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  • Ceux qui se couchent

    PanopticonF7.jpgCelui qui se plaint en se levant et se recouche donc / Celle qui se couche après usage / Ceux qu’on subventionne pour que la culture soit réellement inactive / Celui qui met de la gastro dans ses romans pour les faire vendre / Celle qui sent que son fils Rolf accède à un niveau de révolte que son coach psy ne gère pas en dépit d’honoraires conséquents / Ceux qui estiment que la rapine a toujours existé et que par conséquent l’essentiel est de participer selon la parole du Baron de Coubertin / Celui qui sait ce qu’il sait et voit ce qu’il voit en conséquence de quoi il renonce à faire ce qu’il y aurait à faire / Celle qui ferait bien son lit comme on se couche mais d’abord faut qu’elle couche pour se payer un lit à elle genre King Size / Ceux qui se couchent dans le cercueil fantaisie de leurs idéaux de jeunesse / Celui qui se demande ce qu’il va faire de sa journée de chais-pas-quoi / Celle qui chôme volontaire par lassitude involontaire / Ceux qui n’ont plus le temps de penser tant ils pensent à la dépense / Celui qui se désencombre(dit-il) alors qu’il fait juste don de son superflu aux gens d’Emmaüs qui n’ont (disent-ils) jamais trop / Celle qui répète toujours « au jour d’aujourd’hui » en espérant que demain ne sera pas un lendemain d’hier / Ceux qui annoncent sur Facebook qu’ils sont maintenant en couple en espérant que le TJ fasse passer le message / Celui qui a passé aux actualités dans le flash sur l’accident mortel où il était spectateur à gauche au fond vers la voiture carbonisée / Celle qui estime qu’à trop penser et critiquer on ne voit plus la beauté florale des fleurs et ça Marie-Yolande c’est pas positif au niveau du partage sur Facebook / Ceux qui font 25 appuis faciaux par jour en espérant qu’ils vivront plus longtemps pour en profiter /Celui qui te souhaite de profiter de l’Afrique comme on dirait à un Africain profite de la Suisse et spécialement de sa pâte à tartiner Le Parfait / Celle qui a pris la mer à Dakar destination les Canaries et ensuite l’avion du retour sans avoir vu La Pirogue ni Vol spécial / Ceux qui affirment que l’exploitant se dégrade autant que l’exploité et reprennent ensuite un peu de cet excellent dessert bio inspiré par la cuisine authentique des pauvres, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Le bouquiniste aux 100.000 livres

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    Philippe Jaussy, libraire d’occasion et de bibliophilie au Pont, en la Vallée de Joux,  vous attend ces jours à Romainmôtier, bourg médiéval à la sublime Abbaye, pour son annuelle  Foire aux bouquins de 100.000 livres.

    PhilipJaussy3.jpgpe Jaussy, qui vous attend dans sa librairie, a l’enseigne de La Pensée sauvage, sise le long du quai du lac de Joux, au  Pont, est toujours tout sourire.

    Or le sourire, assez malicieux, de ce libraire pas tout a fait comme les autres, traduit bien la nature a la fois débonnaire et indépendante  de celui qui vous proposera rituellement un café avant de vous confier que ce qui l’enchante particulierement, dans sa librairie spacieuse aux fenetres donnant sur le lac et le ciel, c’est qu’il peut y venir à pied depuis le chalet isolé des hauts du Pont qu’il a retapé naguère et ou il vit avec Martine et leurs deux enfants, Philémon et Lucille.

    Gagner son lieu de travail a pied: voila qui convient joliment a un bipède qui a toujours préferé la qualité de vie à la course à la réussite, dès ses éebuts de fils de petit artisan de l’Ouest lausannois fourvoyé dans un premier apprentissage, parti a l’aventure avec un pote au tournant de sa vingtième année (long périple en Afrique du nord ou il a fait des rencontres inoubliables) avant de revenir au pays pour y survivre de petits boulots. Le lascar avait 18 ans en mai 68, mais il dit s'être toujours senti plus a l’aise avec les “bandits” de la banlieue lausanoise de Renens, qui se retrouvaient au bar le Pam-Pam,  qu’avec les intellos gauchistes lausannois, meme s’il lui arriva de participer à l’une ou l’autre manif des annees 70-80.

