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Guerre à la paix

medium_Gitai.jpgEntretien de Nicolas Verdan avec Amos Gitaï

 

 

 

Le cinéaste israélien pense que le conflit régional est le fait d’une « coalition d’extrémistes religieux et nationalistes, de tous bords confondus».

La guerre, Amos Gitaï connaît. En 1973, il a participé à celle du Kippour. il avait 23 ans. Né à Haifa, ce réalisateur, scénariste, acteur et directeur de photographie a réalisé depuis une série de films dont l'évolution suit celle de la société israélienne. En 1982, en pleine guerre du Liban, il tourne Journal de campagne, un film qui déclenche une telle polémique que Gitai part s'installer à Paris. Il reviendra à Tel-Aviv en 1993. L'un de ses derniers films, Terre Promise, aborde une thématique jamais envisagée par le cinéma proche-oriental: la traite des femmes de l'Est. En cet été meurtrier pour les civils, Amos Gitaï prend une nouvelle fois du recul pour tenter de comprendre l'inacceptable retour de la guerre.

- Amos, quel est votre sentiment face à cette nouvelle guerre du Liban?
- On nous disait que la paix était proche. C'est malheureux. La réconciliation entre les peuples du Proche-Orient semblait possible. Le Hamas semblait disposer à reconnaître l'Etat d'Israël.
- Alors pourquoi ce retour à la violence?
- Je crois que la guerre est là parce qu'on approchait de la paix. J'estime que cette série de violences est possible en raison d'un rapprochement entre les différents groupes radicaux de la région. Les nationalistes, les ultrareligieux, toutes ces extrêmes forment une coalition régionale qui trouve intérêt à la guerre.
- Cette coalition dépasserait donc les frontières étatiques, territoriales et réunirait autant des Israéliens que le Hezbollah, entre autres?
- Oui, et il s'agit d'une coalition stable. Cette guerre est le fait d'extrémistes de tous bords qui s'activent dès qu'ils voient l'émergence d'un projet de pacification. Même s'ils ne se réunissent pas en conférence, ils agissent dans le même sens. Il en a été ainsi avec l'assassinat d'Itzhak Rabin (n.d.l.r. premier ministre assassiné en 1995 par un extrémiste juif)
- En Israël, le débat contradictoire est généralement possible, la critique est permise. Mais n'y a-t-il pas une forme de consensus autour des opérations de Tsahal au Liban?
Il y a des manifs, les critiques sortent. Mais le consensus existe. Il porte sur le fait que les attaques sur Sderot ou Haifa visent le territoire national israélien. Il s'agit d'une vraie contradiction, difficile à expliquer. Israël se retire de Gaza, elle quitte le Liban et c'est pourtant de ces deux endroits que la guerre a repris. Cela affaiblit la position de la gauche israélienne qui dit que le conflit au Proche-Orient est avant tout territorial et relatif à l'occupation des territoires palestiniens.
- En 1982, vous ne vouliez pas filmer la guerre du Liban en tant que telle, avec les explosions, les morts, le sang. Et aujourd'hui?
- Je pense la même chose.
- Mais j'imagine que vous êtes sensible au quotidien difficile des habitants d'Haifa, votre ville, que vous avez d'ailleurs racontée et filmée?
- Oui, je sais ce qu'est une sirène d'alerte. A la demande de Gilles Jacob, dans le cadre des 60 ans du Festival de Cannes, plusieurs cinéastes internationaux ont été invités à faire un court-métrage sur un cinéma de leur pays. Je vais tourner dans un ciné d'Haifa.
- Un film sur un ciné, dans le contexte actuel?
- Oui, nous allons tourner à Haifa dès la semaine prochaine.

Cet entretien, réalisé par Nicolas Verdan, a paru dans l’édition de 24 Heures du 2 août 2006. Photo : Laurent Guiraud.

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