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  • Que faire ?

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    Un film russe puissant, voire mastoc, dans la pure tradition éthico-réaliste de Tchékhov et Gorki : Durak de Yuri Bykov ; et Un estate violenta de Valerio Zurlini, en queue de comète douce-amère du néo-réalisme italien, avec un jeune Trintignant de roman-photo…

    « Que faire ? » se demandait un idéaliste russe du tout début du XXe siècle, et c’est à cette question qu’auront tenté de répondre réformistes et révolutionnaires au long des décennies suivantes, de lendemains qui déchantent en illusions perdues,jusqu’à notre temps où, d’Ukraine à Gaza, ou d’Afghanistan en Syrie, la question n’en finit pas d’être relancée : que faire nom de Dieu ?

    Or cette même question, après le film de l’Israélien Eran Riklis, Dancing Arabs, fonde bonnment le film du Russe Yuri Bykov, Durak (L’idiot), dont le jeune protagoniste Dima, plombier finissant ses études d’ingénieur, tente de prévenir ses frères humains de l’imminent effondrement d’un immeuble pourri de neuf étages abritant quelque 820 personnes.

    Une grande fable en appelant une autre, on se rappelle L'effondrement dela Baliverna de Dino Buzzati  en suivant les tribulations héroïques de Dima, traité d’idiot par sa mère et sa femme et n’en affrontant pas moins les autorités locales en train de festoyer, les habitants de l’immeuble dont beaucoup sont saouls ou drogués, n’écoutant jusqu’au bout que sa seule conscience.

    En cours de soirée, précédant la projection du mythique Guépard de Luchino Visconti sur la Piazza Grande, celle d’Un Estate violenta de Valerio Zurlini éclairait un autre aspect des lâchetés et autres compromissions humaines, dans un film aux protagonistes dénués de tout idéalisme, sauf  in extremis

     

    Zapping 2014

     

    Yuri Bykov. Durak (L’idiot). Russie, 2014. Compétition internationale.

    Mesdames et Messieurs les jurés du concours international, et Mesdames et Messieurs les éminents spécialistes de la critique, seront-ils touchés par ce film tout classique d’élaboration, sans fioritures ni chiqué, dont la forme-et-le-fond, denses et massifs comme le matériau brut des Pauvres gens

    (Dostoïevski), de La Salle 6 (Tchékhov) ou des Bas-fonds (Gorki) obéissent à la même grande colère protestatire contre injustice et misère.

     À l’opposé diamétral des blockbusters vides ou des divertissements « qui en jettent » genre Lucy, mais aussi de nombreuses réalisations à prétentions esthétiques ou intellectuelles sonnant souvent creux, ce film vaut autant par sa puissance dramatique, déployée en une seule nuit, sa façon d’occuper l’espace en force (par saturation de plans rapprochés, notamment), la vigueur de ses mouvements (le long travelling de la course du porteur de message à l’antique), la qualité pleine-pâte de son interprétation et le souffle, la tension, l’émotion qui s’en dégagent.

     Sans être un grand film d’auteur à la Tarkovski ou à la Sokourov, Durak développe cependant une réflexion majeure et, formellement, échappe à la tentation « américaine » qui plombe une partie du cinéma mais aussi de la nouvelle littérature post-soviétique, pour retrouver ce qu’on pourrait

    dire la source de l’âme russe.

    Ma cote : **** 

    Valerio Zurlini. Un estate violenta. Italie/France, 1959. Rétrospective Titanus.

    1943 : la fin de la guerre approchant, quelques « vitelloni » profitent du soleil de Riccione en joyeuse bande. Il y a là le beau et fade Carlo (Jean-Louis Trintignant), fils de bourgeois fasciste plutôt insouciant sinon veule, et la belle Roberta (Eleonora Rossi Drago) dont le mari est mort sur son navire de guerre. La romance qui découle de cette rencontre finit par la prise de conscience du jeune homme choqué par la violence d’une attaque aérienne frappant un train de civils, mais la dernière image d’un Carlo refusant la fuite n’a rien d’un manifeste héroïque , plutôt accordée à la tonalité douce-amère d’un film bien éloigné des idéaux tranchés du néo-réalisme italien.

    Ma cote : ***

     

     

  • Mondo dolce, mondo cane

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    Trois purs « films de festivals » avec le brésilien Ventos de agosto, l’aperçu de la Corée du nord dans Songs from the North, et le terrifiant Sicario...

    Il est certains films- nombreux à Locarno – qui n’accéderont peut-être jamais aux salles de grande audience, mais qui n’obtiendront pas moins de reconnaissance, dans les multiples festivals, pour leurs qualités artistiques, leur éthique élevée ou leur intérêt documentaire. C’est le cas de trois films d’inégale valeur cinématographique, découverts hier, à commencer par Ventos de agosto, première réalisation du Brésilien Gabriel Mascaro, évoquant la condition des paysans-pêcheurs pauvres du Nordeste confrontés aux forces élémentaires de la mer et du vent. 

    De cette nature tropicale à la fois sensuelle et violente, magnifiquement évoquée, le reportage-montage de la jeune Coréenne Soon-mi Yoo,  Songs from the North, nous transporte dans l’univers surréaliste de la Corée du Nord en greffant, à ses propres images captées sur place, de multiples documents d’archives historiques et autres extraits, suavement colorés, de méga-concerts choraux et autres chorégraphies célébrant également, flots de larmes et gloussements à l’appui, l’immortelle bonté du Père de la nation. Où l’on voit que, dans le sillage de la rhétorique nazie ou stalinienne, le mélange de sentimentalité kitsch et d’emphase fanatique caractérise plus que jamais la propagande tolitaire.

     Quant au Sicario de Gianfranco Rosi (président du jury de la compétitioninternationale), déjà présenté au festival Visions du réel il y a quelques années, c’est au cœur des ténèbres criminelles des narco-trafiquants latinos qu’il nous plonge par le truchement du témoignage d’un tueur cagoulé, au fil d’un monologue insoutenable…

     

    Zapping 2014

     

    Gabriel Mascaro. Ventos de agosto. Brésil, 2014. Compétition internationale.

