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  • Mort à la carte

     
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    Chroniques de La Désirade (11)
     
    À propos de l'assouplissement des conditions d'admission à la mort assistée. Comment “nos aînés” seront coachés s'ils s'ennuient au karaoké de la vie, en attendant l'évacuation programmée des improductifs...
     
    Je sais bien que c'est “plus compliqué” mais j'ai sauté en l'air avant de retomber six feet under, si j'ose dire, en apprenant que l'association suisse EXIT envisageait d'assouplir ses critères d'admission au suicide assisté.
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    Comme se le rappellent ceux qui ont vu le film EXIT de Fernand Melgar, qui documentait (en 2005) très sérieusement les tenants et les aboutissants de l'accompagnement proposé par le bon docteur Sobel et ses assistants, les conditions d'admission à l'issue finale par “potion” bien dosée restaient jusque-là très strictes, réservées aux condamnés à mort virtuels des maladies sans rémission. À l'époque cependant, avec tout le respect que m'inspirait la démarche de Melgar et des gens d'EXIT, le fait que ce fût "plus compliqué" que ne le laissait voir le film m'avait déjà gêné, rien n'étant dit du contexte familial ou social, et plus largement humain du suicide assisté, ou trop peu.
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    Plus compliqué ? Un court métrage de fiction également intitulé EXIT et réalisé par un cinéaste alémanique dont j’ai oublié le nom, en illustrait l'évidence dans une suite de séquences tragi-comiques ou l'on voyait un couple accueillir la dame d'Exit porteuse de sa bonne potion et de ses belles paroles préventives, avant le sursaut de panique et de refus du conjoint, plus jeune et bien portant que sa vieille épouse décidée à en finir, mais se résignant à rejoindre celle-ci de guerre lasse, si l'on peut dire...
    Or cette hésitation n'est-elle pas le signe (entre beaucoup d'autres) que tout est “plus compliqué” dans la question du suicide assisté, dont on voit très bien l'extension possible, dûment légalisée et juteusement commercialisée, d'une forme d'euthanasie à la carte accessible aux “seniors” déprimés ou maltraités par leurs rhumatismes, en attendant l'évacuation programmée des improductifs ? Michel Houellebecq, dans La Carte et le territoire, a très bien restitué l'effroi que petit susciter cet hygiénisme... 
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    Dire que “c'est plus compliqué” peut sembler une échappatoire alors que des spécialistes en tout genre, n’est-ce pas, travaillent en réseau pour venir en aide à “nos aînés” et autres requérants d'asile définitif.
    L'affaire est grave à voir la mine que prennent tous ces “intervenants" soucieux de nous ménager une "mort digne", et si grave tout ça qu'au seuil de mes 70 balais, mon crabe planqué sous roche après quarante séances de radiothérapie, mes rotules d'ancien jeune grimpeur de VIe degré aussi rétives à la marche que mon appareil cardio-vasculaire à la respiration, enfin avec autant de raisons de geindre que des millions de vieilles peaux, et pourtant l'envie de rire, ou plus sérieusement de sourire avec affection en me rappelant toutes les morts de mes proches ou de mes amis dont le seul cas volontaire me fait penser que tout est décidément toujours “plus compliqué” .
    Mes amis gays Rémy et Daniel se sont perfusés ensemble il y a douze ans de ça dans leur trentaine. Rémy était en état de sida déclaré et se savait condamné, mais son compagnon n'avait “rien”. Il choisit cependant lui-même d'accompagner son amant après avoir choisi la potion idoine dans sa pharmacie d'infirmier, et la lettre d'adieu des deux lascars respirait la joie à pleurer. Commentaire du vieux papa puritain de Daniel: “Devant tant d'amour on ne peut que s'incliner”. Et chacune et chacun de se rappeler autant de “cas”...
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    Questions dans la foulée :faut-il proposer la potion du bon docteur Sobel aux petits cancéreux ? Et que faire avec les malformés de naissance tels les nains dits à têtes d’oiseaux ? À partir de quel âge devient on “bancable” pour une entreprise de gestion des déchets humains survivants ? Et pourquoi, nous autres vieux gamins, nous sentons pareillement rejetés par tant de vieillards trentenaires au cœur sec ?
    “Plus compliqué tout ça ?” Oui, et surtout plus personnel.
    Demanderai-je à celle qui m'a supporté pendant plus de trente-cinq ans de m'accompagner au moment où, comme la femme d’Arthur Koestler y a consenti, et lui obéirai-je si elle me le demande? Dossier à suivre mais interdit aux spécialistes ! Affaire personnelle !
    Ma mort à la carte, volontaire ou pas - qu’en sais-je ce matin ? je la voudrais chantée à mon dernier repas par l'abbé Brel, après m’être repassé le DVD des Invasions barbares où l'on voit l'inconvenant et si sympathique prof cancéreux en fin de partie, drogué pour se soulager des putains de douleurs, entouré de sa femme et de ses maîtresses, de son fils réconcilié et des merveilleux nuages du soir, nous faire sa dernière révérence en souriant à la terre qui fut parfois si jolie.
     
