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  • Ceux qui portent la cravate (ou pas)

    Bestia13.jpgCelui qui n’a jamais vu son père en ville sans cravate / Celle qui t’offre une cravate fantaisie en espérant que tu la porteras mais là faudra se lever tôt / Ceux qui ont gardé leurs manchons de lustrine / Celui qui a dans la tête le dressing code de trois générations de notaires sans descendance hélas / Celle qui porte la cravate à la façon des lesbiennes berlinoises de 1915-1935/ Ceux qui avaient tous une cravate à leur première surprise-partie de 1960 chez les Dumortier / Celui qui tond sa pelouse en costard cravate en n’en est pas moins un serial killer en activité dont on reparlera dans les médias / Celle qui choisit une cravate rouge à élastique pour son filleul Alphonse dit aussi Le Loupiot / Ceux qui se nouent leur cravate autour du zob dans la chambrée des grenadiers à la quille / Celui qui arbore une cravate aux insignes de l’Internationale communiste / Celle qui étranglera l’infidèle Dario au moyen de son lacet de cuir de frimeur grave / Ceux qui sont plutôt col roulé et mocassins à franges / Celui qui s’est toujours considéré comme un irrégulier donc ta cravate tu te la fourres quelque part ou ailleurs d'ailleurs / Celle qui regrette les soirées habillées des beaux quartiers / Ceux qui font des fêtes en slips mauves / Celui qui enseigne à ses élèves le respect de l’orthographe à épingle chic /  Celle que la discourtoisie insupporte / Ceux qui baissent leur froc au milieu des smokings / Celui qui gerbe sur sa cravate rose à motifs gais / Celle qui juge du premier coup d’œil les prétendants de sa fille Roxane / Ceux qui lancent la mode du col déchiré supersmart / Celui qui a de naissance une gueule à porter le nœud pap / Celle qui a connu Roger Vailland en cravate et sans / Ceux qui se font forts de faire manger sa cravate à l’escroc Voirol / Celui qui se donne le genre poète campagnard à cravate de laine et costume de velours à grosses côtes / Celle qui estime que le blue-jean a marqué la fin de la dignité occidentale / Ceux qui se raccrochent aux conventions sans trop y croire / Celui que son élégance intérieure porte naturellement à un dandysme rigoureux mais peu voyant / Celle qui a l’air sapée même en nuisette / Ceux qui baisent tout habillés par crainte du divin courroux / Celui qui trouve le style de Paul Morand d’un sublime négligé auquel le style de Jean Cocteau s’apparente parfois / Celle qui se fait enterrer avec la lavallière de son aïeul Jean Poupon de La Ferté / Ceux qui changent de cravate comme de partis / Celui qui n’est jamais arrivé à l’heure de toute sa carrière d’astrophysicien en pull over grosses mailles / Celle qui n’a épousé que des irréguliers / Ceux qui sont arrivés à Buchenwald en costumes-cravates / Celui qui n’a jamais eu de soucis vestimentaires vu qu’il vit nu dans la cage d’un mouroir psychiatrique / Celle qui a pris le voile pour échapper aux Tentations du monde / Ceux qui se retrouvent nus devant Dieu qui les prend comme ils sont après épilation sacerdotale s'entend, etc.

     

     

  • Jouvence de Courbet

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    Un pur joyau sur le première liste du Goncourt: La claire fontaine de David Bosc.

     

    Le grand art est parfois le plus bref, et telle est la première qualité de ce formidable petit livre: en à peine plus de 100 pages, David Bosc, quadra né à Carcassonne et Lausannois d'adoption (collaborateur d'édition chez Noir sur Blanc), concentre l'essentiel d'une destinée rocambolesque  et d'une oeuvre profuse qui ont déjà suscité moult gloses contradictoires. Or David Bosc fait mieux que de rivaliser avec les spécialistes: il y va de son seul verbe aigu, précis, charnel, sensible et pénétrant. Ce qui ne l'empêche pas de connaître son sujet à fond. Qu'il focalise certes sur les dernières années, du début de l'exil au bord du Léman (1874) à la mort du peintre (1877), mais avec de multiples retours: sur l'enfance à Ornans, la bohème et la gloire parisienne, la tragédie de la Commune et les "emmerdements" qui collent au cul de l'artiste révolutionnaire avec le remboursement de la colonne Vendôme renversée que l'Etat exige de lui.