    Une profonde étrangeté se dégage de ce film au scénario des plus élémentaires et au dialogue plus elliptique encore, qui dit en revanche beaucoup par le truchement des sens, à commencer par les bruits alternés du monde : chuintement de la pirogue sur l’eau de la mangrove et hard-rock de la radio de la jeune femme se rafraîchissant le corps au coca-cola… Ladite beauté, qui s’envoie volontiers son ami pêcheur dans son char rempli de noix de coco, s’ennuie en ce bled perdu où elle assiste sa très vieille aïeule, tandis que son amant pêche en apnée, recueille un crâne à dent d’or dans le corail puis n’en finit pas de veiller la dépouille, affreusement gonflée par la mer, d’un voleur probablement tué par un garde-côte. Si l’ »action » de ce film se réduit à presque rien, Gabriel Mascaro, dans ce premier long métrage, n’en rend pas moins puissamment la condition de cette humanité du bout du monde menacée par la montée des eaux et martelée par les vents fous, où la hantise de la mort, exorcisée par des rituels syncrétistes, imprègne la fruste vie quotidienne.

     

    Ma cote : *** 

    Soon-mi Yoo. Songs from the North. USA/ Corée du Sude / Portugal, 2014. Compétition Cinéastes du présent.

    Après une enfance passée en Corée du Sud, la jeune réalisatrice, désormais établie aux Etats-Unis, a éprouvé le besoin de voir cette Corée du nord successivement colonisée, voire martyrisée  par les Japonais et les Américains, avant de se trouver soumise à un régime paranoïaque que son père, pourtant favorable à l’espérance égalitaire, n’a jamais rallié. De ses voyages dûment accompagnés par un guide, elle a ramené des images parfois étonnantes (une séquence plombée par un brouillard hivernal quasiment symbolique) ou émouvantes (les enfants qu’elle aborde) mais d’une qualité souvent défaillante. En revanche, son film revêt un grand intérêt documentaire par la reconstruction historique et cultuelle de son montage, ponctué de questions sur l’avenir de ce pays dont son père déplore qu’il soit si peu… communiste. Surtout, la réalisatrice touche à une dimension quasi mystique de la politique coréenne, où la musique et les chants, comme les films ressortissant au plus pur réalisme socialiste de la grande époque russe, se déploient en hymnes d’un kitsch grandiose. Loin d’en ricaner, Soon-mi Yoo en restitue l’indéniable beauté, comme elle témoigne de son attachement aux gens de ce pays souvent stigmatisés, avec quel mépris, par ceux-là même qui ont contribué à son malheur. 

    Ma cote : **

    Locarno16.jpgGianfranco Rosi. El Sicario. Room 164.France /USA, 2010. Les films des jurés.

    Le sicaire  a été, durant une vingtaine d’années, l’exécuteur des basses œuvres de celui qu’il appelle El Padron,  qui fut à la fois son père et son maître, son Dieu et son Diable régnant sur une fraction du cartel de la drogue. La dramaturgie du Sicario de Gianfranco Rosi  est minimaliste,

    qui s’en tient au récit du sicaire, assis avec son bloc de dessins ou se levant parfois pout mimer une scène d’exécution. Des plans extérieurs alternent avec le récit, comme en contrepoint figurant les lieux évoqués. Tout cela pourrait être monotone ou même assommant. Or nous suivons le récit minutieux du sicaire, à tout instant illustré par les dessins compulsifs du personnage, comme une espèce de roman sadien sur l’Obéissance absolue au Crime absolu symbolisé par El Padron. Le récit du sicaire par son ton, la manière, le contraste vertigineux entre la précision toute calme, parfois presque didactique de son témoignage, et les abominations qu’il rapporte, donne un relief particulier à celui-là.

     

    Ma cote : ***

  • Une déchirante fable humaine

    Locarno06.jpgL’émotion au rendez-vous de la deuxième soirée sur la Piazza Grande. Avec le retour de l’Israélien Eran Riklis et son admirable Dancing Arabs.

    « Nous aspirons tous à la paix, déclarait hier le réalisateur israélien Eran Riklis, présent à Locarno (après la mémorable projection du Responsable des ressources humaines) avec son nouveau long métrage, pour ce qu’il considère comme sa première projection internationale après une sortie plutôt discrète en Israël évidemment plombée par la terrible situation actuelle.

    Or cette déclaration pourrait fleurer l’angélisme creux si elle ne traduisait, bel et bien, le vœu d’innombrables citoyens de bonne volonté des diverses communautés et, aussi la position personnelle non partisane du réalisateur de La Fiancée syrienne, des Citronniers et, aujourd’hui, de Dancing Arabs au titre à vrai dire peu explicite.

    Aux côtés d’Eran Riklis se trouvaient, sur la scène de la Piazza, quelques acteurs et collaborateurs du film, à commencer par le jeune Tawfek Barhoun, remarquabel interprète d’Eyad, le protagoniste palestinien de cette variation arabo-israélienne de Roméo et Juliette.

     

     Locarno03.jpgZapping 2014

     

    Lucy, de Luc Besson. France, 2014. Piazza Grande.

     

    Ceux qui aiment les héroïnes déjantées – de Calamity Jane à Barbarella ou de la Bonnie de Clyde à la  la Lula de Lynch-, les films de genre empruntant à la BD et au thriller, à la science fiction ou à la conjecture parascientifique, seront probablement bluffés par Lucy, qui en « jette un max », pour parler comme Jean D’Ormesson, grâce aussi à la présence craquante de Scarlett Johanssen (la très très gentille beauté blonde qui se laisse pas marcher sur le neurone), Morgan Freeman (le prof à la fois très très savant et très très sage) et Choi Min Sik (le très très méchant trafiquant bas de plafond et fier-à-bras) et, las but otleast, à l’enjeu thématique de tout ça : notre capacité cervicole et l’immortalité en bonus éventuel.

     

    En deux mots :que se passerait-il si, au lieu de n’utiliser que 10% de notre capacité neuronale, nous en utiliserions plus que le dauphin (20 % en apnée) ou que Dieu quand Il créa le monde (disons 50 % pour pas Le fâcher),et que ferions-nous d’un tel potentiel ? C’est la question que Scarlett la néo-futée pose au vieux prof qui lui répond : choute, le sens de la vie humaine est de mieux connaître la mal connu, et de transmettre ce que tu as appris. Dont acte, sur clef USB. 

