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  • Mémoire vive (84)

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    À La Désirade, ce mardi 17 mars. – Au réveil (5 heures du matin) je me dis que je devrais renoncer à ce qui, dans mon roman, reste trop littéraire, trop précieux ou trop recherché. Pierre Gripari, dès mon premier livre, m’avait reproché certaine obscurité, et je crois qu’il avait raison même si, dans sa postface, Dimitri relevait que cette obscurité était le « sceau du poète ». 

    De son côté, Nancy Huston, qui avait beaucoup aimé L’Ambassade du papillon, trouvait Le viol de l’ange par trop écrit, concluant au fameux words, words, words qui m’a chiffonné sur le moment, mais elle aussi avait raison. Donc je vais relire les cinquante premières pages de La vie des gens et tâcher de chausser des lunettes à la Léautaud ou à la Marcel Aymé, bons conseillers en la matière. 

    simenon15.JPGAu demeurant, je me garderai de sabrer jusqu’à l’automutilation, vu que mon écriture aime les mots et que tout le monde ne peut être Simenon. C’est à vrai dire affaire d’équilibre. À propos de Simenon, je me rappelle que Colette ne lui passait rien quand il se montrait trop « littéraire », elle si soucieuse de mots choisis et de beau style. Du moins avait-elle compris le génie très particulier de ce romancier, exprimant le plus avec le moins d’adjectifs et de mots non usuels.

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    La série historico-politique documentaire consacrée par Oliver Stone à L’histoire jamais racontée des Etats-Unis est d’une virulence critique à vrai dire sidérante, pourtant étayée par des documents irréfutables  et structurée avec plus de sérieux , me semble-t-il  que les brûlots d’un Michael Moore. Qui aime l’Amérique ne peut qu’apprécier cette descente en flammes de l’américanisme primaire.

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    En une journée, j’aurai un peu avancé sur la révision de mon roman, vu un épisode (JFK : au bord du gouffre) de la grande série documentaire d’Oliver Stone consacrée à L’histoire jamais racontée des States, composé une liste, revu Pas de printemps pour Marnie d’Hitchcock que Truffaut taxait de « grand film malade », lu trente pages (tout à fait excellentes) du nouveau roman de Mélanie Chappuis intitulé L’empreinte amoureuse, et repris mon portrait de Lady L. que je vais beaucoup avancer ces prochains temps non sans reprendre ma série de 100 Cervins – tout cela sans cesser de trier et de classer les quelque 1000 livres qui s’empilaient pêle-mêle dans un placard de mon antre… 

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    Il s’agit à présent d’envisager le roman sous l’aspect de l’exercice. Ecrire le roman signifiera donc s’exercer à penser en situation  et à trouver la forme adéquate de chaque sentiment et de chaque idée portés par les personnages, chacun à sa façon.

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    Toujours très impressionné par la série documentaire d’Oliver Stone, dont j’ai regardé tout à l’heure la suite avec les épisodes de la guerre au Vietnam, du règne désastreux de Nixon et de la suite non moins lamentable des présidences de Reagan et de la triste paire des Bush père et fils. 

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    Unknown-1.jpegComme j’ai assez peu d’estime pour les quadras actuels (je sais bien que c’est un préjugé, mais je leur préfère réellement les trentenaires), et que les romans « sur » le cancer me rebutent a priori, c’est un peu à reculons que j’ai entrepris la lecture de L’Empreinte amoureuse de Mélanie Chappuis, qui m’a retourné, comme on dit, en moins de vingt pages. 

     

    Tout de suite, en effet, j’ai été touché par la justesse du ton et la finesse des observations portées sur sa vie par le narrateur, qui vient d’apprendre que son foie est atteint par le cancer et qu’une opération s’impose, à quoi il se refuse absolument dans un premier temps, au dam de sa compagne Marion et de ses amis, refusant de se voir « traité » et voué à une déchéance juste ralentie avant sa fin annoncée de toute façon. Plutôt que de confier son sort aux médecins, il entreprend alors de rédiger une espèce de journal rétrospectif de ses amours, dès son enfance au Nigeria (son père diplomate étant en poste à Lagos), au fil duquel défilent les figures très variées des femmes qui l’auront peu à peu révélé à lui-même et dont il se demande ce que, de son côté, il leur a laissé – quelle empreinte amoureuse leur est restée de lui.    

