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Sollers à Séville


Conversation de Moi l’un et moi l’autre (2)

Séville, ce dimanche 22 janvier, Midi. « Dis-moi qui est ton Nietzsche et je te dirai qui tu es !» lance Moi l’autre à moi l’un, ce matin limpide sur les toits de Séville, où je me suis retrouvé dans la cellule vert céladon à terrasse en attique de l’Hostal del Pueblo, trente après ma découverte de cette ville de tous les reflets, entre Guadalquivir et Giralda.
A l’époque mon Nietzsche était celui de La naissance de la tragédie, Zarathoustra me semblait du kitsch et je n’avais pas encore la liberté de vivre le probable partiel vrai Nietzsche que je vis à l’heure qu’il est en le redécouvrant par le truchement d’Une vie divine, tellement plus ouvert au propre mimétisme du lecteur que tant de gloses dont la dernière que je me rappelle est la Biographie d’une pensée de Rüdiger Safranski.
A cette même époque de mon premier séjour à Séville, j’avais relu les pages de L’ouverture de la chasse de notre ami Dominique de Roux, dont le jugement porté sur l’œuvre de Sollers recoupait mon propre rejet des théories fumeuses et des postures foireuse de celui qui m'apparaissait essentiellement comme un fils de bourgeois et un révolutionnaire de salon - et c’est donc avec le plus vif intérêt que, ce matin, je confronte Moi l’un et moi l’autre à ces lignes retrouvées:
« Mise à sa place aussi, l’œuvre de Philippe Sollers est magnifique. Mais projetée dans l’admirable miroir de la parfaite inutilité de tout quand quelqu’un – nous dirait-il – en vient à traverser le blank point de la néantisation de tout, cette oeuvre prend les allures aériennes d’une Sublime Porte, d’un néant vers l’autre dans l’éther universel. Soliman le Magnifique d’un anti-empire dont la grandeur est faite d’effacement, d’oubli et de poussière d’ombre, l’écriture de Sollers trace dans le vide foudroyé par l’éclair de son orgueilleuse indigence les significations sans signe et les signes béants de tant d’insignification qui le portent, au-delà de son entreprise de châtiment par le vide, vers je ne sais quel salut second, vers une immortalité à partir de la suppression de tout ce qui n’est pas l’instant présent, vers l’irrévocable passage du tout à la futilité totale. Mais n’est-ce pas la définition du Chasseur Noir, qui, pour échapper à la mort dans son domaine clos, accepte de devenir lui-même la mort ? Toute mort est dialectique. Toute dialectique sert la mort. »
Géniale prémonition, mais que l’œuvre de Sollers déjoue aujourd’hui, avec ce qui a bel et bien été la quête d’un « salut second », autant qu’elle la justifie. Le Chasseur Noir, parfois, fait la peau à la mort et se tire du côté de la vie... 
Autant dire que Moi l’un et Moi l’autre, mes frères ennemis, s’en trouvent un instant réconciliés, mais surtout ils ont la dent, alors vite, on va s'en casser une à la Punta Diamante...

Dominique de Roux. L'ouverture dela chasse. L'Age d'Homme, 1968. Réédité aux éditions du Rocher en 2005.

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