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Les animaux dénaturés

Lecture de Cosmos incorporated (2)

Quel intérêt y a-t-il à suivre un personnage programmé ? Un tueur de tueurs est-il plus digne d’attention qu’un tueur ? Et ne va-t-on pas s’enferrer dans ce morne enfer du bout du monde où tout semble consommé : « Plus de frontière à conquérir, plus de guerre à affronter, plus de limite à outrepasser, les gladiateurs professionnels avaient de beaux jours devant eux. Du pain et des jeux…» Mais où diable nous conduit Dantec ? se demande-t-on en poursuivant, avec Sergueï Plotkine, son protagoniste tueur à gages, l’exploration de Grande Jonction, en territoire mohawk, dont il est censé liquider le maire convaincu de trahison – de qui ou de quoi, on ne sait ?
On ne sait pas non plus où on va mais on y va. Le premier être vivant que rencontre Sergueï à Grande Jonction est un chien, du genre cyberdog ex-militaire ; le premier homme un type qui le révulse (Ecce homo degueulando), gardien adipeux de l’Hôtel Laïka dans lequel lui est attribuée la capsule 108, au dixième étage d'où il a vue sur la ville-frontière dont on s'embarque pour le cosmos. Dans ladite capsule pressurisée, Sergueï se retrouve seul avec une sorte de djinn informatique qui danse autour de lui comme un esprit luciférien et lui envoyant des infos neuronumériques utiles à son repérage. Une douche sort du mur, des robots nettoyeurs s’activent à la vitesse de la poussière, il est question de valises-maisons en carton recyclo et l’on voit une navette Discovery quitter la terre par le hublot, bref on se croirait à la fois dans Brazil pour le décor futuro-déglingué et dans les Chroniques martiennes de ce vieux gamin de Bradbury, mais il y a autre chose qui se prépare et c’est cela qui nous scotche à cette étrange lecture.
Devant le miroir Sergueï ne se reconnaît pas. Qui est-il ? Le catalogue des meurtres qu’il a commis aux quatre coins de la planète est-il réel ou construit par ceux qui lui ont reformaté l’espace mental ? On se le demande en entendant la musique sérielle de tous les bruits de l’hôtel Laïka, devant lequel le chien, lui aussi reconstruit (il parle) attend le protagoniste. Chien d’aveugle ou Cerbère ? Partout règne le visage froid de la Machine et voici qu’une parole du Christ cité par Luc traverse l’esprit du Terminator  Plotkine  : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il fût déjà allumé ». Dans la foulée on apprend que l’ère du pétrole est révolue, au profit de l’hydrogène et qu'une espèce de paix a été négociée par l’Unimanité après le Grand Djihad, laquelle Unimanité a interdit toute religion « intolérante » au profit d’un nouveau polythéisme « portatif ». A l’horizon du Vieux Monde, l’Europe se divise en émirats soumis à la Charia et en Fédération européenne slavo-russe, tandis que le Cosmodrome de Grande Jonction cristallise, derrière un rideau de fer, les derniers rêves d’une humanité en perdition. Or tout est à venir au tournant de cette page 163 où, soudain, Sergueï choisit de marcher « vers un des possibles que le programme d’instruction n’avait pas prévu »…


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