     

    Tout cela sur fond d’images panoptiques magnifiquement trafiquées frisant parfois une sorte de poésie, très au-dessus (à mon goût) du prétentieux Gravity, épique et drôle (la folle fugue sous les arcades de la rue de Rivoli et quelques reparties carabinées), en cocktail cosmi-comique ici et là vertigineux, genre les spermatos interstellaires attaquent dans la soupe originelle. Et le Temps là-dedans ? Bonne question, les kids…

     

    Ma cote : **

     

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     Eran Riklis. Dancing Arabs. Israël / France / Allemagne, 2014.

    La paix se fera-t-elle au prix du renoncement à son identité ?

    Telle est la question, évidement provocatrice, qui se pose, à la fin de Dancing Arabs, au jeune Eyad qui vient d’enterrer, selon le rite musulman, son meilleur ami juif Jonathan, mort de dystrophie après un long calvaire. Au préalable, Eyad avait déjà perdu sa petite amie Naomi, premier grand amour sacrifié à la norme sociale au moment où elle s’engagea dans le Renseignement israélien.

    La fin mélancolique, pour ne pas dire déchirante, de Dancing Arabs, retentit aujourd’hui avec une amertume particulière, alors même que le film est traversé par une sorte d’onde pacificatrice incarnée par le jeune Eyad et ses amis de l’autre communauté.

    L’apparente sérénité du filmage, sur fond de paysages bibliques et de vie ordinaire paisible juste ponctuée d’incidents indicatifs de haine larvée – sans parler des actualités télévisées rappelant les guerre au Liban et en Irak, entre autres intifadas – n’édulcore en rien la déchirure profonde vécue par les protagonistes de ce film à haute teneur artistique et humaine, à voir absolument, à revoir et à discuter.    

    Ma cote : ****

    Locarno12.pngLina Wertmüller. Non stuzzicate la zanzara. Italie, 1967. Rétrospective Titanus.

    Le moins qu’on puisse dire est que cette comédie musicale à l’italienne, ultra-kitsch et non moins pétulante, n’est pas un chef-d’œuvre, mais quel bien ça fait de se laisser entraÎner dans la foulée capricante de l’irrésistible Rita Pavone, d’ailleurs présente en début de projection et vrillant un clin d’œil à la chère Giulietta Masina, sa mère mutine dans le film.

    Parodie des musicals américains, avec délirantes scènes chorégraphiées ? Pas seulement, car le génie italien irradie bonnement ce fumetto cinématographique, helvétisé de surcroît (signature de la réalisatrice) par un impayable chœur des gardes suisses, et brocardant ensuite les fantasmes militaro-patriarcaux des machos de la Botte autant que les premières idoles de l’époque yéyé, de Celentano au Beatles. Un régal vintage, pazzo mio

    Ma cote : ***

     

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    Ce qu'en dit Pandora la tortue
    - Ce que j'en dis, pour commencer, ou plutôt pour reprendre où on en était resté, c'est que Locarno reste un jardin de mémoire aux verdures éternelles. Hier par exemple, avec Les 400 coups du père François, avec l'adorable chenapan à te rendre le cafard magique de tes quinze berges, ou Les Temps modernes 100 ans après...

    - Et là, c'est reparti avec du rebrousse-toiles de la meilleure tonne, cet après-midi avec Rosemary's Baby et, à l'Ex-Rex où ça sera l'afflux, Non stuzzicate la zanzara de Lina Wertmüller, avec la Pavone. Rita Pavone se stessa qui sera là pour présenter la toile. On en salive d'avance en espérant retrouver le père Freddy Buache au premier rang.

    - Si vous n’avez rien compris au merveilleux poème balancé, de la scène de la Piazza, par le grand acteur allemand Armin Mueller-Stahl, venu y recevoir un léopard doré de Life Achievement (sic), pas de souci tant c’était bien dit et moulé al dente. À lui qui a été, la même année, un digne père de famille kasher, dans Avalon, et un criminel de guerre nazi, dans Music Box, rien de ce qui est humain ne saurait être étranger. Preuve supplémentaire au vu de la Lola de Fassbinder, reprise à Locarno pour l’occasion…

     

     

     

     

     

  • On se félicite parmi

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    Premier soir sur la Piazza Grande archi-bondée. Des salamalecs à n’en plus finir du Président et du Directeur artistique. Luc Besson se pointe à l’improviste, Jean-Pierre Léaud se congratule lui-même et Lucy, genre BD de science fiction métapsychique au petit pied, crève l’écran grâce à Scarlett Johansson et Morgan Freeman.

    La Piazza Grande sous les étoiles, après un début d’été 2014 assez pourri, n’a pas manqué d’attirer la grande foule mercredi soir pour le film d’ouverture signé Luc Besson, Lucy, avec en prime première la présence non prévue du réalisateur « culte ».

    De quoi se féliciter d’être là, pour entendre d’abord il Signor Presidente, Marco Solari, féliciter les Autorités locales et fédérales de leur soutien, avant de se féliciter, conformément à la pratique d'une des pus vieilles démocraties du monde, de laisser toute liberté à son Signor Direttore Artistico, Marco Chatrian, lequel a félicité ensuite ses invités (se levant chacune et chacun  à l’appel de son nom plus ou moins notable) à défaut de pouvoir féliciter les 7777 pelés et tondus plus ou moins assis sur la Piazza. Sur quoi  survint Jean-Pierre Léaud pour l’apothéose des félicitations à soi-même, présenté par l’optimiste Carlo Chatrian comme l’incarnation du cinéma de demain (qui ose dire que le cinéma n’est pas l’usine à rêves ?) avant d’expliquer que son « œuvre » n’est que l’expression naturelle de son génie personnel consistant à choisir les films des réalisateurs (de Truffaut à Garrel, via Kaurismäki) se félicitant de l’avoir choisi. Non sans retrouver finalement la malice du jeune révolté des 400 Coups : « C’est à vous, public de la Piazza Grande, que je dédie ce léopard d’or à ma carrière… que je me garde pour en orner ma table de nuit ! »  

     

    Locarno03.jpg Zapping 2014

     

    Lucy, de Luc Besson. France, 2014. Piazza Grande.

