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Passeurs de livres

littératureL'Arche du critique littéraire

Il en va de la critique littéraire comme du gardiennage de ménagerie, avec les obscures servitudes et les satisfactions jubilatoires qui en découlent assez semblablement. L’on pourrait dire qu’il y a du Noé chez le passeur de livres appelé à faire cohabiter, dans son arche, les espèces les plus dissemblables, voire les plus adverses.
Cela suppose une empathie à peu près sans limites, et qui requiert un effort souvent inaperçu. Sans doute ne s’étonne-t-on pas, au jardin zoologique, de ce que tel formidable Sénégalais commis au ravitaillement du tigre royal entretienne, à la fois, un sentiment délicat à l’égard de la gazelle de Somalie ou de la tourterelle rieuse. Mais voit-on assez quel amour cela dénote ? De même paraît-il naturel qu’un passeur de livres défende à la fois la ligne claire de Stendhal ou de Léautaud et les embrouilles vertigineuses de Proust ou l’épique dégoise de Céline, ou qu’il célèbre les extrêmes opposés de la nuit dostoïevskienne et des journées fruitées de Colette. Or cela va-t-il de soi ?
L’on daube, et non sans raison, sur le flic ou le pion, le médiocre procustéen, l’impuissant enviard à quoi se réduit parfois le critique. Mais comment ne pas rendre justice, aussi, à tous ceux-là qui s’efforcent, par amour de la chose, d’honorer le métier de lire ?
Car il n’est pas facile de distribuer ses curiosités entre toutes les espèces sans tomber dans l’omnitolérance ou le piapia au goût du jour, puis de maintenir une équanimité dans l’appréciation qui pondère à la fois l’égocentrisme de l’Auteur, le chauvinisme non moins exclusif de l’Editeur et les tiraillements de sa propre sensibilité et de son goût personnel. Cet équilibrage des tensions relève du funambulisme, mais c’est bel et bien sur ce fil qu’il s’agit d’avancer pour atteindre le Lecteur.

Image: Claude Verlinde.

Commentaires

  • Empathie et générosité... Merci à vous, passeur !

  • Je regrette cependant que le critique littéraire, ne s'intéresse pas davantage à "l'écriture" proprement dite. Je veux dire par là, à l'analyse narratologique.
    Je suis souvent frustrée de ce point de vue ; la plupart du temps, elle s'en tient, après avoir relaté le parcours de l'auteur, à un survol rapide de l'histoire, sans jamais parler des procédés...
    J'aimerai bien avoir votre avis là-dessus.

  • Oui, mais sans doute confondez-vous critique littéraire et journalisme omnitolérant.

  • Il me semble qu'on oscille, aujourd'hui, entre bavardage et pseudo-scientificité. Pour ma part, j'essaie d'échapper au premier, ce qui ne va pas toujours de soi quand on sévit dans un journal à large diffusion (24 Heures doit compter plus de 300.000 lecteurs), sans être très éclairé par la critique qui se veut spécialisée, de type universitaire. Les grands critiques selon mon goût, un Pietro Citati, un George Steiner ou un Marc Fumaroli, ne s'en tiennent jamais aux procédés technique ni aux occurences génético-sociales. Mais tout peut faire miel si ça fait sens. Il faudra que je m'explique plus en détail, mais là c'est 4 heures du matin et j'ai l'esprit un peu gourd...

  • Mais c'est un magnifique métier que vous faites là...
    Savez vous que pour des gens comme moi, purs dilettantes , qui aimons simplement les mots écrits, et leur sens , vous êtes des petites lumières qui s'allument ? Et qui disent "lisez cela, j'ai aimé, vous aimerez sans doute aussi", ou bien "cet écrivain est un humain bien sympathique, qui n'a pas besoin d'un humain bien sympathique dans son univers quotidien?"
    Savez vous que nous en avons marre de voir un univers médiatique dans lequel le jeu consiste à ne jamais laisser les gens s'exprimer autrement que sur un mode caustique au minimum, et plutôt méprisant?
    Savez vous que lire des individus ( je ne conçois une critique que positive, à quoi sert donc une critique négative?) qui disent : "j'aime", cela devient déjà merveilleux?
    Revenez donc un jour sur les personnages dont vous parlez, Pietro citati et Marc Fumaroli. Steiner.......je connais , et le lis toujours avec grand plaisir.

