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Candide à Tôkyo

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À propos de Perfect days de Wim Wenders
Lorsque l’Ange a replié les ailes de son Désir et posé son trench coat à la Columbo (paix à l’âme de feu Peter Falk) ou son manteau d'intello à la Bruno Ganz, c’est pour se retrouver en tenue propre-en-ordre de technicien de surface des lieux d'aisance de la ville-monde de Tôkyo d’où surgit l’arbre céleste de sa plus haute tour (le skytree de 601 mètres), lui-même (son nom est Hirayama) créchant dans une humble masure où il serre ses livres (Les palmiers sauvages de Faulkner et un recueil de nouvelles de Patricia Highsmith, notamment) et sa collection de cassettes de rockers américains (The Animals et Van Morrison, Patti Smith ou Lou Reed), alors qu’il n’a en rien la dégaine du «mec à la coule» mais fait son job de grand taiseux avec la plus stricte application entre un passage aux bains et une halte méditative sous les grands arbres dont il photographie les frondaisons et les frémissements délicats de la canopée.
Cela commence tout en douceur et plutôt lentement, au point qu’on se demande si cela ne va pas languir d’ennui sur la durée, et pourtant non : le rituel répétitif du nettoyeur de cabinets s’inscrit d’emblée dans l’esthétique épurée d’une activité humaine dégagée des préjugés - les chiottes japonaises ont à vrai dire le chic architectural de véritables petits temples de l'Hygiène -, et tout de suite la vision s’élargit au ciel, aux arbres très grands ou tout petits (le protagoniste en cultive genre bonsaïs dans son logis de célibataire) à tel petit garçon qui a échappé à sa maman et chiale dans une cabine entre autres humains sympathiques, aux rues qui filent de tous côtés entre les murailles des buildings, bref aux choses écrasantes ou touchantes de la vie de la cité géante, parfois cocasses (son jeune collègue amène sa touche comique de lascar déjanté) et parfois émouvantes, notamment avec l’arrivée de la nièce du protagoniste qui rêve de vivre aussi libre que lui et dont sa mère, bourgeoise à grosse voiture, interrompt la fugue sur fond de querelle familiale juste évoquée mais qu'on pressent décisive pour Hirayama…
Une des plus belles scènes du film, à cet égard, en forme de leçon de sagesse mais avec la légèreté qui sied à deux cyclistes zigzaguant en chantonnant, arrime le récit à son fonds méditatif d’où émane la beauté et ce qu’on peut dire la bonté illustrée par ce film, dont tous les personnages (même la sœur guindée) sont liés par ce qu’on pourrait appeler la ressemblance humaine.
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L’on a parlé, déjà, de la parenté du dernier film de Wim Wenders avec ceux d’un Ozu, et le climat poétique, la quête contemplative du protagoniste, la douceur générale du ton et l’hymne sous-jacent à la nature m’ont rappelé, aussi, dans un contexte évidemment tout différent, le Voyage de Bashô de Richard Dindo.
La grande originalité, cependant, de Perfect days, tient à son mélange, qui pourrait sembler flatter la mode, d’éléments culturels nippons et de blues-rocks américains, et pourtant non : tout semble cohérent et naturel dans ce poème si vivant et foisonnant de trouvailles surprenantes (le jeune garçon amoureux des oreilles de son compère, ou le message secret rédigé dans les toilettes par des mains inconnues), et d’ailleurs l’acteur (Koji Yakusho, déjà gratifié à Cannes d’un prix d’interprétation masculine) a quelque chose d’américain dans son beau visage quasi hollywoodien mais sans rien de léché – c’est plutôt le Prix du Naturel qu’il eût mérité…
Bref, et c’est le plus important : l’on rompt ici avec la platitude bruyante et avec la vacuité violente de tant de productions actuelles, pour renouer avec le cinéma d’un poète…

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