
Fugitifs

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Ce lieu tranquille est un repli,
loin d’eux.
Mais l’écart est autre.
Tu es un autre
je.
Ma distance est d’amitié
libre.
Heureux ceux qui ont une cabane dans les arbres.
Non pas au-dessus,
mais à côté.
Sereine intranquillité.
Keep in touch.
J’ai été touché de vous rencontrer.
Rappelons-nous.
Tu ne pèses pas lourd,
mais ces os empilés,
ces mains qui décapitent,
ces fosses refermées,
ces murs dynamités
disent ce que tu es.
Nous qui n'avons de mots
que ceux que tu nous prêtes,
nous t'écoutons pleurer,
te plaindre, tempêter,
geindre puis menacer;
comme l'ange et la bête,
faire ce que tu hais.
Comme la femme au puits
ou le poète hagard
nous restons éveillés
mais nous ne disons mot
qui ajoute à tes cris
le vacarme du sang.
Cependant tu le sais:
tu sais notre clairière.
Ton poids n'est qu'un refus.
Le silence t'attend.
Il n'est point de barrière
pour ce qui souffle en toi.
(La Désirade, ce 2 avril 2017).
Peinture: Stéphane Zaech.
Bas les pattes ! s’exclame l’enfant:
tu ne m’englueras pas
dans ta bave et tes influences;
d’un saut je me dérobe
à ton bravo de prédateur:
la danse est ma hauteur.
Tombera le masqué
séducteur combien souriant.
Et les nuages tout là-haut
passant et repassant,
les chastes nébuleux globules
du sang bleu des seigneurs,
sont mes veilleurs armés.
Tout se transforme à vue:
la joie m’est fortin de douceur.
Peinture: Joseph Czapski.
Je t’applaudis d’une seule main,
dit le sage au manchot
qui le regarde sans envie,
la flûte bien tenue
d’une seule lèvre qui sourit.
La colombe serpente,
musique courant où elle veut,
de cascades en langueurs.
Aux murs aveugles de béton,
nulle main n’applaudit,
et la flûte est muette
aux lèvres qu’on n’écoute plus...
Edvard Munch, Mélancolie.
Ce que tu écris à présent
sera-t-il jamais lu ?
Cela ne te regarde pas.
Les mots se forment sous tes yeux,
venus tu ne sais d’où,
comme la foule ce matin
sortant d’un peu partout.
Les mots dévisagent des gens
que tu ne connais pas:
cela défile comme en rêve;
à la sortie des gares
on croit qu’untel va s’arrêter,
mais c’est peine sans trêve:
ici la rime féminine
se noie dans la mâle rumeur
des employés pressés -
on éprouve alors un effroi,
comme au bord d’un fossé...
Mais tu marches déjà là-bas,
les mots t’ont précédé
dans les rues qui vont quelque part:
ils marchent du pas décidé
du matin des humains
qui, ne pensant ici qu’au soir,
vont aux bureaux chauffés
là-haut où d’autres mots attendent
le moment du café.
(Noté ce matin sur mon I-Phone, avant le lever du jour)
Peinture: Joseph Czapski.
Sur un poème de Rainer Maria Rilke.
L'athlète s'en est allé,
mais je ne sais ce soir
si ce que je déplore
est sa disparition,
le drapeau flamboyant
de son corps exerçant
son art géométrique,
ou ses mains électriques
écrivant des poèmes.
Je ne sais pas, j'hésite ;
réellement ce soir,
la fatigue m'a pris
dans ses bras féminins
mais ce grand torse à voir
de marbre et remontant
les chemins de l'oubli
via Rilke et Rodin,
me rend ces beaux matins
de nos corps élancés,
leur grisante sueur
et sur le stade inscrite
la lettre du poème.
Ignorant de la peur,
l'athlète ainsi demeure.
(Athènes, 2011)
Le Temps est un enfant, là-bas,
devant son tas de sable ,
que la mer en son doux fracas
pas un instant n’accable.
Le Temps ne joue pas à passer
ni jamais ne se lasse
de voir le sable s’écouler
sans laisser nulle trace.
Le Temps vous attend quelque part
sans que vous sachiez l’heure,
vous souriant avec son art
d’éluder la douleur.
D’ailleurs Le Temps n’aime point trop
qu’on fasse tout un drame
du moment où, tout à vau-l’eau,
le vieil enfant rend l’âme
Le Temps est un arbre là-bas
sous lequel l’enfant joue
sans ressentir rien du tracas
qui dans l’ombre se noue.
Dans le temps, l’enfant aimait bien
le vieux grabataire
qui lui filait un peu d’argent
dont il n’avait que faire.
Le Temps est un château de cartes
dont l’enfant tout distrait
ne saura jamais, où qu’il parte,
que son sort est joué.
Et si le Temps n’existait pas ?
persifle le vieux sage
à barbiche d’enfant chinois
remuant son potage...
Ce n’est pas tous les jours dimanche,
dit-il à l’enfant bleu
qui l’écoute dans le silence
hagard, après le feu.
L’eau du puits est empoisonnée,
dit-on à la télé
d’un air profondément navré;
puis on parle du temps
qu’il va faire ce dimanche-là
sous le ciel radieux
de la publicité captieuse -
et l'enfant bleu se tait.