    Sans vocation particulière, Philippe  Jaussy est venu aux livres... par la lecture, se lancant d’abord, a la vingtaine, dans les Oeuvres complètes de Freud, avant d’explorer... les explorateurs de l’anthropologie, tel Claude Levy-Strauss auquel il a emprunte le beau titre de Pensee sauvage. Auprès d’une “bonne amie” libraire, il developpa ensuite son goût naturel pour la lecture, répondit en 1981 a une offre des editions Delachaux et Niestlé, s’y sentit a l’aise  avec les fameux “naturalistes”  Paul Geroudet ou Robert Hainard, puis devint representant de la maison de distribution SNL, en complicité avec l’editeur Michel Moret, avec lequel il  lanca, en 1991,  la Foire aux livres de Romainmotier, drainant chaque année des milliers de lecteurs au week-end du Jeûne federal, et dont il est désormais le cheville ouvrière avec une equipe de benevoles.  Au fil des années, ce qui n’etait qu’un stock personnel modeste, encombrant  le chalet familial de cartons  à bananes plus ou moins appreciés par Madame Jaussy, est ainsi devenu un fonds de quelque 100.000 livres... 

    “Ce qu’on trouve dans ma librairie est un peu a mon image”, precise le Combier d’adption. Et d’énumerer ses domaines de prédilection, à commencer par toutes les théories philosophiques ou spirituelles par le truchement desquelle sl’homme a essaye de repondre aux questions éternelles, et la littérature evidemment,  mais les recits de voyages ou les livres traitant de nature sont tout aussi chers a l’ancien sauvegon des bords de la Venoge, alors que notre anar humaniste”regarde d’un peu plus loin les ouvrages, combien plus “vendeurs”, traitant de santé ou de developpement personnel...

    Rien pour autant du “foutoir” dans cette Pensee sauvage, où voisinent, bien rangs, les ditions rares, comme la fascinante serie des gravures de Louis Agassiz, les tirages sur grand papier  d’auteurs de nos régions u de France voisine, entre autres curiosités a n’en plus finir, revues, journaux d’époque, bandes dessinées de collection et cartes postales.

    Or on remarquera que les prix du bouquiniste  ne sont jamais forcés. “J’essaie d’etre juste, pas tant en fonction des cotations du marché qu’au vu de l’objet, de sa raret mais aussi de mon désir de satisfaire une clientèle qui n’est pas forcement fortunée. Cela dit, le plouc qui entrerait chez moi avec ses grands sabots, me reprocherait de vendre “trois cents balles un vieux rossignol”  dont il ne verrait pas la valeur faute de connaissance, risquerait d’etre mal recu”, lance enfin notre chineur de qualité qu’on devine, selon la devise fameuse, bon mais pas poire...

    Romainmôtier. Foire aux Livres, du samedi 15 (de 1oh. à 19h) au lundi 17 septembre (de 10h à 17h). sous la Cantine de Champbaillard.

    Infos:Penseesauvage@gmail.com ou www.romainmotier.ch/24heures

     

     

     

  • À l'heure nue

     

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    Notes de l’isba (16)

     

    MATINES. – Quatre heures est la bonne heure pour écrire quand on s’est couché tôt ou qu’on n’a pas trop sifflé de Suze. Or c’est précisément la Suze, ou ce qui en tient lieu aujourd’hui sous la même appellation mais après micmac chimique et réhabilitation publicitaire, qui m’a réveillé si tôt après m’être pieuté bien tard.

    Tant mieux, quand bien même la palpite dit la fatigue de la machine : l’important est de retrouver cette heure nue, d’abord squelette d’angoisse et ensuite s’humanisant comme « l’espèce humaine se transforme en humanité », selon la formule de mon vieux maître Nicolas Berdiaev.

     

    MYSTIQUE. –Le prêtre orthodoxe serbe qui a enterré Dimitri l’autre jour a rappelé, dans son laïus final à visée de bénédiction cléricale et nationale, que notre ami était mort le 28 juin, date correspondant à celle de la bataille fondatrice du peuple serbe – défaite magiquement transformée en victoire -, au Champ des Merles, en 1389, commémorée en grand pompe par Slobodan Milosevic en 1989.

    Or je me rappelle, moi, que Milosevic appelait Dimitri sa « petite Serbie mystique », comme son instituteur  l’appelait « petite tête serbe » au temps où son père croupissait dans les prisons de Tito le Croate.

    Et après ?

    C’est ce que je me suis toujours demandé en lisant les sublimes élucubrations de Joseph de Maistre sur les plans de la Providence, qui m’ont toujours semblé aussi vraisemblables que les onze mille vierges au nom desquelles on occit l’infidèle – tout ça faisant le lit du Bourreau.