    Courbet04.gif"Dès qu'il eut du poil au menton, les couilles en place et un bâton de marche, Courbet s'est avancé au milieu des vivants sans reconnaître à quiconque de pouvoir le toiser", écrit David Bosc. Communard, ami de Proudhon, il n'est d'ailleurs pas tant de ceux qui demandent la liberté comme un dû gratuit, mais voient en elle un devoir personnel à remplir.   En Suisse, les agents et autres autorités qu'il taxe, ivre,  de "chenoilles", font rapport  parce qu'il se baigne à poil à minuit, mais l'exilé y trouvera généralement bon accueil (il fait partie de la chorale de Vevey et prise les fêtes de gymnastique) et se montrera plus que reconnaissant. Après sa mort rabelaisienne, son ventre "comme un évent de baleine" mis en perce, on découvrira le dénuement dans lequel vivait ce grand vivant généreux en diable dont les coups d'épate n'étaient que pour la galerie.     

     

    Courbet05.jpgCôté peinture, secondé par quelques compères, Courbet peint en ces années des paysages à tour de bras, et du meilleur au pire. Le public parisien vomissait les pieds sales de ses femmes peintes et son ex-ami Baudelaire a décrié son réalisme noir, mais David Bosc relève qu' "il touche au miracle quand il descend dans le labyrinthe, quand il accepte de se mettre au pouvoir de la chose, de prêter le flanc à son mystère: en de tels moments, Courbet se laissait peindre par le lac en couleurs d'eau, en reflets d'or, il se faisait cracher le portrait par la forêt, barbouiller par la bête, aquareller par le vagin rose".

     

    L'apport majeur de La claire fontaine, à cet égard, est de situer le réalisme poétique de Courbet par rapport à Rembrandt ou Millet, notamment, en désignant ce qu'on pourrait dire son noyau secret: " Courbet plongeait son visage dans la nature, les yeux, les lèvres, le nez, les deux mains, au risque de s'égarer, peut-être, au risque surtout d'être ébloui, ravi, soulevé, délivré de lui-même, arraché à son isolement de créature et projeté, dispersé, incorporé au Grant Tout".     

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    David Bosc. La claire fontaine. Verdier, 155p.

     

    Ce texte est à paraitre le 25 septembre dans le quotidien 24Heures.

  • Ceux qui veulent votre bien

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    Celui que sa mère "fouatte" après lui avoir lancé du fond de la cour: "Chenoille que je te fouatte si tu chipes encore de mes cuisses-de-dames" / Celle qui t'explique que c'est pour toi qu'elle a exigé de Fernande qu'elle rompe / Ceux qui se sont connus à l'époque des premières chansons d'Adamo dont ils ont appris par la suite que lui aussi était d'origine belge / Celui qui   a longtemps accompagné sa mère veuve au culte qui a longtemps cru qu'il croyait encore alors qu'elle-même avait déjà des doutes - ce qu'il ignorait / Celle qui recommande à son neveu de reprendre contact avec son oncle Victor qui pourrait lui laisser quelque chose / Ceux qui prônent un meilleur soutien des jeunes lutteurs à la culotte fidèles au parti agrarien / Celui qui ne supporte pas le ton doucereux de l'abbé Crampon qui le prie de se confier à lui en toute sincérité quant à ses problèmes / Celle qui n'a juste pas envie que les siens s'occupent de ses relations personnelles avec Dieu & compagnie / Ceux qui se réunissent au tea-room Le Kibo afin d'évoquer l'inconduite du deuxième fils de la veuve de l'ancien pasteur / Celui qui laisse son Surmoi au vestiaire de la maison que vous savez / Celle qui est assez en souci de voir son Gilles-André l'être si peu / Ceux qui ont tous quelque chose à raconter à propos des Camerouniens (selon leur expression) dont ils ont finalement obtenu le départ vers les quartiers mal habités de l'ouest de la ville / Celui qui avait bien dit à Monsieur Jaccoud qu'un bananier à cette altitude avait peu de chance de durer outre que ça faisait tache dans le quartier des Bleuets / Celle qui répand le bruit que les enfants de la métisse ont des puces de canard qu'ils risquent de communiquer à leurs camarades de la garderie les Lutins / Ceux qui prétendent que l'odeur émanant des fenêtres de la vieille Madame Aubort vient de son pot de chambre qu'elle n'a plus la force de rincer chaque matin et que sa femme de ménage musulmane refuse de toucher non mais où va-t-on / Celui qui a soutenu le président Bush à l'époque de l'Irak au motif que le peuple de ce pays ne se montrait point assez mature ce qu'il pense d'ailleurs aussi de l'Afrique noire / Celle qui a "fait" le Kénya en espérant une petite aventure dont le Seigneur l'a protégée sur intervention de sa marraine à qui elle dit tout / Ceux qui se serrent les coudes en pensant à toutes les tentations qui menacent une famille unie et pieuse au jour d'aujourd'hui avec tous ces étrangers réclamant des asiles et tout ça, etc.              

