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Chemin faisant (99)

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Mohamed. - Les cireurs de pompes, au figuré, m'ont toujours fait horreur. Ainsi du fâcheux Ueli Maurer, ex-président de la Confédération, qui a osé dire l'autre soir à Sotchi, à la télé, que le Tsar-flic Poutine était son ami et l'ami de la Suisse, comme il n'a pas eu honte d'affirmer, lors d'un séjour présidentiel à Pékin, qu'il fallait désormais tourner la page de Tian'anmen. Quant au cireur de chaussures Mohamed, sans travail à 42 ans, quatre garçons à charge, seul à Tunis pendant que sa femme et sa mère tâchent de survivre à Kasserine, je l'ai laissé briquer mes Mephisto's non sans gêne de le voir ainsi à mes pieds. Or c'était hier et il m'est revenu ce matin avec un grand sourire de connivence, me proposant cette fois un café que nous avons siroté avec tout le temps de nous raconter nos bouts de chemin; et ce qu'il m'a dit de la fin des années Bourguiba, des rapines du clan Ben Ali et de ses difficultés actuelles d'assurer le minimum vital aux siens m'a touché sans qu'il ait fait mine de se plaindre, sonnant aussi plus vrai que les glose pléthoriques consacrée à la question du jour: et maintenant ?

Quel profit ? - À ceux qui n'en finissent pas de me recommander de "profiter" de ce séjour tunisien, je ne réponds pas plus que s'ils m'enjoignaient de "profiter" du Sahel ou du Qatar, tant cette notion de "profit" m'est étrangère, mais ce n'est même pas de morale qu'il en va. De fait je compte bien, mieux que profiter au sens d'en avoir "pour mon argent", m'imprégner de réalité tunisienne, comme j'ai commencé de le faire en visionnant déjà treize films récents sur mon ordi et en me perdant ces jours dans les rues et les foules, à subir la nuit dernière ma voisine d'en dessus niqabée le jour et n'en finissant pas de hululer de volupté après le dernier appel du muezzin, ou la vociférante manif islamiste de ce matin vers le ministère de l'intérieur, et les livres nouveaux, une nouvelle amitié, ma douce au téléphone de ses hauteurs enneigées, les journaux et les confidences de Mohamed...

Identité et filiation. - Aussi je me la suis jouée Freddy Buache, cet après-midi, en m'installant au premier rang du cinéma Parnasse où se donnait, pour 3 dinars, le nouveau long métrage de fiction de Taïeb Louhichi, L'Enfant du soleil. Pas un chef- d'oeuvre assurément, mais un belle histoire bien filée avec de beaux acteurs et de l'émotion en crescendo.

L'idée centrale en est intéressante, qui voit le jeune Yanis, en quête de paternité, débarquer chez un romancier qui lui semble avoir raconté sa propre histoire, non sans raison comme on le verra...

"Et si nous allions voir la mer ?" demande finalement l'écrivain, infirme depuis l'accident de voiture qui a coûté la vie au père du garçon, émouvant écho au drame vécu par le réalisateur lui-même.

Et le film de s'achever sur une reconnaissance mutuelle, magnifiée par les paysages de la région de Bizerte. Or, finalement révélés l'un à l'autre par un lien de filiation indirecte, les deux personnage que tout semblait opposer (le jeune DJ fou de hip hop et le sexagénaire supérieurement cultivé) s'étaient déjà rapprochés au cours d'une séquence où, soudain, la sublime incantation d'une voix d'Afrique établit entre eux un imprévisible lien...

Commentaires

  • Bonjour,

    Merci pour votre commentaire sur mon père qui est bien écrit, bien que la phrase "pas un chef d'oeuvre assurément" soit maladroite. Son film est sensible, poétique et vient du coeur. Sachant toute la difficulté qu'il a rencontré physiquement pour mener à bien son film, il ne s'agirait donc pas d'un chef d'oeuvre, mais de l'oeuvre d'un chef.

    Son enfant du soleil

  • Bonjour cher JLK,

    Je suis très touché par votre commentaire sur mon film. Sachez que j'ai aussi réalisé un documentaire "Les gens de l'étincelle", qui vous rappellera Kasserine et que je me ferais un plaisir de vous adresser si vous le souhaitez.

    Cordialement,

    Taïeb Louhichi

    Bonsoir le fils du soleil, bonsoir Taïeb,

    Pardon pour le "pas un chef-d'oeuvre", qui fait en effet un peu cuistre, d'autant que les chefs-d'oeuvre actuels se font rarissimes. Donc je donne raison au fils: l'oeuvre d'un chef. Ma restriction portait sur les personnages secondaires, un peu flottants à mon goût dans le scénario, qui se recentre complètement en revanche dans la relation de l'écrivain et de son visiteur. Cette thématique de la quête du père (ou du fils) est trop souvent téléphonée: ici elle prend aux tripes au fil d'une histoire dont j'aime beaucoup la mise en miroir romanesque et la progressive incarnation, jusqu'à l'espèce d'adoption finale, l'ouverture au monde, le chemin vers la mer... Si vous avez la gentillesse, Taïeb, de m'envoyer Les gens de l'étincelle, j'en serais ravi. Retrouvons-nous peut-être par Facebook. Mon adresse mail est jeanlouiskuffer47@gmail.com. Amitiés jlk

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