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Czapski méconnu et reconnu

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Le nom de Joseph Czapski sera à l’honneur cet été en Suisse romande à l’occasion d’une double exposition, au musée de Pully et à la Maison de l’écriture de Montricher (Fondation Jan Michalski), alors que paraîtra,  à l’enseigne de Noir sur Blanc, la traduction française de la première grande biographie consacrée au peintre et écrivain polonais, sous la plume de l’artiste américain Eric Karpeles.

Le nom de Joseph Czapski (1896-1993), autant que son exceptionnelle destinée, son œuvre de peintre et ses livres restent aujourd’hui relativement méconnus en Europe et dans le monde, si l’on excepte quelques cercles de fervents amateurs en Suisse et en France, et bien sûr en Pologne où il fait pour ainsi dire figure de héros national mais sans que son œuvre de peintre n’ait vraiment été, jusque-là, évaluée à la hauteur qui est la sienne.

Est-il exagéré de parler de méconnaissance à propos de la réception de l’œuvre de Joseph Czapski par les milieux de l’art européen de la deuxième moitié du XXe siècle, et particulièrement en France, s’agissant autant des spécialistes plus ou moins avérés  du « milieu » que des relais médiatiques ?

Je ne le crois pas, et ne prendrai qu’un exemple pour l’illustrer en consultant l’ouvrage, visant les amateurs supposés avisés, autant que le grand public, intitulé Dictionnaire amoureux de l’Art moderne et contemporainet signé Pierre Nahon, qui passe pour un connaisseur avéré. Or l’index des noms cités dans ce «dictionnaire» de plus de 600 pages ne réserve aucune place à Czapski, alors qu’y sont célébrés certains des pires faiseurs dûment consacrés par le Marché et les médias aux ordres, et pire encore: par ceux-là même qui, dans les institutions les plus officielles, seraient censés défendre l’art vivant dont Joseph Czapski, même tout modestement dans sa soupente, fut un représentant combien plus significatif que le très indigent  Jeff Koons concélébré de Versailles  à Beaubourg, pour ne citer que lui.

Cela étant, il serait faux de conclure à l’injustice absolue qu’aurait subie Czapski, d’abord parce que les signes de reconnaissance réelle se sont bel et bien manifestés de son vivant, et ensuite du fait même de son humilité fondamentale et de son refus instinctif de participer à quelque  forme que ce soit d’inflation publicitaire  

Czapski-Livre---La-main-et-l-espace-BD.jpgQuelques livres, en outre, depuis une quarantaine d’années ont amorcé la défense et l’illustration de l’œuvre du Czapski peintre en ses divers aspects, à commencer par l’ouvrage de Murielle Werner-Gagnebin, publié en 1974 à L’Âge d’Homme sous le titre de La main et l’espace. Combinant un premier aperçu substantiel de la vie et des vues du peintre à travers les années, en historienne de l’art mais aussi en amie recueillant les propos de l’artiste en son atelier, l’auteure genevoise s’attacha particulièrement à la question du «cadrage» caractéristique d’une partie des tableaux de Czapski, signalant l’originalité de son regard.

Tout autre devait être l’approche, en 2003, de Wojciech Karpinski, dans un  Portrait de Czapski élargissant et approfondissant, sous ses multiples facettes, la découverte d’un univers à la fois intellectuel et artistique, notamment à la lumière du monumental Journal rédigé quotidiennement par l’exilé de Maisons-Laffitte.78267352_10221590258412652_3665714540860932096_n.jpg

Dans la même veine de l’hommage rendu par des proches s’inscrivent les témoignages des écrivains Jil Silberstein, dans ses Lumières de Joseph Czapski(Noir sur blanc, 2003), incarnant  le jeune poète à l’écoute d’un aîné de constante disponibilité, Adam Zagakeswki, dans un chapitre de son Éloge de la ferveur (Fayard, 2008), et Richard Aeschlimann, avec ses Moments partagés,paru en 2010, s’exprimant en sa double qualité d’artiste-écrivain éclairé par sa pratique personnelle autant que par d’innombrables conversations avec Czapski,  et de galeriste défenseur du peintre, au côté de son épouse Barbara, avec une fidélité sans partage.

Enfin, et tout récemment, a paru la première grande biographie, aussi fouillée que nourrie de réelle admiration, conçue par le peintre américain Eric Karpeles , tellement impressionné par la figure et l’art de Joseph Czapski qu’il a multiplié, pendant des années, les recherches sur le terrain ponctuées de rencontres, en Pologne ou en France, pour aboutir à deux ouvrages monumentaux, à savoir : Almost nothing, traduit en français en 2020 sous le titre de Presque rien, et le tout récent Apprenticeship of lookingmarquant, devant la peinture de Czapski très amplement détaillée, dans un ouvrage somptueusement illustré, la reconnaissance d’un artiste contemporain à son pair disparu.

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Peintre de la présence essentielle (qu’il s’agisse d’un pain ou d’une cantatrice en scène, d’un paysage ou d’une vieille mendiante), Czapski est à la fois un poète de l’humaine condition  considérée avec une  émotion profonde mais non sentimentale – proche à cet égard d’un Goya, d’un  Daumier ou d’un Soutine -, un coloriste intense et parfois même violent de la réalité la plus élémentaire (surtout dans les paysages saisissants de ses dernières années), un visionnaire radical opposé à toute paresse ou complaisance esthétique, mais aussi un contemplatif  rejoignant la peinture « silencieuse » d’un Morandi. 2380738487.jpg

Jamais limité au décoratif, le regard de Czapski sur le monde nous regarde,au double sens du terme. Regarder un tableau de Czapski agit comme un décapant. Après la première exposition de Czapski que je découvris à Paris, en 1973, la réalité retrouvée de la rue et de la ville me sembla ainsi comme « nettoyée » et vue « pour la première fois ». Et puis on se dit que « ça nous regarde », comme tout ce que « raconte»  cet artiste constamment présent dans une réalité qui est aussi la nôtre.

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Du 5 juin au 9 août 2020

Joseph Czapski. Portrait d’un humaniste

Le Musée d’art de Pully présente la première grande rétrospective suisse du peintre et écrivain polonais Joseph Czapski depuis trente ans (1990, Musée Jenisch Vevey). Amoureux des lettres, poète, peintre et critique d’art, Czapski incarne le type même de l’humaniste européen. Mêlées aux grandes tragédies du XXe siècle, la vie et l’œuvre de Czapski sont alternativement teintées de terreur et d’espoir.

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Défendue et portée actuellement par de nombreux collectionneurs suisses, et reconnue dans les milieux littéraires et artistiques, l’œuvre de Czapski mérite d’être plus largement connue du grand public. Ses peintures et ses carnets témoignent de l’attention de tous les instants que l’artiste polonais porte au monde alentour. Véritable échange culturel entre la Suisse et la Pologne, cette rétrospective revient sur une figure clé mais encore trop méconnue de la scène artistique européenne du XXe siècle.

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Parallèlement à l’exposition du Musée d’art de Pully, la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature à Montricher présente une autre manifestation consacrée aux écrits impressionnants de Joseph Czapski. Fruit d’un partenariat entre les deux institutions, cette synergie permet d’aborder la richesse de la création de Czapski avec un accent sur la peinture et le dessin à Pully et sur l’écriture à Montricher.

Le vernissage aura lieu le 4 juin 2020 à 18 heures. 

 

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