UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Alors là, tu m'étonnes !

    Ramallah229.jpg
     
     

    À propos d’un certain blasement morose sévissant par les temps qui courent, notamment en zones privilégiées,
    et de l’importance de s’y opposer. Comment y parvenir quand on a toute la vie devant soi et plus si affinités, dans le sillage d’un sublime vélocipédiste du nom de Charles-Albert Cingria…
     
    medium_CINGRIA5_kuffer_v1_.4.jpgDe Dieu mais tu vois ce que je vois ce matin dans les rues de ce matin et sur les places de ce matin et aux guichets de ce matin : j’en crois pas mes yeux, non mais je me pince, et sur les arbres de ce matin, et le long du fleuve et des heures de cette matinée, t’as déjà vu tout ça toi, et là dans les snacks et les cantines, et là-bas dans les hostos de midi et les baraques de l’asile, et l’après-midi les enfants dans les jardins municipaux, non mais dis-moi pas, toi, que t’as déjà vu ça…
     
    Tu me dis que tout a été dit et qu’on ne te la chantera plus, tu me dis que tu viens de « refaire Cuba » et que c’est plus ça, tu me dis que le cinéma est fini et qu’y a plus rien à attendre des kids, et moi je te réponds que tu te fourres le doigt dans l’œil, mais je sais même plus à qui je parle tellement t’écoutes pas et ne veux rien voir – et pourtant je vais pas te lâcher mon cher toi…
     
    crlr-images-insolites-cingria-02642.jpg
     
    Non mais t’as lu ça : « Et puis il y a une descente, jusqu’à un torrent et un pont. Je crois que c’est une frontière de rossignols, cet endroit, car l’on ne peut s’empêcher de prendre pied pour rendre hommage à un concert d’oiseaux si impressionnant… Ou bien c’est ce grand frémissement subit d’en haut des peupliers qui n’est pas des oiseaux mais le vent que je ne sens pas parce que je vais avec, qui me pousse et fait que je vais si vite » ?
    15726602_10211644942505970_4475260154028790492_n.jpg
    T’as déjà lu ça d’un type en vélocipède qui te le griffonne juste en passant : « L’écriture est un art d’oiseleur, et les mots sont en cage avec des ouvertures sur l’infini », avant de faire étape au café suivant et de constater : « Le vin, c’est quelque chose d’arabe et d’immatériel d’abord » ?
    T’as déjà lu ça de n’importe qui le soir qui se retrouve dans n’importe quelle ville : « Il y a un droit à exister et à se perdre dans la foule sans avoir à rendre compte de rien ni à personne. Sa vie, on la fait. Pas une vie de famille, une vie de fil d’astre et d’itinéraire précis dans le moite piétinement humain » ?
     
    Et toi qui te dis perdu si t’es pas connecté, ça te rappelle rien ce que note aussi le même vélocipédiste au coin du bois, vers la frontière des rossignols : « Ce qui me passionne dans la vie – qui est poème, rien que poème, mais n’allez pas me demander une définition de la poésie que vous ne comprendriez pas – est d’un ordre tellement précis et impérieux que je m’étonne que l’on puisse accorder une seule minute à cette insupportable station dans le piétinement et le gloussement que le bavardage vous commande » ?
    AVT_Charles-Albert-Cingria_5301.jpeg
     
     
    T’as déjà lu ça dans ta boutique râleuse de boutiquier de la routine : « Ainsi est le cri doux de l’ours dans la brume arctique. Le soleil déchiqueté blasphème. Le chien aboie à théoriques coups de crocs la neige véhémente qui tombe. Les affreuses branches noires s’affaissent. La glace équipolle des fentes en craquements kilométriques. Un vieux couple humain païen se fait du thé sous un petit dôme. Un enfant pleure. C’est le monde » ?
    Dis-moi, camarade, t’as déjà lu quelque chose comme ça : «On se promène ; on est très attentif, on va. C’est émouvant jusqu’à défaillir. On passe, on se promène, on va et on avance. Les murs – c’est de l’herbe et de la terre – ont de petites brèches. Là encore, on passe, on découvre. On devient Dante, on devient Pétrarque, on devient Virgile, on devient fantôme. De frêles actives vapeurs, un peu plus haut que la terre, roulent votre avance givrée. Je comprends que pour se retrouver ainsi supérieurement et ainsi apparaître et ainsi passer il faut ce transport, cet amour calme, et ce lointain feutré des bêtes, ce recroquevillement des insectes et cette nodosité des vipères dans les accès bas des plantes ; ces bois blancs, légers, vermoulus ; cette musique tendre des bêtes à ailes : ces feux modiques et assassins d’un homme ou deux arrivés de la mer, qui ont vite campé et qui fuient » ?
    15747435_10211644942265964_6882493288170787204_n.jpg
     
