vos collègues n'aient pas compris ce parti pris "obscur" qui relève de la nuit dostoïevskienne et non du tout de l'élucidation du récit historique."
    Bien cordialement.

  • Les opinions sont tout à fait polylatérales, « les bienveillantes « passent pour ne pas être un mot opportun, pourtant c’est la controverse qui est engagée.

  • Bonjour

    Pour mémoire, j'avais acheté ce livre avant qu'il recoive le prix "G", je l'avais trouvé d'une médiocrité affligeante mais intéressante d'un point de vue sociologique car il est le reflet de l'éducation américaine. Je m'explique, "cul bénit" d'un coté et sans éthique de l'autre, un vrai torchon de "néo con..". Un luxe de détails tous plus vils et écoeurant les uns que les autres.
    Revisiter l'histoire à la sauce Litell c'est sur papier l'équivalent de ce que fait Tarantino et de ce qui est en général produit par l'industrie cinématographique américaine depuis toujours.
    Enfin ces états unis qui préferraient faire du commerce avec les nazis et ou M.Ford à été le mentor (et le sponsor) du NPD à l'époque ou il ne représentait rien en Allemagne sauront toujours produire ce qu'il y a de pire en matière d'individus. Les mettre en exergue jusqu'a être président c'est déja fort mais pour ce qui nous concerne de donner un prix de ce type au livre (et meme la nationalité française je crois) à son auteur me déprime un peu.
    Fort heureusement, il y a aussi des personnes comme Noam Chomsky tout n'est donc pas foutu !!!!

    Salutations a toutes et tous

    Xiaegres

  • née en 1957, j'ai lu très tôt, dès l'adolescence, tout ce qui me tombait sous la main concernant l'horreur humaine révélée par la seconde guerre mondiale. Oui, il y a une fascination certaine , sous tendue par l'inquiétante question "sommes-nous donc ainsi ?"
    Les Bienveillantes comme roman, et seulement en tant que tel, (l'auteur d'ailleurs n'a pas eu la prétention d'écrire autre chose) est fascinant justement car la question y est posée dès les 20 premières pages. Et l'auteur nous prévient de surcroît que si la question ne nous intéresse pas, nous pouvons refermer le livre...
    L'écriture en est belle, fouillée...la distanciation, ? , un procédé pour réussir à aller au bout de l'indicible peut-être
    Lire un tel livre en 2009 est possible...Je doute que les lecteurs de Littell eussent été si nombreux il y a 20 ans.

Les commentaires sont fermés.