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Chemin faisant (45)

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Aux Cheminots. - Notre ami Jean nous avait à peine rejoints, débarqué du Conseil des Droits de l'homme à son restau préféré de derrière la gare où nous avions rendez-vous, qu'il nous avait déjà balancé ses soucis de dernière heures relatifs au Mali, et maintenant c'était à propos du World Economic Forum, s'ouvrant ce même jour, qu'il s'exclamait: "Vous avez vu: c'est le bal des vampires, la moitié des gens qui vont se retrouver à Davos devraient être en prison, et nous déployons une armada policière pour les protéger, sans compter nos ministres qui vont ramper à leurs pieds !"
Or nous avions beau le connaître: ma bonne amie l'avait rencontré une première fois mais cela faisait plus d'une quinzaine d'années de ça, lui et moi étions en contact épistolaire ou téléphonique très régulier sans nous êtres revus depuis pas mal de temps, mais voici que sa formidable énergie de presque octogénaire irradiait bonnement, autant pour revenir sur les scandaleuses menées en Sierra Leone du multimilliardaire vaudois Jean-Claude Gandur et de sa firme transcontinentale Addax Bioenergy dont le siège est à Lausanne - qu'il attaque frontalement dans les pages de Destruction massive (1) consacrées à la recolonisation par la culture intensive de la canne à sucre nécessaire à la fabrication du bioéthaneol, au dam des populations locales -, qu'au sort moins problématique de nos propres enfants. De fait, l'attention égale de Jean Ziegler à tous les aspects de la vie des gens, lointains ou très proches, m'a toujours frappé alors que d'aucuns ne le voient qu'en pur militant idéologue ou entièrement pris par ses multiples activités de justicier tous azimuts...

ZieglerFils.jpgDe la filiation. - Nous avons d'ailleurs beaucoup parlé de nos enfants respectifs, depuis quelque temps. Je lui ai dit et j'ai écrit tout le bien que je pense de la dernière pièce de son fils Dominique, sur l'immense Jaurès, je crois lui avoir fait plaisir en relevant le fait qu'à certains égards le portrait de ce juste, par son fils, renvoie au paternel de celui-ci. Et voilà que, tout en dégustant le poisson frais du patron espagnol, le camarade Z. s'est mis à cuisiner ma bonne amie à propos de notre fille benjamine J., qui a renoncé à un premier poste de juriste dans une grand boîte américaine dont le rythme de travail effréné et les pratiques à la limite de l'éthique l'ont dégoûtée, pour se lancer dans une thèse de droit humanitaire, et nous crible ensuite de questions sur l'aînée S., aussi peu conventionnelle que sa soeur avec ses études de lettres en espagnol et en arabe et son recyclage actuel de bibliothécaire-archiviste - la mère hollandaise de ma bonne amie, la mienne qui se disait socialiste et écrivit personnellement au Président de la Confédération pour le tancer à propos du sort des petites gens dans ce pays, nos pères et tutti quanti.
Notre Guillaume Tell gauchiste sait évidemment que j'ai été un aussi piètre militant progressiste qu'une nullité en matière universitaire; je lui ai raconté dix fois ma découverte du socialisme réel en Pologne, à dix-neuf ans, durant le même voyage qui m'a fait voir le rideau de fer et Auschwitz, et mes universités buissonnières; en revanche il apprend de ma bonne amie qu'elle a été, plus sérieusement que moi, membre du Groupe Afrique en sa vingtaine et se trouvait au Mozambique au moment de l'indépendance, et qu'à l'instar de ses parents elle a tenu à initier ses filles à l'histoire contemporaine en visitant avec elles le site de Verdun et le camp de concentration du Struthof, entre autres. Quant à lui, qui se dit mauvais père, il n'en a pas moins emmené Dominique en de nombreux voyages et le fils, malgré ses errances de jeunesse, n'a rien à lui envier aujourd'hui en matière d'engagement; enfin nous nous entendons tous trois pour réaffirmer notre attachement aux liens de filiation et notre confiance en ceux qui viennent...


Les nègres blancs. - Une bise noire soufflait hier sur Genève, et c'est par étapes-bistrots que, du pied des Grottes, nous avons gagné Carouge où, après le "nègre blanc", comme on a surnommé Jean Ziegler, nous avions à rejoindre Max le Bantou pour le vernissage de son livre, à la petite librairie Nouvelles Pages.Zap001.png Il y avait foule pour la lecture de trois passages de 39, rue de Berne, et j'ai particulièrement apprécié la très fine et chaleureuse présentation de Max Lobe par l'éditrice Caroline Coutau, qui a détaillé les raisons qui ont poussé l'équipe de Zoé à accueillir le jeune écrivain, en soulignant illico la "voix" unique de celui-ci. Dans la foulée, la lecture aura permis aux auditeurs d'apprécier la qualité de l'écriture métissée de Max, sa très vive sensibilité sociale et psychologique, son mélange d'honnêteté crue et d'élégance, de malice et de verve. Quant à moi je ne pouvais faire moins, avant de remonter à notre alpage, que d'acheter un exemplaire du roman à mon cher négrito sapé de sa plus belle chemise blanche, pour le lui faire dédicacer à Jean Ziegler - et voici en quels termes candides: "Cher Jean,ce livre parle de l'Afrique que vous connaissez. Je vous laisse découvrir ce qui vous aurait échappé"...



(1) Destruction massive est désormais disponible en poche, Point Seuil.

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