    Le thème de l’ « homme pris au piège », selon l’expression de Chestov parlant de La Mort d’Ivan Illitch de Tolstoï, chef-d’oeuvre du genre, repris par Kurosawa dans le génial Ikiru (Vivre), a nourri toute une littérature, et notamment « autour »  du cancer, notamment avec le fameux Mars de Fritz Zorn, puis du sida avec Hervé Guibert, mais il est moins question, dans L’Empreinte amoureuse, de la menace possiblement mortelle qui plane sur Bruno, que de ce qu’aura été sa vie jusque-là, en attendant d’envisager ce qu’elle pourrait être encore, par-delà ce qu’on pourrait dire une conversion intérieure « du côté de la vie ». 

    La grande réussite de ce livre tient à sa limpidité et à sa parfaite honnêteté, à son incarnation très saine et très ondoyante à la fois, sensible et sensuelle, de ce Bruno souvent flottant, suivant ses parents d’un pays à l’autre (d’Argentine à Berne via New York) avant de vivre très librement au fil de ses études, de Berlin à Genève ou ailleurs, aimant beaucoup  mais s’attachant difficilement jusqu’à sa rencontre de Marion.

    Il y a du « héros de notre temps » chez ce quadra sympa que la romancière n’idéalise pas plus qu’elle ne le juge, dont le regard sur sa vie gagne bel et bien en densité sous l’effet de l’urgence et au fil de retrouvailles diversement vécues. Comme chez une Alice Munro, le roman de Mélanie Chappuis interroge en somme « ce que nous sommes devenus », sans amertume ni flatterie – avec une sorte de compréhension amicale. L’écriture très nette et fluide, les dialogues naturels et justes, la qualité des sentiments reliant tous les personnages (et jusqu’au ratage d’une amitié, avec un Damien plein de ressentiment), l’approche sans pathos d’une réalité dernière que nous nous masquons trop souvent, font de ce roman, où la tendresse le dispute à un bon sourire d’humour, un livre qui rompt avec la platitude ordinaire ou les effets de style. Mais j’aurai encore pas mal à en dire…           

    Proust2.jpgÀ La Désirade, ce vendredi 20 mars. - Circulant en voiture, je me passe et me repasse la lecture du Temps retrouvé par Michael Lonsdale. Régal que l'interminable et irrésistible pastiche de Goncourt évoquant les Verdurin, après l'évocation des ridicules du milieu mondain commentant la guerre et ses opérations du point de vue du GQG. On ne relève pas assez le comique de Proust, notamment dans sa façon de singer les rombières et les imbéciles. Quelle énergie prodigieuse chez cet éternel maladif, et quelles pointes, mais aussi quelles incomparables aquarelles paysagères ou affectives, et quelle mélancolie, quelle poésie ouvrant leurs clairières dans l’immense murmure pénombreux... 

    ***

    J'ai passé beaucoup de temps, ce derniers jours, profitant du séjour de Lady L. à Amsterdam, pour faire de l'ordre dans le capharnaüm de mon antre, notamment en sortant, d'un placard, quelque mille livres empilés et donc non identifiables, que je vais reclasser dans un nouveau système de bibliothèques. J'ai vociféré, hier soir, contre la firme Interio où j'ai acheté un élément de bibliothèque blanche, aux montants et rayons très pesants, que je croyais  donc solides, mais qui ont cassé au fur et à mesure du montage, me sont tombés dessus, ont refusé d'être cloués et m'ont tellement enragé que j'ai tout jeté par la fenêtre dans la neige d'en bas, après minuit. 120 francs de foutus. Après quoi je me suis rabattu, ce matin, sur le bas de gamme franchouille de la firme Conforama, où j'ai trouvé exactement ce qu'il me fallait: 5 bookcases fabriqués en Malaisie, que j'ai montés ricrac et qui me permettront de bien ranger, comme sur un fil,  mes foutus rossignols

    BookJLK17.JPGÀ La Désirade, ce samedi 21 mars. - Je poursuis ce matin le premier jet de ces carnets dans la maquette à pages blanches des Passions partagées, où j'avais rédigé, au Ball Pentel Fine Point, quelque 150 pages, laissant vides les 250 autres. Cela me fait tout drôle de retomber sur des notes de 2004, à commencer par celle-ci, datant du 12 mars: "Revenir sur les attentats de Madrid. Aujourd'hui l'on parle des islamistes plus que de l'ETA. Mais si c'était la même chose ? Même mouvements de la haine, j'entends: fondés sur des mécanismes huilé par la haine. Or je ne me sens pas habilité à en juger, sans défendre en rien le terrorisme, même s'il découle d'une sorte de logique. De fait il est logique que les damnés de la terre se soulèvent, mais il me semble que les terroristes trahissent ceux-ci en choisissant les armes des oppresseurs, sans parler de la psychologie du terroriste nous ramenant aux Démons de Dostoïevski. Logique du serpent qui se mord la queue."

