UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Choses promises

    grande-salle-manger-jardin-pierre-bonnard-1934-1935-huile-toile_0_1400_1308.jpg
    À la fin tout va s'éclairer
    la lumière se fera
    au fond des villes et par les mers
    bientôt auréolées...
     
    Ce qu'on voyait était voilé
    par les mots du format,
    les mots du seul utilitaire
    et des us militaires,
    les mots de la seule fonction,
    les mots du seul profit,
    les mots du succès délétère,
    les mots des journaux -
    raisons ou déraisons
    des réseaux en surnuméraire,
    les mots gelés des cimetières...
     
    Mais les choses ont gardé le goût
    de ce qu'elles sont ici
    dans le silence de la vie:
    les choses délicieuses
    de saveurs et parfums,
    à jamais choses capricieuses,
    mêmes choses à jamais
    et chaque fois tout à fait autres,
    choses et gens allant de pair
    aux minutes heureuses...
     
    Ce que tu vois en revenant
    à toi chaque matin
    te regarde et te rend
    un peu mieux capable du ciel...
     
    Sans te payer de mots,
    très humble sera ton bonheur
    dans la beauté des heures
    et des mots écrits sur les eaux...
     
    Peinture: Pierre Bonnard.

  • Prends garde à la douceur

    1449133446.jpg
    (Pensées de l'aube, XXXV)
     
    De la personne. – Le jour se lève et la bonne nouvelle est que ce jour est une belle personne, j’entends vraiment : la personne idéale qui n’est là que pour ton bien et va t’accompagner du matin au soir comme un chien gentil ou comme une canne d’aveugle ou comme ton ombre mais lumineuse ou comme ton clone mais lumineux et sachant par cœur toute la poésie du monde que résume la beauté de ce jour qui se lève…
     
    De la solitude. – Tu me dis que tu es seul, mais tu n’es pas seul à te sentir seul : nous sommes légion à nous sentir seuls et c’est une première grâce que de pouvoir le dire à quelqu’un qui l’entende, mais écoute-moi seulement, ne te délecte pas du sentiment d’être seul à n’être pas entendu alors que toute l’humanité te dit ce matin qu’elle se sent seule sans toi…
     
    Des petits gestes.– Ne vous en laissez pas imposer par un bras d’honneur ou le doigt qui encule : c’est un exercice difficile que de se montrer plus fort que le violent et le bruyant, mais tout au long du jour vous grandirez en douceur et en gaîté à déceler l’humble attention d’un regard ou d’une parole, d’un geste de bienveillance ou d’un signe de reconnaissance…
     
    De la rêverie. – C’est peut-être de cela qu’ILS sont le plus impatients de t’arracher : c’est le temps que tu prends sur leur horaire à ne rien faire que songer à ta vie, à la vie, à tout, à rien, c’est cela qu’ils ne supportent plus chez toi : c’est ta liberté de rêver même pendant les heures qu’ILS te paient - mais continue, petit, continue de rêver à leurs frais…
     
    Des chers objets. – ILS prétendent que c’est du fétichisme ou que c’est du passéisme, ILS ont besoin de mots en « isme » pour vous épingler à leurs mornes tableaux, ILS ne supportent pas de vous voir rendre vie au vieux tableau de la vie, cette vieille horloge que vous réparez, cet orgue de Barbarie ou ce Pinocchio de vos deux ans et demie, un paquet de lettres, demain tous vos fichiers de courriels personnels, d’ailleurs ILS supportent de moins en moins ce mot, personnel, ILS affirment qu’il faut être de son temps ou ne pas être…
    Aquarelle JLK: Tôt l'aube ce jour-là...

  • Celles qui ont des antennes

    images-4.jpeg
    Celui qui estime que l’intuition féminine est une donnée de la Nature au même titre que les affects de la tique observées par Spinoza / Celle qui lisant L’éthique de Spinoza lance à son compagnon de vie parfois condescendant : et toc ! / Ceux qui savent que le prénom de Spinoza est Bento alors que l’usage de Baruch a été préféré par les antisémites insidieux / Celui qui envoie des messages subliminaux que seules les antennes de Marie-Flore sont en mesure de recevoir 5 sur 5 / Celle qui est également dotée de mandibules qui lui permettent de broyer les proies innocentes que lui ont permis de localiser ses antennes de mante religieuse dernière génération / Ceux qui pensent que la guerre des sexes est la continuation de la politique de l’autruche par d’autres moyens / Celui qui a une femme en lui dont les antennes pointent parfois sous son casque intégral de biker / Celle qui est à l’écoute des voix silencieuses de l’éther en ses volutes parfois traversées de soupirs qui en disent long n’est-ce pas mon Gaston / Ceux qui en ont des paraboliques orientées sur Radio-Vatican / Celui qui trouve les devineresses un tantinet emmerderesses / Celle que sa misandrie empêche de voir ce qu’il y a (parfois) d’ingénu chez les garçons qui en ont comme on dit dans les vestiaires de filles/ Ceux qui entendent même ce qu’elles ne disent pas comme quoi l’intuition typiquement féminine est parfois partagée par la brute mâle / Celui qui a toujours écouté celle qui ne parlait qu’avec son cœur / Celle qui comprenait tout sans raisonner / Ceux qui ne sauraient voler sans elles, etc.
     
    Peinture. Pierre Lamalattie.

  • Mémoire de la rose

    609378-alb-5ed4e435a00b3.jpg
     
     
    Lièvre fuyant, douce mémoire
    qui s’esquive là-bas
    entre les heures écoulées,
    passe le mot encore
    qui rappelle le nom des roses
    je dirai : baccara -
    la rose à l’éclat de diva...
     