    Ceux qui aiment les héroïnes déjantées – de Calamity Jane à Barbarella ou de la Bonnie de Clyde à la  la Lula de Lynch-, les films de genre empruntant à la BD et au thriller, à la science fiction ou à la conjecture parascientifique, seront probablement bluffés par Lucy, qui en « jette un max », pour parler comme Jean D’Ormesson, grâce aussi à la présence craquante de Scarlett Johansson (la très très gentille beauté blonde qui se laisse pas marcher sur le neurone), Morgan Freeman (le prof à la fois très très savant et très très sage) et Choi Min Sik (le très très méchant trafiquant bas de plafond et fier-à-bras) et, las but otleast, à l’enjeu thématique de tout ça : notre capacité cervicole et l’immortalité en bonus éventuel.

    En deux mots :que se passerait-il si, au lieu de n’utiliser que 10% de notre capacité neuronale, nous en utiliserions plus que le dauphin (20 % en apnée) ou que Dieu quand Il créa le monde (disons 50 % pour pas Le fâcher),et que ferions-nous d’un tel potentiel ? C’est la question que Scarlett la néo-futée pose au vieux prof qui lui répond : choute, le sens de la vie humaine est de mieux connaître la mal connu, et de transmettre ce que tu as appris. Dont acte, sur clef USB. 

    Tout cela sur fond d’images panoptiques magnifiquement trafiquées frisant parfois une sorte de poésie, très au-dessus (à notre goût) du prétentieux Gravity, épique et drôle (la folle fugue sous les arcades de la rue de Rivoli et quelques reparties carabinées), en cocktail cosmi-comique ici et là vertigineux, genre les spermatos interstellaires attaquent dans la soupe originelle. Et le Temps là-dedans ? Bonne question, les kids…

    Ma cote : **

     

     

    Pandora.jpgCe qu'en dit Pandora la tortue
    - Ce que j'en dis, pour commencer, ou plutôt pour reprendre où on en était resté, c'est que Locarno reste un jardin de mémoire aux verdures éternelles. Hier par exemple, avec Les 400 coups du père François, avec l'adorable chenapan à te rendre le cafard magique de tes quinze berges, ou Les Temps modernes 100 ans après...

     

    - Et là, c'est reparti avec du rebrousse-toiles de la meilleure tonne, cet après-midi avec Rosemary's Baby et, à l'Ex-Rex où ça sera l'afflux, Non stuzzicate la zanzara de Lina Wertmüller, avec la Pavone. Rita Pavone se stessa qui sera là pour présenter la toile. On en salive d'avance en espérant retrouver le père Freddy au premier rang...    

     

    - Si vous n’avez rien compris au merveilleux poème balancé auf deutsch, de la scène de la Piazza, par le grand acteur allemand Armin Mueller-Stahl, venu y recevoir un léopard doré de Life Achievement (sic), pas de souci tant c’était bien dit et moulé al dente. À lui qui a été, la même année, un digne père de famille kasher, dans Avalon, et un criminel de guerre nazi, dans Music Box, rien de ce qui est humain ne saurait être étranger. Preuve supplémentaire au vu de la Lola de Fassbinder, reprise à Locarno pour l’occasion…

  • Evviva Locarno 2014 !

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    Un programme richissime, une rétrospective italienne « al dente », une kyrielle de nouveaux films du monde entier, le dernier Godard et Homo Faber de Richard Dindo, un gros plan sur l’œuvre d’Agnès Varda, Luc Besson en ouverture avec la craquante Scarlett Johanssen dans Lucy. On en salive déjà ! Nous y serons du 6 au 16juillet.   

    Le 67eFestival international du film va s’ouvrir mercredi prochain 6 août à Locarno. Sous la direction artistique de Carlo Chatrian, le programme est éclectique à souhait, ici très pointu et là plus populaire. Relevant de la fête estivale en plein air autant que de l’offre cinéphile boulimique en de multiples salles, le festival est l’occasion unique, pour un vaste public très divers, de voir des centaines de films nouveaux du monde entier, une rétrospective fleurant bon l’Italie, entre rencontres privilégiées, débats, crèmes glacées et cuisine « al dente ».

    Après les mémorables éditions récentes concoctées par Frédéric Maire, puis Olivier Père,sous la férule charmeuse autant que stratégiquement très avisée  du président Marco Solari, Carlo Chatrian a repris le gouvernail artistique l’an passé et tient le cap :

    Locarno-20110811-00466.jpg« Dans le panorama des festivals internationaux, Locarno est considéré depuis toujours comme un lieu convivial et spontané où public et professionnels se mêlent naturellement, où l’on peut accéder librement à toutes les projections, où l’on peut participer et s’exprimer pendant les rencontres avec les invités, où le spectateur n’a jamais un rôle marginal. Il s’agit là d’une caractéristique essentielle qui a marqué notre manifestation et que nous nous attachons d’année en année à développer toujours davantage, par tous les moyens, et par l’apport de nouveautés ».

     

    Lucy-luc-besson-Scarlett-Johansson-03.jpgAu nombre des films les plus attendus à divers titres, l’on citera logiquement le dernier long métrage de Luc Besson, Lucy, à découvrir le 6 août sur la Piazza Grande. Lucy (incarnée par Scarlett Johansson) raconte comment une jeune femme devient une tueuse impitoyable, aux facultés physiques hors normes, après un terrible enlèvement. Sur la Piazza, le nouveau film du réalisateur israélien  Eran Rilkis, Dancing Arabas, contrastera sûrement avec les horreurs actuelles à Gaza, et l’on se réjouit également d’y voir ou revoir Le Guépard de Visconti, Les plages d’Agnès d’Agnès VardaSils Maria d’Olivier AssayasGeronimo de Tony Gatlif ou, sous label suisse, Schweizer Helden de Peter Luisi et Pause de Mathieu Urfer.