    Tu tombes des nues mais je me réjouis tellement de te voir tout à coup t’étonner : « Les arbustes s’évasent, font de larges brasses à leurs bases. Il y a là des places où des oiseaux ventriloques, simplement posés à terre, distillent une acrobatie infinitésimale. C’est à perdre haleine. L’on n’ose plus avancer. Pourquoi se commet-on à appeler ça mystique ? C’est dire trop peu. Bien plus loin cela va et bien plus humainement à l’intérieur, au sens où ce qui est humain nécessite aussi un sang versé des autres, dont le bénéfice n’est pas perdu puisqu’il chante et appelle et charme et lie ; véritablement nous envahissant comme aucune écriture, même celle-là des orvets, cette anglaise pagayante, appliquée, construite, rapide, fervente, au couperet de la lune sur le doux trèfle, n’a le don de le faire. On a cru tout découvrir : on a poétisé la note subtile avec des coulements persuasifs entre les doigts. Ce n’était rien. Le cœur n’était pas en communication avec d’autres attaches profondes, ni le pied avec une herbe assez digne, ni ce cri enfin, ce cri désarçonnant de l’Esprit qui boit l’écho ne vous avait atteint, malgré de démantibulés coups de tambour, faisant véhémente votre âme, marmoréens vos atours, aimable votre marche, phosphorescente votre substance, métallique votre cerveau, intrépide votre cœur, féroce votre conviction, apaisé, concentré, métamorphosé votre être. Il fallait cette avance, ces lieux, cette modestie, ces atténuations, la paix, la mort des voix, l’insatiable fraîcheur du silence et de l’air et de l’odeur de mousse et de terre et d’herbe de ces nuits saintes. Sans retour possible, sans lumière, sans pain, sans lit, sans rien… »
    Tu n’en crois pas tes yeux et je t’aime un peu mieux de le recevoir, et pour cette fois ça finira comme ça : «Quand Rossignol tombe, un ver le perce et mange son cœur. Mais tout ce qu’il a chanté s’est duréfié en verbe de cristal dans les étoiles ; et c’est cela qui, quand un cri de la terre est trop déchirant, choit, en fine poussière, sur le visage épanoui de ceux qui aiment ».
    15727080_10211644943025983_8977900416004291408_n.jpg
     
    (Toutes les citations de ce texte sont de la main de Charles-Albert Cingria; dessins de Jean Dubuffet et Géa Augsbourg; peintures de JLK)

  • Un trésor littéraire à transmettre

     
     
    20882189_10214082966895056_330954251134593899_n.jpg
     
    La Bibliothèque de LK & JLK, à La Désirade.
     
    (Offre globale gracieuse ou vente détaillée à bas prix)
     
    Aperçu d’une proposition de cession gracieuse ou de vente partielle à prix réduits de notre bibliothèque, comptant plus de 15.000 volumes à caractère principalement littéraire.
     
     
    Cette bibliothèque revêt un caractère tout personnel lié à sa constitution, sur plus de cinquante ans, où la passion de mes jeunes années s’est poursuivie et enrichie du fait de mon activité de critique littéraire et d’écrivain, dès le début des années 1970.
    72112107_10220931490783873_2887002640422535168_n.jpg 91860466_10222826231391204_6633912983963566080_n.jpg
    Ce corpus, fondé sur ce que j’ai gardé, est le résultat de choix incessants qui m’ont fait donner – notamment à l’institution Bibliomedia - ou vendre, à prix symbolique, des milliers de livres reçus au titre de services de presse durant toutes ces années. Il se distingue donc par une cohérence interne et une « personnalité » qui justifierait, dans l’idéal, une transmission intégrale et gratuite, en l’état, à telle ou telle institution, médiathèque ou centre culturel, qui l’accueillerait tel quel et le mettrait à la disposition du public.
    Idéalement, j’imagine un espace aménagé accueillant les sections diverses de cette bibliothèque (littérature de langue française, littérature romande, domaines russe et slave, domaine germanique, domaine anglo-saxon, domaine italien, domaine hispanique, essais, sciences humaines, collections multiples (Pléiade, Bouquins, Cahiers rouges, Le Dilettante, Quarto, etc.) à consulter ou à emprunter selon le système ordinaire des bibliothèques publiques.
    L’idéal se réalisant, je m’engage à transmettre ce véritable trésor de mémoire sans aucune forme de compensation financière. L’espace en question serait du moins intitulé Bibliothèque de la Désirade, avec la mention souhaitée en lettres discrètes : Donation de LK et JLK.
    Faute de trouver preneur, cette offre « totale » se transformera en offre partielle ou en vente détaillée à prix réduits. 
    Inventaire de la bibliothèque de LK & JLK. A La Désirade.
    Inventaire sommaire
     