    Or ce que j'écrivais en 2004 reste plus que jamais actuel après les attentats de janvier et le massacre du Bardo de cette semaine. Enfin je note que, sur les 70 pages précédentes, j'avais transcrit mes entretiens avec Amos Oz (le 25 février à Paris,à propos d'Une histoire d'amour et de ténèbres), de Jean-Claude Carrière et d'Henri Godard (à propos d'Une grande génération et de son édition de Céline à La Pléiade), à coté des notes relatives à une quinzaine d'autres livres. 

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    L'idée m'est venue, ces derniers jours, de compléter mes carnets de Mémoire vive, courant sans discontinuer de 1973 à 2015, par une série de notes de mémoire que je pourrais intituler Retour amont, titre d'un recueil de René Char que je vénérais autour de mes dix-huit ans, et qui remonterait jusqu'en 1966, date de mes premiers poèmes également  « très Char » - comme l'avait relevé Georges Anex auquel je les avais soumis - et des notes consignées sur deux cahiers acquis à Cracovie et marqués POLSKI.          

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    Je lis ce matin, dans Marianne, que Manuel Valls reproche à Michel Onfray de se référer à Alain de Benoist, essayiste de droite qu'il dit préférer, quand il a raison, à un BHL estimé dans son tort. Cela nous ramène à l'énormité caractéristique des aveuglements idéologiques volontaires de notre génération, quand on affirmait qu'il valait mieux avoir tort avec Jean-Paul Sartre que raison avec Raymond Aron...

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    Dans L'Obs de la même semaine, à propos du même sujet, une dame Pia Quelque Chose, qui interroge à son tour le même Michel Onfray, évoque la"droite trouble" à laquelle participerait Benoist. Fichtre ! J'aimerais bien savoir comment on distingue une droite "trouble" d'une droite claire  ! Et qu'en est-il de la gauche de L'Obs ? Est-elle donc si limpide ?  Pour sa part, Onfray remet les pendules à l'heure avec aplomb et justesse, relevant le fait qu'il en a vu d'autres et me donnant très envie de lire son pavé de Cosmos...                 

    Ce qu'attendant je vais revenir à son journal, qui m'a un peu raccommodé avec cet essayiste pléthorique à l'écriture par trop plate à mon goût, quoique beaucoup moins "trouble" que celle d'un Bernard-Henri Lévy...

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    images-4.jpegLouis Calaferte dans ses carnets de Situation, en 1991, alors âgé de 63 ans, trois avant le grand départ qu’il pressent plus ou moins dans sa carcasse  mal en point : « Plus question pour moi de jardiner, à demi impotent que je suis sur mes deux cannes – toute cette beauté printanière m’est tristesse».

    Ce qui ne l’empêche pas de noter joliment le lendemain : « La petite pluie serrée grignotait le gravier » .

    Mais quelques jours plus tard : «À voir une fois encore toutes ces beauté du printemps, le regret de devoir disparaître à un épais goût d’amertume ».

    Or j’aimerais ne jamais céder à cette aigre tristesse, même s’il n’est pas de jour où ma carcasse à moi ne grince un peu plus aux jointures, douleurs jambaires et fatigues croissantes, crampes nocturnes et palpitations dès que trop d’alcool dans le sang, souffle en baisse et pertes d’équilibre sur les pavés urbains, déclinant sourdingue et plus capable de rien lire sans lunettes - mais je me rappelle la joie de mon père au jardin alors qu’il en était à  sa énième opération, s’excusant presque de tomber mais restant debout d’humeur et de regard, sans se plaindre jamais. Mon père est mort à 68 ans. Je l'aime toujours, mais j'aimerais bien, aussi,  lui survivre un peu... 

     

    Louis Calaferte : « Toute cette jeunesse en allée… »

    Et moi : « Mais non, vieux con : toute cette enfance qui revient »…  

     

  • Mémoire vive (83)

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    La pensée comme un exercice matinal,et ensuite ne pas lâcher le fil rouge. L’écriture est l’exercice par excellence, mais tout y contribue : la lecture, les rencontres, les virées, la vie.Tout fait miel. HM : « Le matin, quand on est abeille, pas d’histoire, faut aller butiner ».

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    Que penser de ce qu’on appelle le « retour du religieux » ? Et d’abord, est-ce un fait avéré ? Qu’observe-t-on en réalité ? Qu’est-ce que ce « religieux » alors que les églises et les couvents se vident ? Les manifestations de masse et les poussées de fanatisme relèvent-ils du « religieux » ? Que penser de tout ça ?