     

    En lice pour la Compétition internationale consacrée par le Léopard d’or, une quinzaine de films sont annoncés, dont Cavalo Dinheiro du Portugais radical Pedro Costa et L’Abri du Vaudois Fernand Melgar, poursuivant son investigation socialement engagée. Dans la foulée, nous retrouverons Eugene Green, auteur de la mémorable Religieuse portugaise découverte à Locarno en 2010, avec une coproduction franco-italienne intituléeLa Sapienza. Autre retour :celui de la Suissesse Andrea Staka, Léopard d’or pour Das Fraulein en 2006, avec  Cure – The Life of Another.

     

    Rétrospective Titanus

    Section très prisée des festivaliers, la rétrospective a permis à ceux-ci, ces dernières années, de (re) découvrir les œuvres majeures de Vicente Minelli, George Cukor, Nanni Moretti, Ari Kaurismäki, Ernst Lubitsch ou Otto Preminger, notamment. Cette année, le panorama sera au goût italien du directeur artistique  avec des films de la maison de production Titanus, laboratoire où cinéma populaire et cinéma d’auteur se confondent et se nourrissent l’un l’autre, jusqu’à devenir le miroir de l’Italie. De fait, la  Titanus a été l’équivalent, pour le cinéma italien, de la Metro Goldwyn Mayer et de la 20thCentury Fox outre-Atlantique; deux maisons avec lesquelles elle a, d’ailleurs,mené de nombreuses coproductions dans les années 1960.

    La vaste rétrospective se concentre sur l’âge d’or du cinéma italien, de l’après-guerre aux années 1970, et présente aussi bien des classiques, appartenant à la mémoire collective, que des œuvres plus rares. Le public du Festival pourra ainsi voir les grands mélodrames interprétés par le couple Nazzari-Sanson et dirigés par Matarazzo, les séries Pain amour etPauvres mais beaux réalisées par Comencini et Risi, mais aussi les œuvres majeures de grands auteurs tels Fellini, Visconti, Lattuada, Olmi, Pietrangeli, Zurlini, ainsi que des films de genre de cinéastes comme Bava, Margheriti, Freda, Mastrocinque. L’on y retrouveraa les plus grands interprètes italiens, d’Alberto  Sordi à Marcello Mastroianni et Vittorio Gassman, de Sophia Loren et Gina Lollobrigida à Claudia Cardinale…

     

    But not least…

    Comme chaque année, le festival de Locarno fait large place au cinéma international indépendant et inventif, à l’enseigne de la section Cinéastes du présent, comme il s’ouvre aux jeunes réalisateurs auteurs de courts métrages sous le titre  Léopards de demain.

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     que ces dernières années, la cinématographie helvétique sera très présente, et l’on se réjouit particulièrement de revoir ou de découvrir les nouveaux films des vieux maîtres que sont Jean-Luc Godard, avec Après le langage, et Richard Dindo dans sa magnifique adaptation du roman Homo Faber de Max Frisch - déjà vue par le soussigné.

     

    les-plages-d-agnes-agnes-varda-1-gde.jpgEnfin, poursuivant son effort d’offrir au public un peu plus de « glamour » sans pour autant se la jouer Cannes ou Venise, le Festival de Locarno, plus que sexagénaire, et qui fut initialement taxé de réserve d’Indiens cinéphiles gauchistes typiques des années 60-70, a proposé ces dernières années des rencontres publiques privilégiées avec divers grandes figures du cinéma mondial, entre autres stars. Ainsi annonce-t-on, pour cette 67eédition, les apparitions de Roman Polanski et Agnès Varda (Léopard d’honneur)  Juliette Binoche et Mia Farrow ou Dario Argento, entre beaucoup d'autres.

     

    Toutes infos sur lesite : www.pardolive.ch

  • À rebrousse-toiles

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    Festival de Locarno 2013. Back zapping. Vingt d'entre eux...         

     

    Werner Herzog. Grizzly Man. USA, 2005

     

    De La Balade de Bruno S. à Fitzcarraldo, en passant par L'énigme de Kaspar Hauser et beaucoup d'autres, on connaît les fictions romantico-acides de Werner Herzog, jamais présentées d'ailleurs à Locarno alors que le maître allemand y est tardivement consacré par un Léopard  d'honneur; mais les docus du même auteur sont moins connus, pourtant marqués par le même regard d'aventurier-poète curieux des personnages hors-normes et des réalités-limites, des glaces de l'Antarctique aux traces de la grotte Chauvet. Avec le naturaliste Timothy Treadwell, genre beatnik idéaliste détestant la civilisation et convaincu de pouvoir tout partager avec le ours, il ne pouvait trouver meilleur exemple d'un extrémisme écologique poussé à l'absurde. Mêlant des films réalisés par Tim lui-même durant une treizaine d'années passées auprès des ours d'Alaska, et des témoignages recueillis après la mort atroce de l'imprudent ami des plantigrades, dévoré par l'un d'eux avec sa blonde amie du moment, Werner Herzog propose, non sans empathie avec son personnage, une réflexion lestée de bon sens par les Alaskiens responsables du Katmai National Park and Reserve  qui rappellent que le vrai respect de la nature et des ours devrait passer par une réserve polie à l'égard de ceux-ci... ***

     

    Locarno27.jpgQuentin Dupieux, Wrong Cops. France/USA, 2013C

    Celles et ceux qui ont apprécié Rubber, présenté en 2010 sur la Piazza Grande, auront sans doute raffolé de Wrong Cops, découvert en première mondiale sur les mêmes pavés et qui ajoute le cynisme au comique caoutchouté de la saga du pneu relançant les aventures teigneuses du camion mythique du Duel de Steven Spielberg. En ce qui me concerne, après avoir à peine souri aux rebonds de la gomme folle, j'ai bâillé d'ennui devant l'étalage de vulgarité accrocheuse de Wrong Cops, pénible chronique sous-sous-Tarantino d'un quarteron de flics pourris-débiles sur fond d'Amérique tarée. Sur la scène de la Piazza, les auteurs de cette imbécillité censée "plaire aux jeunes" ont invoqué le "politiquement incorrect" désormais recyclé par le nouveau conformisme. En réalité un seul terme convient en réponse au déferlement de "fuck" du film: bullshit. Cote: 0.

     

    Locarno13.jpgYves Yersin. Tableau noir. Suisse, 2013.