    1. À la Datcha
    Au lieudit La Désirade, domicile principal de LK et JLK, sis au vallon de Villard.
    Littérature romande : (nombreux ouvrages dédicacés),
    Environ 2500 volumes.
    Littérature française : (nombreux ouvrages dédicacés)
    Environ 1500 volumes en ce lieu, collections non comprises.
    Littérature russe :
    Environ 700 volumes
    Littératures slaves :
    Environ 400 volumes
    Littératures italienne, espagnole et portugaise :
    Environ 700 volumes
    Littérature allemande et alémanique
    750 volumes.
    Poésie :
    200 volumes
    Collections
    La Pléiade, 150 volumes
    Actes Sud, 400 volumes
    Bouquins, 200 volumes
    Quarto, 50 volumes
    Voyage, 50volumes
    Montagne, 20 volumes
    Beaux-Arts, 250 volumes
    Poches divers
    Folio, 10/18, Rivages, Cahiers rouges, etc., 1000volumes.
    2. À l’isba d’été, bergerie de montagne réaménagée par JLK en bibliothèque
    - Environ 2000 volumes, tous genres et domaines confondus.
     
    3. À l’Atelier de la Ruelle du Lac, à Vevey.
    - Ce lot d’environ 2700 volumes se subdivise en 1200 volumes de la collection blanche des éditions Gallimard, généralement à l’état de neuf.
    + 5oo volumes environ des collections d’essais de Gallimard Sciences Humaines, Bibliothèque de l’inconscient et autres ouvrages de référence en matière philosophique ou historique,
    + 200 volumes de Journaux intimes
    + 500 volumes du domaine littéraire anglo-saxon
    + 200 volumes distribués entre les collections littéraires du Dilettante, de L’Imaginaire, de la Haute Enfance du Promeneur et de L’Un et l’autre, notamment.
    Nota bene : ce troisième lot occupe une pièce et demie non habitable mais pourvue d’un évier et de l’électricité indispensable à son éclairage, au deuxième étage d’une modeste maison du XVIIIe siècle dont les fenêtres donnent sur une cour intérieure. Le coût de sa location est de 300 CHF par mois. À qui reprendrait la location de cet espace, moyennant accord avec la gérance, l’intégralité de son contenu serait acquise gratuitement.

  • De mémoire incertaine

     

    234161618.jpg 

    À Venise nous étions trois

    à nous tourner autour:

    la solitude, l’amitié et l’amour...

    Tu m’avais dit que tu m’attendais chez Florian,

    mais il n’était pas dans l’annuaire,

    et tu t’es moqué;

    ou c’était plus tard, une autre année

    quand je croyais encore à l’amitié,

    et l’amour n’était pas chez Florian non plus -

    qui m’attendait ailleurs...

    La première fois j’étais venu seul,

    il neigeait sur la lagune

    et déjà tu me manquais

    d’amitié ou d’amour, je ne sais -

    on ne sait rien à Venise

    quand l’eau monte dans la nuit nocturne;

    j’étais seul et dans le miroir

    l’ombre a failli m’emporter...

    Une autre fois, aux Zattere,

    quelqu’un me dit qu'il m'attendait,

    qui peut-être m'aurait aimé,

    mais là encore j’étais ailleurs...

    Et après ? Où est celui que je serais

    si nous nous étions attendus

    sous le haut ciel de Tiepolo

    où les eaux se diluent ?

    Au vrai, seul reste enfin l’amour

    aux amis qui se rappellent,

    et le vieil Ezra, aux Zattere,

    dans le temps infidèle,

    depuis toujours regarde ailleurs...

  • Les familles qui s'aiment

    Unknown-1.jpeg

     

    Deux séries télé remarquables, respectivement suédoise et australienne, Une si belle famille et La Gifle, nous proposent, avec humour acide mais tolérant ou plus noire lucidité, des aperçus diversifiés de l’évolution des relations familiales.