     

     

  • Ceux qui ne comptent pas

     

     

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    Celui qu’on oublie sans faire exprès sur l'aire des Alouettes/ Celle qui est naturellement effacée entre les ifs / Ceux qui n’aiment pas être vus même nus / Celui qui est toujours au jardin sauf les jours de retombées radioactives / Celle qui n’apparaît pas dans la liste des rescapés et se sent d’autant plus libre / Ceux qui sont si fâchés avec les chiffres que leurs bons comptes ne leur valent même pas d’amis / Celui qui s’exprime par sa note de frais / Celle qui donne toujours un peu trop (se dit-elle en se le pardonnant somme toute) aux mendiants / Ceux qui n’ont pas d’existence bancaire reconnue / Celui qui suscite des jalousies à proportion de son désintéressement à peu près total je dis bien à peu près / Celle qui n’est jamais invitée chez les Dupontel à cause de son fils disparu la même année que leur chien Bijou et dans la même faille spatio-temporelle  / Ceux qui ne se sont jamais départis de la mentalité bas-de-laine de leur mère-grand Agathe la Bonne / Celui qui aime que les choses soient claires et préfère donc les tulipes blanches et le IVe Concert Brandebourgeois de JS Bach / Celle qui se dit qu’elle compte pour beurre ici-bas et se console à l’idée que le Très-Haut lui réserve un Bonus pour conduite appropriée et de la gelée de coings si ça se trouve / Ceux qui ont compris qu’ils n’étaient rien de plus qu’eux-mêmes dans le métro matinal de Tôkyo dont les voyageurs sont suspendus à leurs poignées tels des chauve-souris en surnombre / Celui qui essaie de se situer en tant que poète belge en traversant le quartier de Kanda (au centre de Tôkyo) où voisinent environ deux mille bouquineries / Celle qui a plusieurs dépucelages à son actif sans se rappeler exactement combien ni dans quelles colos / Ceux qui n’ont jamais misé sur le don vocal de leur neveu Paul Anka (chanteur de charme à l’époque) qui en a été secrètement affecté / Celui qui est plutôt Sénèque le matin et plutôt Néron le soir / Celle qui divague sur son divan de Diva / Ceux qui ricanent de Mademoiselle Lepoil militant au Conseil de paroisse en faveur de la reconnaissance de l’âme des hamsters femelles / Celui qui invoque les Pères de l’Eglise pour faire passer son message punk à la base / Celle qui use de sa muse pour emballer les jeunes nigauds dont elles kiffent le museau / Ceux qui ont des voix de pasteurs noirs qui font bêler les brebis blanches / Celui qui n’a jamais compté les cadavres que son père et lui ont repêchés dans le fleuve / Celle qui n’a plus de créneau dans son Agenda pour caser un moment genre Où en suis-je Edwige ? / Ceux qui sont devenus meilleurs artisans à l’atelier Bois de la prison des Fleurettes / Celui qui reste fidèle à ses erreurs de jeunesse avec un peu plus de métier faut reconnaître / Celle qui fait commerce de ce qui brille et ne récolte pas or pour autant / Ceux qui ont gardé le goût des vieilles Américaines fleurant bon le cuir et le chewing-gum dans lesquelles ils emmènent les veuves de leurs meilleurs amis, etc.

     

     

     

    Image: la première séquence d'Import /Export, d'Ulrich Seidl.

     

     
  • À Gaza cette année-là...

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    À propos d'un échange épistolaire entre Ramallah et La Désirade, par Pascal Janovjak et JLK, qui prit fin en mars 2009 après 150 lettres échangées et l'exacerbation de certains commentaires sur mon blog où l'entier des textes figure: http://carnetsdejlk.hautetfort.com...

