UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La poésie d'une magicienne



Janice Winter de Rose-Marie Pagnard

D'un livre à l'autre, et comme entremêlant des fils d'encre soyeuse et d'or, Rose-Marie Pagnard poursuit son œuvre romanesque à la manière d'un grand rêve éveillé, dont l'atmosphère relève à la fois du conte populaire et du romantisme allemand, avec une tension constante entre folie et beauté. Le mélange de psychologie des profondeurs et de poésie de Janice Winter rappelle en outre les romans si troublants et si beaux de Pierre Jean Jouve (de Paulina au Monde désert, en passant par Les aventures de Catherine Crachat), sans qu'il soit question pour autant d'aucune imitation.
De fait, l'univers de Rose-Marie Pagnard est décidément original et unique, et la narration de Janice Winter, dégagée des brumes parfois un peu éthérées du précédent ouvrage de l'auteur, Dans la forêt la mort s'amuse (excellent au demeurant, et gratifié d'un Prix Schiller en 1999), marque une nouvelle avancée.

Janice Winter est une enfant en métamorphose, qui se raconte cette drôle d'histoire tout en la vivant, comme par mimétisme, au côté de sa sœur aînée Léa dont la récente tentative de suicide étreint les siens d'angoisse latente. Le double printemps inquiet des filles Winter s'accorde par ailleurs à l'ambiance étrange de la maison d'Ida Sommer, la grand-tante dont le fils Horst a disparu depuis huit ans et 235 jours. L'histoire se passant rue des Foudres, il est naturel que le disparu tombe du ciel pour réapparaître aux jeunes filles auréolé de feu et en manteau d'Arlequin, qu'elles serviront chacune à sa manière à la cave où, bâtard en quête de père et bandit pour rétablir l'ordre secret des choses, il s'est planqué quelque temps.

Dans un climat d'étrangeté qui nimbe tous les personnages d'une sorte d'aura mythique, Rose-Marie Pagnard marque bien la frontière entre les instances de la trivialité et de la norme, du conformisme social et de la conformité psychiatrique, et celles de la fantaisie et de l'imagination, de la liberté et de la poésie. Cernés par l'angoisse, les parents de Léa tremblent à l'idée que leur fille puisse toucher à la drogue, sans imaginer ces « phénomènes inexpliqués » de la nature qui ont toujours fasciné Horst, lequel incarne d'ailleurs la poésie en mouvement perpétuel autour de nous, mais qu'on ne saurait percevoir sans attention fervente, à laquelle Janice ajoute une sorte d'amour sorcier, en deçà de la fusion sexuelle vainement espérée par Léa.

Pour prolongation radieuse du bonheur éprouvé à cette lecture, un album à quatre mains conjointes, (puisque l'imagier en est le peintre René Myrha, époux de la romancière) vient de paraître, où rebondit un autre colporteur de poésie sous la forme d'un mystérieux passant à manteau d'or. Variation sur les thèmes de la mémoire et du masque, Figures surexposées participe, à la fois par l'enluminure onirique des images et par le récit, à cette transmutation poétique, jouant sur tous les registres du langage, qui caractérise essentiellement l'œuvre de Rose-Marie Pagnard.

Rose-Marie Pagnard, Janice Winter, Editions du Rocher, 179 pp.
Rose-Marie Pagnard, René Myrha, Figures surexposées, Le Champ des Signes.


Les commentaires sont fermés.