    Chronique d'une année  de la vie d'une classe à multiples degrés, ponctuée par les saisons, les travaux et les fêtes de toute une communauté montagnarde également présente au long du film, Tableau noir échappe à toute exposition "scolaire" par le truchement d'un récit à la fois très libre et très cohérent, sans une minute d'ennui, que rythme un montage également parfait.  De l'arrivée des enfants en classe au premier bain commun en piscine où les grands aident les petits, de la leçon de choses  à la montée à l'alpage, du crépage de chignon de deux chipies à la préparation du spectacle de Noël, en passant par les observations avec la potière ou le fromager, les chansons en allemand et la virée outre-Sarine, les séquences dansent comme les images d'un kaléidoscope aux belles couleurs.  Le documentaire s'inscrit dans le droit fil des films "ethnographiques" ponctuant la carrière d'Yves Yersin, combinant observation et poésie. Ma cote: *** 

     

    Locarno28.jpgGeorge Cukor. Dinner at eight. USA, 1933.

    Après les rétrospectives d'Ernst Lubitsch, de Vincente Minelli et d'Otto Preminger, ces dernières années, le cinéma américain de légende continue d'être illustré à Locarno avec l'intégrale des films de George Cukor. Dinner at eight n'est certes pas du tout premier rang, mais le tableau social reste ferme et  quelques portraits ont un  relief hors du commun, comme celui de la star vieillissante Carlotta ou de la ravissante idiote arriviste et vulgaire à souhait, incarnée par Jean Harlow. Au lendemain de la Grande Dépression, les milliardaires sont aux abois, tel l'armateur Jordan dont l'épouse met sur pied un dîner proustien à l'américaine, genre Guermantes au (très) petit pied. Le dialogue pétille, la comédie n'exclut pas les touches plus tragiques (le suicide au gaz de ville du bellâtre du muet tombé en disgrâce avec l'avènement du parlant), enfin tout ça conserve une certaine tenue en dépit de ficelles un peu usées. Ma cote: *** 

     

    Locarno23.jpgDaniel et Diego Vega, El Mudo. Pérou / France / Mexique, 2013.

    Label festival: voilà ce qu'on pourrait dire de ce deuxième "long" des frères Vega, déjà remarqués à Cannes pour Octubre, en 2010. Plus précisément: un festival tel que Locarno, comme Sundance aux Etats-Unis et quelques autres, semble le lieu par excellence d'accueil et de diffusion de tels ouvrages de qualité dont l'impact commercial reste aléatoire.  Après les films politiquement engagés en fonction d'une orientation "claire", mieux à même de satisfaire les bonnes conscience de gauche, le temps semble venu d'ouvrage apparemment plus ambigus, mais mieux à même de capter la complexité de la réalité. En l'occurrence, un fonctionnaire de justice censé lutter contre la corruption  se trouve pris à son propre piège. Il en résulte un filme honnête, solidement construit, évoquant avec force le milieu des notables dont est issu le protagoniste.  Ma cote: ***    

     

    Locarno21.jpgRobin Hardy. The wicker Man.  UK, 1973.

    Un flic anglais du genre puritain débarque sur une île écossaise pour y enquêter sur la disparition d'une jolie adolescente, que personne, contre toute évidence, ne semble connaître. Le tableau de la communauté  locale adonné aux vieilles pratiques païennes est joliment brossé, sans toucher jamais, cependant, à la magie  requise (si l'on se rappelle le merveilleux Brigadoon de Vincente Minelli), péchant par une esthétique "vintage" des années 60-70 d'un kitsch un peu lourdingue. Mais l'interprétation flamboyante de Christopher Lee, dans le rôle du prince-druide local, les paysages d'Ecosse marine, et la galerie de personnages hauts en couleurs font passer la chose en dépit d'un dénouement fuligineux confinant au grand-guignol. Ma cote: ***             

     

    Locarno33.jpgBruno Oliviero. La variabile umana. Italie, 2013.

    Les films présentés sur la Piazza Grande (dont la jauge totale avoisine les 8000 places) supposent une potentiel attractif particulier, pas toujours accordé à la qualité artistique. C'est qu'il faut la remplir, cette sacrée place, en attirant si possible un public complétant celui des festivaliers, avec les jeunes pour cible privilégiée. D'où la récurrence de certaines blockbusters, qui a fait grincer les dents de pas mal de fidèles cinéphiles "puristes" du Locarno d'antan. Mais le bon mélange se fait parfois, comme avec La vie des autres qui commença sa grande carrière internationale à Locarno. Or le premier long métrage de fiction de Bruno Oliviero, La variabile umana, pourrait être de la même trempe. Ce superbe film noir, à la fois élégant dans sa construction à fines touches fluides, et lyrique par sa photographie, raconte la dernière enquête d'un inspecteur milanais (Silvio Orlando) dont la propre fille semble impliquée dans le meurtre d'un célèbre entrepreneur milanais. Plongée nocturne dans le labyrinthe violent de la capitale lombarde, le film ressaisit bel et bien les "variables humaines" impliquées dans la logique policière, en jouant de tous les poncifs du genre, littéralement sublimés par l'écriture et la présence des acteurs. Ma cote: ****      

     

    Locarno16.jpgSergio Castellittto. La Bellezza del somaro. Italie, 2010.

    On se rappelle évidemment le beau diptyque de Nos plus belles années (La meglio gioventù) de Marco Tullio Gordana en découvrant ce film réalisé et joué par le célèbre acteur italien, évoquant alors la première décennie du siècle nouveau. Les "adultes" présents, autour du protagoniste Marcello, architecte à la coule abordant la cinquantaine avec angoisse auprès de sa femme psy lacanienne sur les bords, sont encore proches de ceux de Gordana, alors que les enfants sont de la nouvelle "école", qui a sa propre façon de "briser les tabous". Ainsi, après avoir largué son Luca punky amateur de H., la jeune Rosa, fille de Marcello et de Marina, scandalise-t-elle ses "vieux" en leur amenant un septuagénaire frais du regard et bon de coeur, dont la seule présence sera révélatrice de trop d'agitation, de névroses, de conformismes prétendument anti-conformistes. Une tendresse très appréciable empreint ce film un peu "jeté" parfois, dans son filmage, bénéficiant en revanche d'une interprétation globalement "al dente". Ma cote: ***

     

    Locarno34.pngGeorge Cukor. Love among the ruins. UK, 1975.