    Mais à l’heure douce qu’il est voici que me reviennent les mots d’Angelus Silesius : « Je sais que sans moi Dieu ne peut vivre un instant : suis-je réduit à rien, il doit rendre l’esprit »…

     

    MUTTERHORN. – La peinture est pour moi l’un ds liens les plus forts avec la mystérieuse réalité, au même titre que la lecture et l’écriture, mais physiquement, et peut-être même métaphysiquement, plus importante que la lecture et l’écriture.

    Tout à l’heure, en moins d’une heure, sur une toile préparée avec un fond de terre de Sienne, m’est venu ce Cervin au ciel rose comme aurait jailli un chant ou une idée de chant, à la fois apollinienne et dionysiaque. Il y a là comme un effet d’électricité physique et spirituelle qui culmine, à mes yeux, dans la consonance du rose, de l’ocre blanchoyant et du bleu de lac de glacier à la fonte de source.

    Telle étant la corne virile de la Mère Patrie en son appellation déviée de Mutterhorn…

    Image : JLK, Cervin strawberry. Huile sur toile, 30x30. Juillet 2011.  

     

  • L'éternelle matinée

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    ...Tous les jours, cependant, tous les jours me revient l’une ou l’autre odeur du quartier des Oiseaux, et ce matin c’est cette odeur de cheval sur la route d’en haut, quand les chevaux remontaient du marché, traînant leurs chars, qui me revient et avec elles tout l’arrière-pays et la vision de ce paysan toujours furieux, fumant son vilain cigare et fouettant, fouettant son vieux serviteur accablé.
    Il me suffit de fermer les yeux, comme au jeu de l’Aveugle, pour les revoir bien moulées sur la route d’en haut du quartier des Oiseaux : on dirait des boules de chocolat fumant sur l’asphalte, et du même coup c’est l’odeur, l’odeur onctueuse et chaude, l’odeur mielleuse et noire qui me revient et me remplit d’un chaos de sensations et de saveurs premières à jamais liées à cette espèce de matinée éternelle à laquelle je reviens et reviens sans savoir trop pourquoi.
    Ou plutôt si, je le sais, maintenant : que dans le premier élan des années je n’ai aimé que les débuts, avant que ne m’apparaissent les beautés de ce qui s’achève, la mort de notre père et les crépuscules, les adieux et les regrets dont on se délecte étrangement, l’élégie et les feuillets éparpillés, jaunis, des cahiers du dernier hiver...

    Image: Enfant au parc, de Fabien Clairefond. Aquarelle 9,5 x 10cm

  • L'invention de Cendrars

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    Pour commémorer le centenaire (1912-2012) de la seconde naissance du bourlingueur légendaire, la BCU, à Lausanne,  présente une petite expo brassant de grands thèmes.

     

    Blaise Cendrars n’en finit pas de ressusciter. Plus de cinquante ans après sa mort (le 21 janvier 1961, la même année que Céline et Hemingway), le poète du « Profond aujourd’hui » continue de fasciner des générations successives de lecteurs. Lui qui s’imaginait clamer « Merde, je ne veux pas vivre ! », en se rappelant, dans le poème intitulé Le ventre de ma mère, le Big Bang originel de sa première naissance (le 1er septembre 1887 à La Chaux-de-Fonds, sous le nom de Frédéric Louis Sauser), fut pourtant un écrivain « supervivant », genre grand fauve humain à la Zorba: « J’ai le sens de la réalité, moi poète. J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre ».

    Revisiter Cendrars aujourd’hui, c’est revivre l’éclosion prodigieuse de la modernité artistique et littéraire au début du XXe siècle, de l’Exposition Universelle de 1900 à la Grande Guerre où l’engagé volontaire perdra sa main droite (son extraordinaire récit intitulé J’ai tué  devrait être lu dans les écoles), an passant par les espoirs fous de la première révolution russe (que « Freddie » voit éclore à seize ans à Saint-Pétersbourg), les percées de l’avant-garde artistique auxquelles il participera à la fois comme poète, éditeur, acteur et metteur en scène de cinéma, reporter et romancier, jusqu’aux voyages au bout du monde réellement vécus ou rêvés avant d’être réinventés dans le maelström de son œuvre.  

    Affabulateur féerique, Cendrars aura-t-il jamais vraiment fait le parcours du Transsibérien ? Au journaliste qui le lui demande dans les années 30, il répond crânement : « Qu’est-ce que ça peut te faire, puisque je vous l’ai fait prendre à tous ?!»…


    cendrars2.gifDe cendres et d’art

    Lorsque Frédéric Sauser  débarque à New York en 1911, il a la dégaine d’un jeune homme romantique que son amante polonaise Féla Poznanski, qui deviendra la mère de ses enfants, décrit en ces termes : « Il porte la chevelure d’un Gorki, la vareuse de velours et la cravate d’un Baudelaire, et il a dans les gestes la grâce d’un Italien, il pourrait être Russe ou Polonais ! ».