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    Et pour conclure j'hésite entre le “foutez moi la paix !” de Paul Léautaud et ces mots des carnets de notre bien cher Thierry Vernet vaincu par le cancer à 66 ans: « La mort, ma mort, je veux la faire chier un max à attendre devant ma porte, à piétiner le paillasson. Mais quand il sera manifeste que le temps sera venu de la faire entrer, je lui offrirai le thé et la recevrai cordialement »...

  • Ceux qui méditent après le business

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    Celui qui prend l’avis de John Armleder pour la déco de son caisson de détente spirituelle /Celle qui estime que « la guerre c’est la beauté » / Ceux qui savent que la vraie beauté de la taupe modèle est intérieure / Celui qui sait que l’éthique sans réseau solide ne peut pas gagner / Celle qui  porte un string griffé Lucio Fontana / Ceux qui se sentent très libre de dire ce qu’ils pensent de la finance internationale sur la Hotline de l’Entreprise en tout cas sous pseudo / Celui qui se fait un plan Q à Shanghai / Celle qui se sent au bord de céder au requin bleu sosie de Brad Pittt à la chinoise / Ceux qui n’en reviennent pas de se retrouver au top sans avoir rien fait / Celui qui banque sans provision / Celle qui se la joue Boni and Cash / Ceux qui briguent le leadership du produit structuré du New Market Show de Pudong / Celui qui s’identifie à l’Entreprise au niveau des gains et profits / Celle qu’on appelle la Tueuse du Panier /  Ceux qui ont repéré ze place to be / Celui qui vit en phase avec le nasdaq et le yen renforcé  / Celle qui pense « primes » depuis sa période Pampers / Ceux qui se définissent plutôt comme facilitateurs qu’en tant que chasseurs-cueilleurs du Bund/ Celui qui vit le stress post-traumatique du trader trahi / Celle qui gère de grosses fortunes sans prendre un gramme / Ceux qui se réclament de la Bible pour justifier de leur fortune bien vue du Copilote selon Billy Graham / Celui qui a connu Soros àDavos / Celle que Paulo Coelho appelle l’Alchimiste de ses placements / Ceux dont une  menace d’enlèvement marque l’entrée en Bourse / Celui qui ouvre son coffre pour aérer son Titien / Celle qui a épouse un banquier sans visage TBM / Ceux qui citent parfois le Che pour flatter les actionnaires / Celui qui est prêt à investir dans le recyclage des organes sains mais hors de Suisse et par firme-écran à Singapour / Celle qui gagne un million de dollars à l’émission Cash or Clash pendant que sa mère boursicote sur son Atari hors d’âge et que son père grappille des peanuts à Wall Street / Ceux qui estiment que quelque part un Bonus justifie une vie  / Celui qui est devenu banquier à vie vers trois ans sur cooptation des Pontet de Sous-Garde réunis à Courchevel / Celle qui ne voit pas d’un bon œil l’imam pissant ledinar / Ceux qui répètent au téléphone qu’ils sont armateurs et non arnaqueurs/ Celui qui dépose toutes ses économies à la Banque qui lui signe un reçu hélas oublié dans le tram / Celle qui pense que c’est dans la nature humaine de vouloir gagner toujours plus alors qu’elle même n’a jamais été intéressée mais ça aussi tient à la nature humaine vous savez quand on y pense / Ceux qui décident parce qu’il paient et cesseront de payer sans le décider, etc,

    (Cette liste a été complétée en marge de la lecture (très conseillée) de Belleville Shanghai Express, de Philippe Lafitte, paru chez Grasset et disponible au prix de 18 euros)

    Peintur: Yue Minjun