    Sans  être vraiment un chef-d'oeuvre de cinéma, ce film module l'un des plus fantastiques dialogues de comédiens qui soit, réunissant Katherine Hepburn et Laurence Olivier. Le sommet de la comédie conjugue toujours humour et mélancolie, et la situation s'y prête admirablement, débouchant sur de très tendres séquences finales où l'acceptation de leur âge ramène deux sexas à leur amour de jeunesse.  La dramaturgie du film, qui pourrait être statique et assommante autant que les procès télévisés qui nous pompent l'air à la télé, suit les délibérations d'un procès fait à une ancienne actrice enrichie par mariage et qui, veuve, a imprudemment concédé une promesse à un jeune homme couvé par une mère cupide, et qui recourt à un célèbre avocat en lequel  elle ne reconnaît pas l'homme qu'elle a aimé à vingt ans, lequel est toujours resté amoureux d'elle et le lui fait valoir. Méditation sans pesanteur sur le passage des années, la mémoire volontaire ou involontairement poreuse, la reconnaissance et la possibilité d'une deuxième chance, ce film gagne vite en puissance et en émotion, en drôlerie et en épaisseur au fié de l'extraordinaire jeu de séduction-défi que l'avocat déploie dans sa plaidoirie, "enfonçant" sa bien-aimée pour lui sauver la mise. Ma cote: ****     

     

    Locarno74.jpgRichard Curtis. About Time. UK, 2013.

    Charmant: voilà ce qu'on se dit au fil de cette sympathique comédie familiale, bien filée et portée par de bons et beaux acteurs, dont l'argument narratif  aboutit à une réflexion sur la vie d'une tendre sagesse. Vingt ans et des poussières, futur avocat un peu impatient de rencontrer la girl selon son coeur, Tim le puceau apprend par son père que les éléments mâles de leur famille ont un don: celui de voyager à rebrousse-temps et de corriger tel ou tel faux pas, telle ou telle bourde qu'ils ont commis, sans la faculté pour autant de réécrire l'Histoire. L'amitié du père et du fils, l'amour de Tim et Mary, la vie plutôt belle et ses aléas forment une chronique consensuelle adaptée à un prime time de Piazza Grande. Ma cote: *** 

     

    Locarno73.jpgGeorge Cukor. Adam's Rib. USA, 1949

    Le titre français d' Adam'Rib, Madame porte la culotte, évoque par trop un vaudeville alors que ce film a valeur de véritable manifeste en faveur de l'égalité des droits de l'homme et de la femme. Comme dans Love among the ruins, la dramaturgie du film est scandée par les scènes d'une procès opposant un rustre adultère et sa jeune femme qui, pour défendre ses enfants, lui a un peu tiré dessus non sans viser aussi sa dernière maîtresse. Commis à l'accusation de la (presque) meurtrière, Adam Bonner se retrouve, au tribunal, en face de son épouse Amanda, qui a tenu à assumer la défense de la blonde écervelée (Judy Holliday). L'affrontement des deux conjoints, largement médiatisé, alterne avec les dialogues privés du couple se retrouvant le soir, de moins en moins tendres au fur et à mesure qu'Amanda s'affirme. Le fait que Katherine Hepburn et Spencer Tracy soient amants "au civil" autant que sur l'écran ajoute évidemment un piquant fou à ce phénoménal épisode de la guerre des sexes. Question cinéma, on remarquera la tranquille puissance que peut assurer un plan-fixe. Ma cote: ****

     

    Locarno76.jpgRawson Marshall Thurber. We're the Millers.USA, 2013.

    S'il manque à votre culture un gros plan sur la couille droite d'un d'ado boutonneux mordue par une araignée genre mygale, ce film remplira un vide par cela même qui le constitue: la vacuité stupide genre pseudo mauvais genre. Personnages caricaturaux (la strip-teaseuse à la coule, la fille à piercings, le nigaud qu'on initie au french kiss, le dealer mal barré, les voyous déjantés), situations téléphonée, camping-car faisant office de tank avant de finir dans le fossé: tout ça exsdue l'ennui bruyant et vulgaire sur une fin de soirée en Piazza Grande. Ma cote: 0   

     

    Locarno39.jpgLionel Baier. Les grandes ondes (à l'ouest). Suisse, 2013.

    Les réalisateurs romands ont des tas de belles qualités et deux gros défauts récurrents: ils ne savent pas raconter une histoire et leurs dialogues manquent de vie et de naturel. C'est cela même qui empêche cette pochade sympathique  de décoller vraiment en dépit d'un filmage brillant et de quelques idées épatantes.  Celle qui consiste à envoyer, en avril 1974, une équipe de télé au Portugal pour un reportage conventionnel au possible à la gloire de la coopération suisse, et de jouer sur l'interférence de cette enquête avec la révolution des oeillets, était excellente. Mais le faible développement des trois personnages, et la platitude de leurs échanges, nous laissent sur notre faim avant l'apparition du jeune étudiant portugais passionné par l'oeuvre de Pagnol, qui donne plus de vif à l'équipée. L'évocation de la révolution reste sommaire voire caricaturale, l'aperçu de la libération sexuelle pèse assez lourdement, mais la satire repique un peu sur la fin. Bref, le passage du format plus intime et personnel de Low cost, si juste et plastiquement si libre, à celui d'une comédie plus "grand public", ne m'a guère convaincu faute de rigueur dans le scénario et la direction d'acteurs qui font ce qu'ils peuvent (même un Michel Vuilleroz m'a semblé à la peine) avec un dialogue oscillant entre vannes pseudo-comiques et réparties convenues. Ma cote: ***

     

    Locarno55.jpgJean-Stéphane Bron. L'Expérience Blocher. Suisse, 2013.      