    À la fin  des années 50, nous nous trouvions, chemises bleues et jambes nues, à chanter crânement autour du feu de camp : «La lutte suprême / Nous appelle tous / Et Jésus lui-même /Marche devant nous/ Que sa vue enflamme /Tous ses combattants / Et soutienne l’âme / Des plus hésitants / Du Christ la bannière / Se déploie au vent / Pour la sainte geurre / Soldats en avant ! ».

    Or lequel d’entre nous, aujourd’hui, verserait une goutte de son sang pour la « sainte guerre » ? 

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    De qui ou de quoi parlez-vous lorsque vous prononcez le nom de Dieu ? Réfléchissez bien à cela sans penser à rien.

             

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    10614131_643543409093263_2962820132941386854_n.jpgRépondant à ma question  de savoir ce qu’il pensait du road-reportagede Daniel Cohn Bendit, notre ami Eric Mathyer, installé à Curitiba depuis quelques années, me répond ceci qui en dit cent fois plus long que maintes analyses de prétendus spécialistes: « Aïe ! À ta question simple, on ne peut répondre de façon succincte car le problème est complexe. Le foot est bien sûr le « sport national » au Brésil mais il représente beaucoup plus que cela. C’est une façon de vivre, une phénomène de société, donc lié à la vie. On joue au foot à n’importe quel âge depuis qu’on se tient sur ses jambes jusqu’au moment où les jambes ne portent plus. On joue partout sans exception, dedans, dehors, au chaud au froid, en prison à l’école et à la pause au bureau. Le football influence les horaires scolaires, ceux des entreprises,c eux des familles et même ceux des églises ! Il y a des terrains de foot partoutet de toutes les tailles. 

     

    Au dernier Mundial les Brésiliens croyaient, plus par loyauté  et par habitude, qu’ils pouvaient redevenir champions du Monde, mais sans une totale conviction. La désillusion a tout de même été grande et la douche glacée. Mais le Brésilien est optimiste et a toujours pensé que ce serait mieux demain. 

    La politique ! Aïe ! Après la dictature (qui ne s’est terminée vraiment qu’il y a 30 ans, c’est peu) il y a eu ce même espoir du lendemain. Mais la démocratie brésilienne est un bel habit sur une histoire qui a toujours été de rapports de force, de violence et d’inégalité sociale, de l’arrivée des portugais en 1500, jusqu’à aujourd’hui. Les deux législatures du président Lula ont déclenché une sorte d’euphorie en enseignant au peuple le plaisir de la surconsommation payée par le surendettement encouragé parl’Etat. Les politiques démagogues, et la Présidente Dilma ne se sont pas le moins du monde projetés dans l’avenir pour ne voir que le moment présent, comme tout bon Brésilien qui a été enchanté de savoir qu’il entrait dans le groupedes grands du monde et que ce n’était qu’un début. 

    L’inébranlable optimisme brésilien est bien agréable, léger et vivifiant, mais tout nouveau pour le Suisse habitué à penser que le futur va être bien difficile et bien pire et que tout progrès, « on va bien devoir le payer un jour »…

    Après la Coupe du Monde il y a eu les élections où lescitoyens, pas éduqués ni encouragés à revendiquer ou protester mais bien à suivre et obéir, se sont dit pourquoi ne pas garder la même, sachant pertinemment que la corruption avait atteint des sommets. Mais l’habitude de se débrouiller (la « jeitinho », la combine), des plus pauvres aux plus riches,est bien ancrée. On a réélu (le vote est obligatoire) la même en se disant quel’autre candidat serait peut-être pire et qu’on ne savait pas vraiment. Tousles candidats avaient d’ailleurs le même programme : moins de pauvreté, plusd’éducation, moins de violence et surtout moins de corruption. De nombreuxpoliticiens impliqués dans des procès de corruption ont été élus. Un candidatnon corrompu n’a quasiment pas la possibilité de se présenter.

    Le Brésil a voté, me semble-il, un peu comme quand, face à un terrain clairement boueux on décide de s’y aventurer quand même disant « ça va surement tenir ». Non ça n’a pas tenu. Trois mois après les élections,le Brésil s’embourbe et prend conscience de la situation. Il s’intéresse enfin un peu plus à ce qui se passe, il voit les ravages de la corruptions, les milliards partis dans des poches particulières (la Coupe du Monde a été une manne céleste pour bien des corrompus), il ne doute plus guère de l’implication de la plupart de ses dirigeants qui se sont enrichis  d’une façon éhontée.

