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fatrasie

  • Ciao Bellissima !

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    Susan Boyle à la trace
    Le récit de Susie-la-simple relève autant du roman-photo que du croquis sociologique, dont les péripéties ont défrayé la chronique du début de l’été passé, plus précisément en mai dernier, lorsque Susan Boyle, 47 ans, vécut « le moment le plus important de sa vie » en passant le cap de la demi-finale du Britain’s Got Talent, le plus populaire des concours de variétés du Royaume-Uni,pour se retrouver, tel historique lundi de juin, devant le jury tricéphale de la Finale, défaite et triomphante à la fois…
    Le conte de fée de celle que les méchants taxèrent d’« ange velu », dont la voix toucha des millions de gens, sur Youtube, à proportion inverse de sa dégaine et de sa candeur, que les cyniques persiflèrent, m'a rappelé la formidable scène de cinéma de Bellisima, de Luchino Visconti, durant laquelle un quarteron de producteurs se mettent à rire en assistant à la prestation chantée d’une petite fille dont sa mère (Anna Magnani), issue de milieu modeste, a juré de faire une star de la chanson. Pour différents que soient les contextes, les situations sont tout à fait comparables, qui mettent en jeu les grandes espérances de cœurs simples pris au piège de la gloriole manipulée.
    Ladite situation, dans le cas de Susan Boyle, fille d’ouvrier et chômeuse elle-même, n’a pas manqué de susciter moult analyses plus ou moins marxistes ou chomskyennes, mais ce n’est pas du tout dans cet esprit que l’auteur de Susie-la-simple a conçu son approche biographique du «phénomène», qui évite autant la moquerie facile que la flatterie démago. Alonso Llorente, supposé affilié aux Loups gris italiens par son éditeur le présentant en postface, ne «dénonce» pas tant qu’il observe, presque avec envie, ayant cru comprendre que Susan était beaucoup plus heureuse que lui… Autant dire que la posture rompt avec la feinte générosité de nos grands intellectuels qui concluent d’avance à l’aliénation du peuple. Par ailleurs, plus qu’en enquêteur «sur le terrain», même si le terrain est documenté par diverses images révélatrices (on imagine Marguerite Duras s’exclamer : « dès que j’ai vu la maison de Susan… ») c’est plutôt le jeu de la fiction romanesque qui caractérise la démarche de l’auteur, dans un décor de banlieue écossaise que nous voyons évoluer entre crises économiques et modes musicales, où Susan surnommée «la simple» à 11 ans vit initialement sa vocation à l’église de Notre-Dame de Lourdes, laquelle a l’air d’un hangar propret, avant de la porsuivre d'un karaoké à une fête de famille.
    Ce qu’il y a de beau dans le chemin de «Susie la simple», c’est que ledit chemin est aussi long qu’il est têtu, fondé sur la conviction que c’est son chemin à elle en dépit de son physique de moins en moins glamour, qu'elle assume avec ces sages paroles : «La société moderne juge trop vite les personnes sur les apparences», alors même qu’elle n’aspire pas tant à être une star qu'à « s’avancer dans la lumière et chanter ». Oui-da, long sera le chemin jusqu’à la troisième édition de la célébrissime émission d’ITV, mais c’est sur ce long chemin que Susan a travaillé son oreille (d’abord en écoutant la pluie ou le groupe America) et sa voix, bientôt reconnue dans la paroisse, les concours locaux, les concours régionaux, un premier disque de charité, etc.
    Ainsi que l’a expliqué Alonso Llorente, qui entendit un soir Susan Boyle chanter dans un pub de Bathgate, dans l’indifférence massive des clients, la chanteuse « incarnait dans sa naïveté la dimension sacrificielle des classes populaires à l’ère de la démocratie totale ».
    Alexandre Friederich, éditeur lausannois à l’enseigne d’Art & fiction, n’est pas très précis dans sa postface sur les vacations militantes de son auteur (supposé «fédérer des mouvements» en Angleterre l’année de sa rencontre de visu avec la future célébrité), mais les propos qu’il recueille sur le mécanisme du « jeu de massacre » de l’émission Britain’s Got Talent, consistant, pour la compagnie de production Syco, à sublimer les aspiration légitimes d’une classe sacrifiée en lui offrant une victoire symbolique, ne réduisent en rien la dimension originale de son témoignage, d’un humour radieux quoique au second degré s'entend… Hélas, ceux qui aimeraient rencontrer ce fameux Alonso en seront pour leur frais : il n’aurait laissé en gage de sa présence fugitive, à l’éditeur perplexe, qu’une moustache postiche…

    Susan.JPGAlonso Llorente. Susie la simple ; une biographie de Susan Boyle. Editions Art & Fiction. Lausanne, 86p.

  • Ceux qui sont inconsolables

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    Celui qui se demande si la vie vaut encore la peine d’être vécue après avoir appris la Terrible Nouvelle / Celle qui a téléphoné à toutes ses amies du Club M.J. à trois heures du matin pour leur apprendre qu’un Ange les avait quittées / Ceux qui ont commencé la journée par trois minutes de silence dans la salle de réunion La Panoramique de l’Entreprise / Celui qui affirme que M.J avait un tel Cœur que celui-ci ne pouvait que le lâcher /  Celle qui ne croit pas que cette mort si subite soit naturelle / Ceux qui parlent d’un Complot / Celui qui ne se pardonne pas de ne lui avoir jamais transmis le premier Poème que sa fille Lucinda a composé pour l’Idole / Celui qui prétend que son enfance n’eût pas été la même sans l’apparition de cette Etoile dans le ciel de ses sept ans et demie / Celle qui dans son hommage bouleversant (pense-t-elle) du TJ de midi affirme et réaffirme que cette disparition revêt un caractère historique / Ceux qui porteront le deuil jusqu’à la sortie de l’Album du Souvenir /   Celui qui jette un froid à la cafète de l’Entreprise en affirmant que M.J. dansait comme une poupée mécanique le charme en moins / Celle qui attend un hommage clair et net du président Obama / Ceux qui se sont fait refaire le nez à son image / Celui qui l’a vu en nos murs l’Année du Concert avant d’apprendre qu’il avait engagé trois sosies / Celle qui va proposer à sa prof de musicologie de faire son Master sur l’évolution de Son œuvre depuis Thriller /  Ceux qui vont tout faire pour actionner la communauté Facebook en sorte de blanchir officiellement la mémoire salie de l’Innocence Absolue / Celui qui estime que l’adulation de ce spectre fardé reflète assez nettement le néant de la sous-culture mondialisée / Celle qui l’a toujours sincèrement plaint d’avoir à fréquenter tant d’avocats / Ceux qi avaient prévu de l’enlever le 10 septembre 2001 et qui ont laissé tomber le lendemain, etc.