    On a reproché à Jean-Stéphane Bron de n'être pas assez critique à l'encontre du tribun nationaliste milliardaire  qui a séduit, avec son parti, un tiers des Suisses. Or son choix de cadrer le sujet de si près limitait évidemment sa liberté de mouvement. N'empêche: son film fait froid dans le dos en dépit (et à proportion aussi) de son énorme non-dit. La vision de cet homme autosatisfait et rigolard, calé dans sa berline à côté de son épouse toute nette et toute froide, me semble exemplaire d'une certaine Suisse propre et plate, imbue de son argent et de son pouvoir et jouant d'hypocrisie avec la meilleure conscience. Seul dans sa piscine, seul dans son musée personnel où les plus beaux Hodler jouxtent les plus beaux Anker, ou en compagnie choisie dans son château de petit- bourgeois parvenu se la jouant grand féodal, Blocher n'est jamais moqué ni montré avec mépris: juste tel qu'il est, dans son monde verrouillé aux vues léchées. Magnifiquement construit, le film n'a rien du grand souffle vivant de Cleveland contre Wall street, sujet oblige. Dans la foulée, on rêve d'une Expérience de la Suisse au temps de  Blocher qui cadre la vie réelle des gens dans ce  pays. Quant à la destinée réelle des Blocher et autres pontes capitalistes de ce pays, j'ai comme l'impression que seule une fiction pourrait en rendre la complexité et le côté épique. Mais n'est pas Orson Welles qui veut... Ma cote: ****          

     

    George Cukor. La Flamme sacrée. USA, 1942.

    On pense au Complot contre l'Amérique de Philip Roth en découvrant ce thriller politique de haut vol. Fasciné par la figure de Robert Forrest, héros de la Grande Guerre qui vient de mourir brutalement, le journaliste écrivain Steven O'Malley propose à sa veuve de l'aider à rédiger sa biographie. Un mystère pesant entoure cependant la mort et la personnalité réelle de Forrest, qui avait de l'Avenir du monde une conception des plus inquiétantes, en phase avec l'idéologie nazie. Non sans mélo, mais avec deux grands interprètes (Katherine Hepburn et SpencerTracy, une fois encore) et une remarquable galerie de personnages secondaires, ce film "de circonstance" vaut mieux que son message un peu lénifiant. Ma cote: ***      

     

    Locarno18.jpgRamon Giger. Karma Shadub.  Suisse, 2013.       

    Lauréat du Grand Prix du festival Visions du réel 2013, ce deuxième "long" de Ramon Giger évoque admirablement  les relations délicates du jeune cinéaste avec son père Paul Giger, musicien célèbre et père souvent absent. Au-delà du banal récit de vie, et loin aussi du règlement de comptes, le film s'accomplit dans la fusion d'un magnifique poème d'amour dont chaque plan signifie et se déploie en beauté plastique et musicale à la fois. Chronique kaléidoscopique recomposée au fil d'un montage admirable de fluidité et de sensibilité, Karma Shadub intègre les composantes concrètes d'une vie (la nature omniprésente, les maisons revisitées, le concert en train de se préparer avec les danseurs, etc.) et tous les mouvements de la relation en train de s'éprouver (doutes réitérés, hésitations, coups de gueule, retours en douceur) dans le temps même du film. Ma cote: ****

     

    Locarno51.jpgStéphanie Argerich. Bloody Daughter- Argerich. Suisse / France, 2013

    Pendant féminin du Karma Shadub de Ramon Giger, Bloody daughter de Stephanie Argerich évoque, avec beaucoup de chaleur, la difficulté et le bonheur d'avoir une mère géniale.Deux heures durant,  la célébrissime pianiste est observée dans toutes les postures et situations, à la fois dans sa vie de concertiste et "à la maison". Comme dans le film de Ramon Giger, la part d'incertitude, de pudeur, de mystère aussi, qui subsiste entre les êtres même les plus proches, reste bien perceptible dans celui de Stéphanie Argerich. Mais la musique est là qui relaie ce que les mots ne peuvent dire, et les images, la présence des individus sur l'écran, le temps de plusieurs vies ressaisi dans le temps d'un film, aboutissent à une très belle rencontre que chacun partage, cristallisée par une belle oeuvre de cinéma. Ma cote: ***

     

    Locarno57.jpgThomas Imbach. Mary Queen of Scots.  Suisse, 2013.  

    La saga shakespearienne de Marie Stuart, reine d'Ecosse mais héritière légitime des deux couronnes, qui a vécu une partie de sa vie en France avant de rallier l'Ecosse où ses amours l'ont déchirée entre catholicisme et protestantisme, relève de l'imbroglio. Pour simplifier celui-ci, Thomas Imbach s'est inspiré du roman de Stefan Zweig et, avec beaucoup d'astuce, a imaginé un conteur-marionnettiste (Mehdi Dehbi) qui "mime" les péripéties du drame en faisant parler les deux figures de Mary et d'Elizabeth, reine d'Angleterre de fait quoique moins légitime que sa "cousine". D'un bout à l'autre du film, la correspondance des deux femmes module un récit plus intimiste. Et pour le reste: flamboyant cinéma "historique" aux scènes stylisée (la production n'est pas richissime...), morceaux de bravoure épiques, magnifique images mêlant  côtes écossaises et landes vaudoises, bande son et musique non moins dégagées des poncifs du genre. Ma cote: ***

     

    Locarno62.jpgBasil Da Cunha. Après la nuit. Suisse/Portugal, 2013.

    Sous les dehors d'un film noir parlé en créole Après la nuit raconte l'histoire du rasta Sombra qui, à sa sortie de prison, est immédiatement confronté à un chef de bande dressant les autres contre lui. Aussi "différente que l'était Nuvem, qu'on retrouve ici en complice lunaire, Sombra cherche à échapper à l'engrenage de la violence lié à ses dettes de dealer. Malgré la complicité d'un enfant, la présence de son iguane et les conseils d'un sage exorciste, Sombra sera massacré en bord de mer par celui-là même qu'il a refusé d'exécuter. Déjouant les poncifs du genre, Basil Da Cunha construit un fascinant labyrinthe nocturne dont le lyrisme des couleurs rappelle Dans la chambre de Vanda de Pedro Costa. Ses personnages ont en outre gagné en densité, mais nous perdons pas mal de la substance du dialogue par un sous-titrage très imparfait. N'empêche: il y a là, en puissance, l'univers visuel et le souffle d'un grand cinéaste à venir. Ma cote: ****