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Une fable édifiante



Quand Philippe Claudel nous la fait aux bons sentiments

Je me suis rappelé un certain Bréviaire moral de la Bonne Jeunesse datant de l’heureuse année 1888, déniché un jour à la brocante de l’Armée du Salut, en lisant La petite fille de Monsieur Linh, et ces vers m’en sont revenus par cœur:

« Dans les cités de la savante Asie
Chez les enfants sauvages du désert
Et jusqu’au sein de la Polynésie
La Vérité marche à front découvert ».


Je souris à penser que les mêmes qui ricanent à la lecture de ces vers, y voyant de la littérature de patronage, avalent sans broncher la prose suave du dernier roman de Philippe Claudel, où l’on pleure tandis que la Vérité marche plus que jamais « à front découvert ».
C’est l’histoire d’un très très vieux Monsieur qui vient de la très très lointaine Indochine où il a tout perdu sauf sa toute petite fille qu’il serre contre lui comme une toute toute jolie poupée de chiffons, et qu’il appelle Sang diû, ce qui signifie « matin doux » et peut être entendu comme « sans Dieu ». Vous voyez ça ?
Casé dans un dortoir pour réfugiés de la très très grande ville, où il subit les sarcasmes ou l’indifférence de ses compagnons d’infortune (donc les réfugiés ne sont pas forcément des tout gentils, notez cela) qui lui reprochent de ne pas laisser s’ébattre sa toute petite fille, le rejetant dans la nostalgie de son tout bon village de là-bas, où les buffles méditent (sic) dans la toute bonne boue.
Au hasard d’une promenade dans un square, Monsieur Linh rencontre un vieux géant fumeur de clopes, forcément inquiétant au premier regard (ne va-t-il pas lui ravir sa petite fille) puis se révélant le tout bon type, pleurant quant il se rappelle sa toute bonne épouse, qui faisait tourner un manège dans le tout bon temps, et pleurant de plus belle quand il se souvient d’avoir, jeune soldat, tiré sur les Indochinois, et s’excusant alors auprès de Monsieur Linh.
On s’excuse beaucoup par les temps qui courent. Tout le monde s’excuse, et le pape et ce faux cul de Bush, donc je vais m’excuser à mon tour : pardon Philippe Claudel, pardon de ne pas avoir aimé votre dernier livre, dont le dénouement, salué par les toutes bonnes âmes, m’a positivement navré. Lesdites bonnes âmes ont trouvé merveilleuse l’idée d’avoir collé, dans les bras de Monsieur Linh, une poupée de son. Or je n’y ai vu, pour ma part, qu’un truc de littérateur égaré dans les bons sentiments…

Commentaires

  • Si les littérateurs qui s'égarent s'en tenaient à l'honorable littérature de gare...
    Merci. Il me semble à moi aussi que certaines âmes, aériennes à l'équivoque seulement, méritent une petite lecture plombée, histoire de leur rappeler l'histoire, les gens, nous.
    En cela, Houellebecq est probe et cherche, lui, la vraie beauté, le vrai silence, dans le vrai de nos pâles anticipations réelles...
    L'occasion de vous remercier aussi à ce sujet. Vos notes sur Houellebecq au ton très juste.

    Bien cordialement,
    Gaspar

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