(Journal de quarantaine, I)
À la Maison bleue, ce mercredi 18 mars, 3 heures du matin. - Je me réveille la nuit dans le silence qui est aussi celui de ma surdité croissante, le vague effroi que je ressens relève également du dehors et du dedans, on ne sait plus où on en est à part les sentiments, on est dans l’attente d’on ne sait quoi alors que les chiffres montent et que les experts évoquent des pics avec leurs airs graves de personnages institués sûrs et certains, mais la muraille de Chine et le Mur courant de Palestine au Mexique restent invisibles sauf aux imaginatifs qui ont toujours ressenti en solitaires cette étrangeté offerte à tous dans ce nouveau jour qui semble une nuit alors que tous continuent de parler en experts du possible.
Les uns qui se sont toujours fiés aux certitudes de la politique ou du commerce se gaussent des autres qui s’en tiennent ou en reviennent aux convictions séculaires et même millénaires de la seule vraie foi en l’Unique dont le nom ne se prononce qu’au désert ou au guichet du presbytère, et d’autres décident de faire comme si de rien n’était, d’autres encore se cantonnent dans le pragmatique ou le programmatique sans tenir compte de la hantise du létal, le sempiternel petit bout de femme de Kafka trouve opportun de réclamer un fois de plus le Revenu Provisionnel de Base (RPB) et le débat silencieux fait rage. Fin du délire d’avant l’aube.
Peinture: Robert Indermaur.