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Juste faire le job

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(Le Temps accordé - Lectures du monde VII, 2023)
 
À la Maison bleue, ce samedi 4 février. – Masque de vieux ce matin. De nouvelles rides autour des yeux et ma vue altérée. Pas joli joli. La toux moins intense que ces derniers jours, mais pas moins présente par éclats spasmodiques. Pensé tout à l’heure : pas question d’hosto. Si c’est la fin, ce sera ici, comme il en a été de ma bonne amie qui avait dit : pas question de finir à l'hosto. Je sais que ça pourrait mal tourner du côté des bronches et des poumons, genre péricardite, mais je me soigne avec du Resyl plus et du paracetamol, lequel commence à manquer dans les pharmacies, ai-je entendu dire l’autre jour de la bouche du pharmacien-chef des HUG de Genève, qui évoquait les ruptures de stock de plus en plus nombreuses et les conséquences de tout ça. Nous devenons de plus en plus dépendants des économies émergentes, selon l’expression, et plus précisément de l’Inde et de la Chine, donc revenons aux fumigations et aux ventouses, etc.
 
Hier soir assez déprimé par le débat, enregistré je ne sais quand, entre Slobodan Despot et Bernard-Henri Lévy. Ténors de la jactance. Très habiles tous les deux. Je sens moins le rance chez Slobodan que chez BHL mais c’est le langage lui-même du débat, commun aux deux beaux parleurs, qui me dégoûte, je dirai : physiquement. Bien entendu, le dernier mot revient au plus retors des deux, qui ne manque d’évoquer le retour de la peste brune en désignant son contradicteur - le coup de poignard du sempiternel Héros de la Bonne Cause que figure le «philosophe» à décolleté narcissique, véritable caricature de lui-même avec sa gueule de faux Greco artistement mal rasée, dont les arguments et les figures de style pourraient être reproduits par un logiciel et répétés par tous les petits robots de la guerre humanitaire à venir, mais moi : juste l’envie de vomir, et pas le coeur non plus de me rallier à la cause de Slobodan, qui reste à mes yeux un idéologue. Mon « camp » est ailleurs : il s’appelle Littérature.
 
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Revenant l'autre soir au Leviathan de Julien Green, trop longtemps ignoré, je me suis dit: noyau, là est ton noyau, l'âme de notre âme incarnée. L'immédiate plongée dans la détresse d'un errant humain, sa folle passion timide, l'énorme présence de femmes terrifiantes et d'enfants de divers âges, la topologie de la bourgade où tout se sait sous le ciel qui se tait. Cette nouvelle lecture après celle de Périphéries et de La Fabrique du corps humain, et la Littérature fait pièce au discours et à la dialectique - Poésie vaincra...
 
Merci à mon voleur. – Je me suis cru, hier soir, victime d’une hallucination, ou d’un miracle inexplicable, après avoir perdu, sur un premier constat évident, puis retrouvé ma sacoche contenant un carnet plein de notes de ces derniers mois, mon portefeuille et toutes ses cartes de crédit et autres papiers d’identité.
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Cela s’est passé à mon retour de L’Oasis, où je m’étais régalé, autant que le chien, d’un demi-poulet arrosé de pinot noir, sur le parking en plein air où j’avais laissé ma Honda Jazz, le long de laquelle un van noir s’était parqué entretemps en me laissant à peine l’espace pour y entrer. Or ouvrant la porte arrière gauche sans pouvoir y introduire le cher Snoopy, j’ai dû laisser tomber la précieuse sacoche sans m’en rendre compte, dont j’ai constaté l’absence quelques instants plus tard après m’être garé une cinquantaine de mètres plus loin. Alors de là, ayant constaté son absence dans mon véhicule et revenant à la place que je venais de quitter, j’ai beau regarder partout : point de sacoche. Après quoi je reviens à la voiture parquée avec ses feux allumés, l’inspecte en détail, mais pas trace de putain de sacoche non plus, donc je reviens à la place au milieu de laquelle, posée bien droite et que je n’aurais pu ne pas voir la fois précédente, ma sacoche m’attend avec l’air de me dire : eh cloche !
Mais non, cela ne se peut pas : en moins de cinq minutes chrono, une honnête sacoche ne peut disparaître et réapparaître comme ça. Du moins ma sacoche est-elle là et je la salue d’un alleluia.
Sur quoi, racontant l’inexplicable prodige à Sophie qui m’a téléphoné entretemps, je l’entends me suggérer de vérifier le contenu de la sacoche où je constate alors que, non contente d’avoir disparu et réapparu, la foutue sacoche s’est délestée de tout son contenu d’argent sonnant et trébuchant, soit à peu près deux cents francs en billets et pièces d’argent - et voilà le mystère élucidé, la magie évaporée...
Le voleur était-il aux aguets, dans le van mal parqué à dessein, ou juste de passage, profitant de mon éloignement momentané pour s’emparer de ma sacoche tombée de la voiture ? La rapidité du geste m’en impose, et le fait que le larron (ou la larronne, ne lésinons pas sur le genre) ait eu le scrupule de me rendre ma sacoche sans toucher à ses cartes de crédit et autres documents, dont le remplacement m’aurait coûté bien plus de peine que cette ponction de fric, m’a finalement fait remercier le petit malandrin ou la malandrine, qui aura juste « fait le job »…
Quant à mon job à moi, c’est mon privilège royal. Et plus précisément, ce samedi nuageux à couvert à l’horizon neigeux : la mise au net finale de mon triptyque poétique, avec la copie complète du Chemin sur la mer, les notes non moins complètes relatives à la lecture de La Fabrique du corps humain et de Périphéries – sujets de ma prochain chronique -, sept piles de documents et journaux divers à trier et poubelliser, la reprise des finitions du roman, entre autres téléphonages amicaux pour se revigorer.
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À fin février, voire fin mars, j’aurai quatre nouveaux livres prêts à l’édition : l’essai sur Czapski, le sixième volume de mes Lectures du monde, intitulé Mémoire vive, le triptyque de La Maison dans l’arbre, enfin mon roman panoptique faisant suite au Viol de l’ange, Les Tours d’illusions – tout cela représentant à peu près 1300 pages - et après ça ne me resteront plus à fignoler que le recueil de chroniques du Rêveur solidaire et les pensées de Prends garde à la douceur, la suite de mes Lectures du monde et tant d’autres sujets d’amusement dont mon cœur essoufflé ne voudra peut-être plus entendre parler pas plus tard que tout à l’heure…

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