  • A propos de passeur de livres, j'ai appris hier soir la disparition de Bernard Frank, hussard honoraire sur la gauche de Nimier, auteur des romans "Les Rats", "Géographie universelle" et, entre autres, de critiques pertinentes sur Drieu, cet oncle dévoyé qui intrigua Frank toute sa vie d'écrivain, car cet inlassable lecteur-chroniqueur gourmand, curieux et élégant n'était pas le dilettante qu'on a souvent décrit : d'abord, lire bien prend du temps, c'est un vrai travail et puis pourquoi laisser paraître des livres moyens alors qu'il y a tant de belles et bonnes choses à lire et à relire... ?
    Thanks, Mister Frank.

  • Merci pour vos deux messages. L'écharpe, je n'en sais rien, mais Bernard Farnck, pas de doute... Très belle lumière d'été indien ce soir. Cordialités.

  • Je reviens ici remercier le "passeur de livres". Pour par exemple, le livre de Jean François Sonnay, que je n'aurais jamais découvert sans lui. Et puis, pour "les passions partagées", lectures du monde. Ces livres ont traversé les océans pour le plus grand plaisir d'une lectrice...
    Tahiti, entre pluie, soleil et arc en ciel sur le Pacifique, vous salue!

  • C'est toujours un plaisir de vous lire, Marie, et l'idée que j'aie pu vous faire découvrir tel ou tel livre me ravit. Merci de m'indiquer, par e-mail, vos coordonnées postales, pour que je puis vous faire parvenir le dernier produit de mon jardin...

  • Réponse à Lydia :
    l'analyse des procédés, à quoi se réduit aujourd'hui l'enseignement littéraire, on en a une indigestion dès le collège et le lycée d'où sortent des bataillons de non-lecteurs voire d'anti-lecteurs. Alors s'il faut retrouver semblables pensums dans la critique, non merci !

  • Entretemps, Tzvetan Todorov a mis les points sur les i. Ah mais bonjour Christian: ça roule en lisière ? Vous avez repeint le tank ? Vous touchez le Torse du Pharaon ?

  • Ah non cher Jean-Louis, pas Todorov, pas vous...!
    Mais enfin, ce type se fout tout simplement du monde ! Voilà un des sacro-saints pontes qui a formé, justement, comme Cottet-Emard le remarquait fort justement, des générations de souris de laboratoire, capables de disserter sans fin sur la place de la virgule dans l'oeuvre de Dante sans paraître même s'inquiéter du fait que ce foutu écrivain avait le culot de prétendre tutoyer Dieu et son cousin (germain) le diable...
    Todorov !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
    Pourquoi pas Genette pendant que vous y êtes ?

  • Ah mais, cher Juan ça ne vous est jamais arrivé de voir évoluer quelqu'un ? Il y a même vingt ans que Todorov n'a cessé de le faire. Avez-vous lu Face à l'extrême ? Avez-vous lu Les aventuriers de l'absolu ? J'ai comme l'impression que vous vous crispez sur une image complètement figée et dépassée du cher homme. Commencez donc par lire, ensuite on jugera sur pièces...

  • Rassurez-vous, pour le lire, je l'ai bien lu et, ma foi, vous parlez d'une évolution : 40 années pour oser écrire que la littérature, cela ne se réduisait peut-être pas après tout à ses propres pesantes gloses...
    Quelle rapidité dites-moi, quelle célérité intellectuelle, pour un bonhomme qui selon vous est SI intelligent que cela...
    Moi, cela me fait peur...
    Vivement la palinodie de Genette : ce qui ne l'aura pas empêché, comme Todorov l'a fait, d'emmerder des générations entières d'étudiants...

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