    Ne pas oublier les bouquets
    quand finit l’opéra,
    aussi rappelle-toi le nom
    du parfum des allées,
    aux jardins de nos rendez-vous
    d’étudiants en amour -
    le rose aux pétales glamour
    est une mélodie,
    et dans le falbala final
    des salutations,
    lance les noms des couturiers:
    tous les noms déhanchés
    des mémorable défilés...
     
    A la fin de sa vie ma douce
    cherchait, dans le silence,
    les mots éparpillés,
    et les noms attachés aux danses;
    elle se rappelle: Isadora !
    et le théâtre, à l'infini,
    au seul grand nom de Nijinsky,
    ressuscite la transe...
     
    Les sentiers bleus des soirs d’été
    vont s’estompant un peu,
    après tant d’années écoulées
    comme aux épaules des collines
    les ruisseaux argentés -
    brassée de roses blanches
    aux soirées douces et divines
    où les dieux se déhanchent
    les yeux perdus aux origines...

  • Ceux qui vous rasent

    a_6210_01-1-1193x1280.jpg
    Celui qui a déjà eu toutes tes maladies et t’explique comment il s’en est sorti / Celle qui voudrait que tu partages ton ressenti de cancéreux en rémission par rapport au plan spirituel / Ceux qui vous demandent où vous en êtes avec le Seigneur / Celui qui a fait la Tunisie et la Thaïlande avant tous les autres seniors du club des Horizons Lointains / Celle qui est accro aux karaokés de Benidorm / Ceux qui ont des adresses de fournisseurs fiables en matière de gazon artificiel / Celui qui ne manque pas de citer Emmanuel Levinas ou Hannah Arendt pour rappeler à elles et ceux qui le lisent d’où il parle / Celle qui est influenceuse à Dubaï et donc reçue de toutes les nullités se retrouvant entre Bulgari et Versace / Ceux qui sont partis de rien avant de se retrouver au top de la Success Tower de Dubaï où gravitent les préférés et préférées du Miséricordieux pour qui la question du genre n’est qu’une affaire de voile / Celui qui est impressionné par l’intelligence de ce Spinoza notoirement juif et juste polisseur de verres de lunettes et autres télescopes / Celle qui est d’accord avec les idées de Baruch sans le crier sur les toits vu ce qu’il a subi lui-même à son époque / Ceux qui s’en remettent aux Docteurs de la Loi et autres expert de la FIFA / Celui qui est sincèrement déçu par ce qu’il apprend de Pierre Palmade dans le journal gratuit qu’il consulte volontiers à la salle d’attente de sa dentiste d'origine andalouse / Celle qui a vu ce Palmade en compagnie d’un jardinier sodomiste connu pour sa tendance à Sanary-sur-mer où sa cousine lui prêtait son studio en basse saison / Celles qui enquêtent discrètement avant de lancer leurs invitations aux goûters fort appréciés des têtes blanches du quartier des Mulots / Celui qui menace de tout te dire du lupus érythémateux de sa compagne hélas décédée - ou peut-être cela valait-il mieux pour elle si tu y réfléchis - il y a sept ans à Courchevel / Celle qui en avait encore une bien bonne a vous raconter après que vous avez raccroché en soupirant / Ceux qui vous promettent de revenir sur le ton jovial de Séraphin Lampion cet imbécile trop sympa n’est-ce pas, etc.
     
    Peinture: Michael Sowa.

  • Prends garde à la douceur

    image-1.png
    (Pensées de l'aube, XXXI)
    De ce vendredi. – Tous les saints du calendrier sont à la peine et ça ne va pas s’arranger au fil des heures, vous me dites que vous n’en avez rien à scier mais ça ne s’est pas fait pas sans vous, rien ne se fera sans nous, le premier crachat, la première épine, le premier clou, rien ne vous sera épargné les mal barrés, croix de bois croix de fer si je mens je vais en enfer…
     
    Du bonus pascal.– Vos agenouillements de vieilles peaux et de jeunes niais les font ricaner, mais après le père Noël le lapin fait pisser le dinar et ça c’est du solide, on y croit dur comme fer, et puis la pierre qui roule, ma poule, ça fait toujours se déplacer les foules et cartonner les nuitées romaines - enfin ce Dieu qui prend l’ascenseur nous vaut un break et ça ne mange pas de pain, thank you rabbin…
     
    De ce dimanche. – Pour nous, les enfants, Pâques, c’était le dimanche des dimanches - un dimanche vraiment plus dimanche que les autres où le ciel était plein de cloches et le jardin plein d’œufs que le Lapin avait peinturlurés et planqués Dieu sait où, donc deux jours après la Croix, le Lapin : t’avoueras que c’est qu’un dimanche que ça peut se passer, et ça nous réjouissait plutôt, les enfants, qu’il y ait un dimanche comme ça qui ressuscite chaque année…
     
    De la foi. – Notre ami le théologien me dit qu’il n’y croit pas vraiment : que son intelligence l’en empêche, puis il me dit : toi non plus tu n’y crois pas, rassure-moi, aussi lui dis-je : non mon ami, je ne vais pas te rassurer, je ne sais pas si je crois, je sais de moins en moins ce que c’est que croire au sens où tu crois que tu ne crois pas, mais surtout (et cela je ne le lui dis pas) je ne sais comment je pourrais l’expliquer à quelqu’un que son intelligence empêche de comprendre rien…
     
    De la charité. – Vous connaissez le mendigot du Sacré-Cœur : il sort de chez ce pouilleux d’abbé Zundel qui le régale déjà plus qu’il n’en faut, et le voilà qui nous lance à la sortie de l’office, son : Christ est vraiment ressuscité ! que moi ça me fait honte, mais j’ai beau savoir qu’il ira le boire ce soir, je lui donne quand même ses cinq euros - ce n’est quand même pas tous les jours Pâques…