      

    "Ramallah, le 1er mars 2009.

    Cher JLK, 

    Me voici de retour à la maison, la poussière a eu le temps de se poser sur le clavier, les voyages secouent les neurones et remplissent les carnets, mais je regrettais l’atelier, et la table de travail. Par la fenêtre, la vigne folle lance ses sarments décharnés contre le gris du ciel, et je me replonge dans mon roman. 

    Le retour n’a pas été facile, dans ce froid qui mord les os bien plus profond qu’à la Chaux-de-Fonds, où pourtant il ne fait pas bien chaud, le chauffage à gaz brûle le dos sans réchauffer les pieds, et le matin au réveil on se retrouve les pieds dans l’eau, il a plu toute la nuit et l’eau s’est infiltrée par je ne sais où, je soupçonne les joints de la fenêtre mais peut-être est-ce le mur qui est pourri. Je calfeutre avec ce que j’ai sous la main, ça aidera, je fais comme tout le monde ici: on rafistole, on s’arrange, alors même que tout va à vau-l’eau. 

    Ramallah est une ville facile, une fille légère, à la mémoire courte – pourtant elle ne s’est toujours pas remise de ce qui s’est passé à Gaza, et Ramallah aussi se réveille avec peine. Les cafés tournent au ralenti, les témoignages s’enchaînent, les amis qui reviennent de là-bas, qui racontent ce qu’ils ont vu, parfois en secouant la tête, l’air de ne pas y croire eux-mêmes. Les champs saccagés pour rien, les systèmes d’irrigation détruits, les arbres arrachés. Pour rien. Les maisons occupées dont les murs sont couverts de tags racistes et meurtriers, les meubles brûlés, les canapés qu’on a éventrés pour chier dedans, les capotes usagées dans la chambre des mômes. On dit que certaines familles refusent de regagner leurs domiciles, tant les traces de l’invasion sont insupportables, impossibles à effacer. 

    Comme pour les massacres, je voulais voir là les actes de groupes isolés, de soldats qui auraient perdu la tête, mais les témoignages sont trop nombreux désormais pour ne pas impliquer une responsabilité directe des supérieurs. On a clairement laissé faire le pire. Armée éthique ! La seule éthique qui ait tenu, c’est celle, personnelle, de ce soldat inconnu que j’imagine refusant de suivre les ordres des officiers ou les encouragements de ses camarades. Il doit être bien seul à présent, je l’imagine se tenir la tête, assis sur son lit, quelque part dans un studio à Tel Aviv.

    Et je ne peux que l’imaginer, parce que ces histoires-là ne feront pas la Une, c’est bien trop tard, c’est la mort qui fait vendre, pas les deuils. Dans cinquante ans les journaux télévisés montreront en temps réel la balle pénétrer dans les chairs, les maisons au moment où elles sont disloquées par le souffle, et tout ce qui précède et tout ce qui suit sera jugé d’un ennui mortel par les rédacteurs en chef. Pourtant ce qui suit ne manque pas de couleur, c’est assez surréaliste pour être vendable. Quelques images: des tas de gravats, sur chacun est assis un homme, il attend le défilé des ONG dont il connaît désormais le manège, il racontera son histoire et ses besoins, si ce n’est pas Care qui l’aidera ce sera Oxfam. Prohibition : des couvertures qu’il faut faire passer par les tunnels de Rafah, parce que les terminaux israéliens sont fermés aux couvertures, ainsi qu’aux macaronis – une ONG américaine s’escrime à faire entrer douze camions d’aide, on en laisse passer six, mais pas ceux qui contiennent des macaronis. Gouvernement d’unité nationale : dans une salle de conférence au Caire, sous les dorures des plafonds, les représentants du Hamas et du Fatah se partagent l’argent du Golfe, ça c’est pour toi, ça c’est pour moi, ça c’est pour Gaza. Politique israélienne : interview de Tzipi Livni, en keffieh à carreaux – elle n’abandonnera jamais sa dure lutte pour un Etat Palestinien. Dans tout ce non-sens un analyste d’Haaretz tente de faire entendre sa voix, il se demande à quoi aura servi cette « guerre », il craint qu’elle n’ait servi à rien ni à personne. Suivent des rires enregistrés. 