    Je suis frappé de voir à quelle rapidité beaucoup, encore optimistes il y a quelques mois, ont changé de discours. 

    Aujourd’hui la rue pense et dit que le pays commence seulement à s’enfoncer et qu’il faudra beaucoup de temps pour un éventuel recommencement.Les immigrés de 2ème ou 3ème génération tentent d’obtenir un passeport européen, d’autres se renseignent sur les possibilités d’immigration au Canada ou ailleurs. On ne compte plus les dirigeants impliqués dans des scandales, on compte ceux qui ne le sont pas. La monnaie baisse sans cesse, les prix se sont envolés depuis le début de l’année (l’essence qui baisse partout est montée de15% en un mois), des subsides promis ne sont pas versés, on entend des craintes de retour des militaires, de dictature, de coup de force. Dimanche prochain une manifestation nationale inquiète, celle pour l’ « impeachment » de la présidente Dilma. 

    Les Brésiliens sont des gens merveilleux, on trouve dans un même pays des indigènes n’ayant jamais eu de contact avec la civilisation, des régions d’avant-garde technologique, la misère la plus sombre et des riches aux fortunes sans limite. Ce  pays est un continent aux nombreux climats,les paysages sont d’une beauté et d’une diversité sans pareil, la musique est partout… mais en début 2015 les optimistes sont bien discrets ».

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    Unknown-11.jpegJe reviens ce matin à Mon premier livre, acheté l’autre jour à La Pensées sauvage pour la somme exorbitante de 60 francs suisses, prix des reliques vintage à plus-value sentimentale indéniable. La couverture représente trois enfants réunis autour d’une table : un garçon de sept ou huit ans qui déchiffre, le doigt pointé, les lettres d’un livre ouvert ;son aînée, de neuf ou dix ans à sage ruban blanc dans les cheveux, qui a l’air de le chaperonner ; et la petite au museau juste affleurant la surface de la table. Les jeux (un ours en peluche et un train de bois) ont été abandonnés, et l’Attention se concentre sur l’exercice de lire. L’édition (« Nouvelle édition entièrement refondue » par diverses dames, dont la poétesse Vio Martin) date de 1958. J’avais onze ans et je venais de lire Michel Strogoff de Jules Verne, je collectionnais les bandes dessinées « pulps » de la série Artima et j’étais déjà accro à Bob Morane, en attendant les premiers San Antonio et la collection de Cinémonde, puis des Signe de piste… 

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    La première page deMon premier livre illustre quatre voyelles (A comme Avion, I comme Iris, O comme Orange et U comme usine), le E étant absent on ne sait trop pourquoi - improbable préfiguration de La Disparition de Perec… Quant à la thématique immédiate, suisse au possible, c’est Nature et Travail, avec l’avion pour aller de l’avant. Ensuite viendront Maman (ma / mi / mo /Mu ) et Papa (pa/ pi / po / pu), puis les verbes en page quatre: Papa téléphone et maman tricote. La voyelle E n’arrive qu’en page trois, avec le chien et le soleil… 

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    Unknown-12.jpegEn alternance avec Mon premier livre, je lis Le Piège Daech – L’Etat islamique ou le retour de l’Histoire, très édifiante remontée aux sources du cancer islamiste en train de proliférer au Moyen-Orient, et bien au-delà, dont l’auteur rappelle les tenants colonialistes (la trahison et le cynisme de la Grande-Bretagne, notamment, au début du XXe siècle), avant de détailler les conséquences désastreuses de la politique américaine (notamment en Irak), d’expliquer sur quelles bases, pourries par la corruption et le mépris des populations, l’Etat islamique a progressé de quelle fulgurante et machiavélique façon, jouant à la fois sur le ressentiment occidental des musulmans et la décomposition d’Etats « dont la viabilité était largement viciée dès l’origine ».

     

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    Le roman est à mes yeux le genre accompli de la narration en ronde-bosse, dont l’espace sphérique et l’autonomie des personnages définissent la spécificité même si sesavatars formels sont multiples. La Commedia de Dante n’est pas un roman mais un poème composé d’une suite de chants. Le Quichotte en revanche est le parangon du genre romanesque européen à ses débuts, comme l’a défini René Girard, après quoi la sphère du roman sera, cela va sans dire, à géométrie infiniment variable selon les époques et les cultures, mais le repérage du genre, dont le Nouveau Roman n’est qu’un avatar critique et formel parmi d’autres, n’en est pas moins intéressant à l’heure actuelle ou tout et n’importe quoi se dit roman alors que prolifèrent le récit de vie déguisé et le feuilleton planplan…