    «Toutes les familles heureuses se ressemblent , mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon », écrivait Tolstoï à l’amorce d’Anna Karenine son grand roman qu’on pourrait dire de l’éternel bonheur malheureux de l’humanité, et nous ne sommes pas sortis de la bonne auberge, me disais-je ces jours en songeant à l’apparent chaos de la famille humaine honnie par les uns (le fameux « familles je vous hais ! » d’André Gide) et vénérée par d’autres comme un modèle unique alors qu’elle se disloque et se recompose aujourd’hui tantôt pour le pire et parfois pour le meilleur.

    Unknown-4.jpeg

    Or, après avoir visionné récemment les quatre épisodes épatants de la série suédoise justement intitulée Une si belle famille, qui s’ouvre sur Je mariage de deux jeunes jolies lesbiennes (l’une blanche et blonde et l’autre chocolat foncé) et s’achève par le baptême de la petite demoiselle conçue par la mère de l’une des mariées et le père de l’autre au soir foireux du mariage de leurs filles respectives, je me suis demandé ce qu’en eussent pensé mes gentils parents, plutôt tolérants mais non sans perplexité de bon sens alors que je suis de ceux qui « font avec »

          Unknown-6.jpeg

    Si la tonalité d’Une si belle famille est plutôt débonnaire, dans cette Suède apparemment plus évoluée, où le mariage pour tous semble ne faire aucun problème, contrairement à maints « cantons » helvètes ou européens, l’humour réellement réjouissant de la petite fresque nordique, qui a fait un « carton » chez les Scandinaves avant sa diffusion sur ARTE, relève d’un optimisme modéré qui tranche pour le moins avec l’acidité d’une autre série tournée aux Antipodes, intitulée La gifle et proposant huit points de vue sur un même incident qui eût paru dérisoire en d’autre temps et qui devient capital à l’ère du politiquement correct.

    images-2.jpeg

    En résumé bref :  au cours d’un barbecue d’anniversaire, le cousin du quadra fêté (deux machos grecs) flanque soudain une baffe à l’insupportable rejeton d’un couple genre intellos socialement fragilisés, après que le gamin a menacé son propre fils avec une batte et lui envoie un coup de pied dans les tibias.

    Résultat : la fête virant cata, le macho traité de facho, plainte illico déposée, toutes rancoeurs de classes et de races soudain réveillées, et le bilan sera pour tous amer, quoique les uns et les autres auront peut-être appris quelque chose ? Chacune et chacun le dira…   

             Or la situation de La Gifle pourrait  se transposer dans notre pays et partout où la pratique du barbecue n’a rien d’exotique. Et qu’arriverait-il alors aujourd’hui chez nous ou à côté de chez vous ? Telle est, entre autres, la question que pose La Gifle, série tirée d’un roman au considérable succès dans les pays anglo-saxons et qui se comprend, avec des réponses impliquant autant d’occurrences personnelles vécues, modulées avec une espèce honnêteté hyperréaliste très impressionnante.

    Or c’est en écoutant les raisons individuelles, comme le propose l’auteur de La Gifle (l’immense Kurosawa avait suivi le même chemin multiple et convergent dans Rashomon), qu’une réflexion vivante me semble possible. Dans une grand roman, disait quelque part Henry James, tous les personnages ont raison, après quoi la lectrice et le lecteur se pointeront au prochain  barbecue en meilleure ( ?) connaissance de cause…  

  • Rebond de la prairie

     
    Philippe-Echaroux-Street-Art-2.0-620x388.jpg
    (Comme un salut matinal)
     
    L’indien me rejoint dans l’horloge:
    le vivant pendulaire
    aux intitulions de brousse
    a encore des choses à me dire
    en intenses secousses.
    Une boussole nous manquait
    à tous deux ce matin
    d’aube neuve au lancer du chemin.
    Je le vois revenant d’Afrique,
    mon Sénégalais à sagaies de sagesse,
    aux yeux tendres de Népalais,
    aux manières exquises
    d’Inuit stylé sur sa banquise...
    Je l’attendais sur ma poutrelle,
    là-haut d’où je vous vois tous
    à toutes vos affaires,
    en sensibles ribambelles vues de la stratosphère,
    tellement émouvants, mes vivants,
    à piétiner les serres
    où songent les dormants.
    Je savais qu’il me viendrait ce matin d’hiver où tout semble exclu,
    mais l’horloge attendait
    ce retour de rivière.
    Et le voici que je salue...