    Ce qui est en Une du Monde, ce matin, c’est Bashung qui a gagné les Victoires de la Musique. C'est insignifiant et je ne suis pas fou de ces trophées, pourtant ça me fait plaisir. On continuera à écouter de la musique, pendant que les grues continueront à tourner, dans les colonies, pendant qu’on fermera le Mur, toujours un peu plus, comme à Ram la semaine dernière – désormais il nous faudra deux fois plus de temps pour rejoindre Jérusalem. Tant pis pour Jérusalem, au premier soleil je taillerai la vigne, on attendra l’été. Je t’embrasse, Pascal." 

     

    "La Désirade, ce lundi 2 mars. 

     

    Cher Pascal, mon ami,

    Te voici de retour à la maison, comme tu dis, là-bas au bord des champs de ruines, une année après notre première lettre – une année dont les derniers mois ont été marqués par le martyre de Gaza juste digne, pour nous autres, de rires enregistrés.

    Ziegler.jpgQu’ajouter à ce que tu décris ? Ce matin encore je lisais un bilan de l’Opération Plomb durci, avec un appel de Jean Ziegler à sanctionner les crimes de guerre : « Du 27 décembre 2008 au 22 janvier 2009, l’aviation, la marine, l’artillerie et les blindés israéliens ont pilonné le ghetto surpeuplé de Gaza. Résultat : plus de 1 300 morts, plus de 6 000 blessés graves – amputés, paraplégiques, brûlés – l’immense majorité d’entre eux étant des civils, notamment des enfants. L’ONU, Amnesty International, le CICR ont constaté des crimes de guerre nombreux, commis par les troupes israéliennes. En Israël même, des intellectuels courageux – Gidéon Lévy, Michael Warschawski, Ilan Pappe, entre autres – ont protesté avec véhémence contre les bombardements d’hôpitaux, d’écoles et de quartiers d’habitation.

     

    "Le 12 janvier, au Palais des nations de Genève, le Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies s’est réuni en session extraordinaire pour examiner les massacres israéliens. La session a été marquée par le rigoureux et précis acte d’accusation dressé par l’ambassadeur de l’Algérie, Idriss Jazaïry.

    « Les ambassadrices et ambassadeurs de l’Union européenne ont refusé de voter la résolution de condamnation. Pourquoi ? Régis Debray écrit : « Ils ont enlevé le casque. En dessous leur tête est restée coloniale. » Quand l’agresseur est blanc et la victime arabe, le réflexe joue ». Et Jean Ziegler de rappeler les «expériences» faites par Tsahal sur les habitants de Gaza en matière d’armes, dont l’inédite DINE (pour : Dense Inert Metal Explosive) aux terrifiants effets sur les corps humains, tels que les a décrits un médecin norvégien (Le Monde du 19 janvier 2009) et par l'usage d'obus de phosphore blanc.

    Par ailleurs, alors que nous nous trouvions en léger désaccord, toi et moi, sur l’importance à accorder à la religion dans ce conflit, j’ai lu ce matin cette autre analyse de Slimane Zeghidour, rédacteur en chef à TV5Monde, qui rend compte dans son blog Deus ex machina,du rôle des rabbins qui auront exhorté les soldats pénétrant dans la bande de Gaza à ne pas s’encombrer de scrupules moraux ou de lois internationales et à combattre sans pitié ni merci les Gazaouis, miliciens et civils confondus en «assassins». Les rires enregistrés retentiront-ils encore dans cinquante ans ?

    PascalSerena.jpgCe qui est sûr, c’est que notre échange de quelque 150 lettres, un an durant, ne pouvait qu’être touché par ce que vous, Serena et toi, vivez au jour le jour à Ramallah. Ni toi ni moi ne sommes pourtant des partisans de quelque cause que ce soit : notre premier contact s’est fait par le truchement de ton premier livre, que j’ai aimé et commenté. Nos premières lettres m’ont donné l’idée de cette correspondance suivie, et le jeu s’est poursuivi en toute liberté et sincérité, de part et d’autre. Nous avons fait connaissance, nous nous sommes bien entendus il me semble, nous avons réellement dialogué, puis vous nous avez rendu visite à La Désirade, à l’été 2008, tu m’as fait lire ton premier roman aujourd’hui achevé et en voie de publication, je t’ai fait lire mon récit en chantier de L'Enfant prodigue que tu as bien voulu commenter à ton tour...

    Bref, la vie continue et c’est sous le signe d’une amitié qui n’a rien de virtuel que s’achève, aujourd’hui, ce voyage commun dont je te remercie de tout cœur et qui trouvera, peut-être, la forme d'un livre. Je vous embrasse. Jls."

     

    CLASH. -  Nous avons donc décidé, Pascal Janovjak et moi, de mettre un terme à notre échange de Lettres par-dessus les murs, tout au moins ces prochains temps pourris par la guerre. De fait, alors même que nous avons toujours évité de nous laisser piéger par les mots de la haine, celle-ci nous a rattrapés à notre corps défendant. Des mots prêtant à malentendu, des commentaires extérieurs, et le plus souvent anonymes, se multipliant en marge de nos missives, des images surtout - et leur choc incontrôlable, arme de propagande s'il en est aujourd'hui -, ont achevé de troubler notre échange sur mon blog. Celui-ci, bien entendu, va se poursuivre entre nous. Mais à vue: basta pour le moment...

     

                                                                            (À La Désirade, ce 2 mars 2009)

     

    Celui qui se sent coupable de se sentir coupable - en quoi  le sociologue libéré voit en lui un représentant atypique d’une société répressive à tous les niveaux / Celle qui reste scotchée au Nutella / Ceux qui ont du doigté sauf au piano, etc.

     

     (Extrait de L'échappée libre, ouvrage à paraître aux Editions L'Âge d'Homme)

     

  • Ceux qui affabulent

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    Celui qui s'invente une bio d'auteur né au Montana (son père y a juste passé en pèlerinage avant de revenir au pied du Ballon d'Alsace) et  trappeur dans sa jeunesse (quelques hérissons dans le jardin parental) avant de survivre en faisant tous les métiers (comme tous les étudiants fauchés des seventies) et de s'établir dans un nid d'aigle (le cottage de ses beaux-parents dans les Vosges) où il déconstruit un deuxième roman plus radical encore que Je (moi) suis (re)né /Celle qui prétend à la radio que son recueil de poèmes Lévitations a été marqué par son séjour auprès d'un Maître dans les monts de l'Uttar Pradesh alors qu'une grippe intestinale l'a clouée à l'hosto militaire de Lucknow pendant une semaine / Ceux qui affirment avoir lu tout Proust au sanatorium de leur enfance  sans préciser que Petzi faisait passer le porridge / Celui qui s'invente des vies intéressantes au salon de coiffure du Croate Miroslav / Celle qui rase gratis sans cracher sur le pourboire / Ceux qui entretiennent leur légende d'artiste maudit tendance Cardin / Celui qui aime les histoires hormis celles que lui font ses voisins / Celle qui s'invente un passé plus-que-parfait /  Ceux qui en rajoutent pour qu'il y en ait assez /  Celui qui décrit aux enfants les elfes et les trolls qu'il a vus dans la forêt / Celle qui réclame de nouvelles histoires de son oncle Oscar revenant du bois voisin / Ceux qui pensent qu'un jour viendra où le poète verra vraiment des sylphes et des gnomes dans les fourrés / Celui qui revenant de la clairière où il a réellement surpris des êtres merveilleux déclare aux enfants que cette fois malheureusement il n'a rien vu / Celui qui ment comme il respire à dire vrai / Celle qui retrouve le temps perdu à conter durant mille et une nuits / Ceux qui sont rétifs à toute invention pour mieux se mentir à eux-mêmes / Celui qui se repaît des prétendues vérités selon lesquelles la Terre est ronde et le carré de l'hypoténuse égal à la somme des angles morts-vivants / Celle qui se met au piano avec l'idée d'en faire sortir un chevalier blanc à destrier style mec sympa TBM / Ceux qui récusent toute autre forme de poésie que celle des griots africains ou des griottes de la peinture hollandaise / Celui qui raffole des racontars des commères de Douala / Celle qui se méfie de la vérité sortie d'un puits de pétrole / Ceux qui prêchent le tout faux pour dire l'à peu près vrai / Celui qui ne remettra jamais un conteur à zéro / Celle qui estime que les bons contes défont les ennemis / Ceux qui content pour vous et boivent du vin chaud, etc.