    Or à vingt-cinq ans, Sauser a déjà pas mal roulé sa bosse.  Rétif à la vie de famille, il a d’abord suivi les siens à Naples où les affaires de son père commerçant ont sombré.  Puis il s’est retrouvé apprenti gratte-papier à Saint-Pétersbourg, où il s’est ennuyé plus qu’il ne l’a raconté dans ses récits. N’empêche : il a vu en 1906 la première révolution russe de près, qui lui inspirera le saisissant Moravagine, avant de partager à Paris (dès 1910) la vie de la bohème artistique de Montparnasse. 

    L’arrivée à New York, longtemps rêvée, le confronte immédiatement à la dure réalité, avec la vision des  milliers d’émigrés parqués comme du bétail pour la première visite sanitaire. Crevant de solitude malgré la présence de Féla, errant dans la ville immense qui pue à la fois l’argent et la misère, c’est pourtant là qu’une nuit mythique il va s’inventer un nom, hésitant d’abord entre Cendrart et Cendrars, puis s’arrêtant à celui-ci qui figure « tout ce qui est brûlé », et au prénom de Blaise rappelant sa passion pour Pascal et le mot de braise, promesse de feu renaissant de ses cendres.

    « Un nouveau poète est né », commente la biographe et commentatrice Anne-Marie Jaton, qui «se rattache aux grands révoltés des siècles précédents, asociaux et absolus comme lui, dont il porte le non initial et le fantasme d’auto-engendrement : « Je suis le premier de mon nom puisque c’est moi qui l’ai inventé de toutes pièces »…  

     

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    De New York au bout du monde

    Quatre vitrines thématiques bien cadrées, un moniteur virtuel ouvrant sur d’autres échappées et rebonds, des documents parfois éclairants, une lecture publique en ouverture et une visite guidée ultérieure : tels sont les apports de la petite exposition mise sur pied dès aujourd’hui par la Bibliothèque cantonale et universitaire, au Palais de Rumine, aux bons soins de Sylvestre Pidoux.

    Au nombre des pièces manuscrites et autres documents photographiques, on relèvera notamment, dans la première vitrine évoquant Les Pâques, le petit feuillet manuscrit mythique sur lequel Cendrars explicite l’origine de son pseudo littéraire. Tout à côté, un exemplaire au format du légendaire livre-objet conçu par Cendrars et Sonia Delaunay à partir de la Prose du  Transsibérien, reste  référentiel. Dans la vitrine illustrant l’aventure de  L’or, une lettre cocasse est à remarquer, d’un prétendu descendant du colonel Suter réclamant une part du présumé magot. Enfin, la vitrine intitulée  Partir renvoie à la lecture  du monumental recueil publié l’an dernier sous ce titre dans la collection Quarto des éditions Gallimard, alors que la reprise du titre J’ai tué ramène au texte éponyme prodigieux, réédité chez Zoé.

     

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    . Palais de Rumine, du 13 septembre au 31 décembre. Blaise Cendrars 1912-20112 New York-Hollywood-Lausanne. Vernissage aujourd’hui à 18h., avec lecture et musique par le comédien Jacques Probst et le contrebassiste Pierre Kuthan. Visite guidée par Sylvestre Pidoux, le 3 novembre à 11h.

  • L'homme qui tombe

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    Pour mémoire d'un certain 11 septembre...

    …De l’homme qui tombe et retombe, personne ne pourra jamais dire ce qu’il a ressenti pendant l’éternité de sa chute, mais ce serait ça l’défi, ce sera toujours ça l’défi des rêvassiers et des plumassiers qui se prennent la tête entre le zéro et l’infini, ce serait ça la success story  possible que  de refaire ce chemin-là de toute ta vie qui se résume avant le fracas, toi, regarde-toi, figure-toi que t’es là, que t’en es là la tête en bas – le monde entier s’est fait à cette image de toi comme ça, marchant dans le ciel à l’envers tout peinard alors que tes secondes te sont comptées, là j’te défie aussi, et là c’est en quelques secondes hébétées que ça se ramasse et faudrait que l’humaine communauté se reconnaisse dans ce que tu dirais, regardez-vous tant que vous êtes, regardez-vous – ça vous regarde…

  • Ceux qui se la pètent

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    Celui qui claironne attention j'arrive / Celle qui se pousse sur la photo glamour du groupe de ceux qui gagnent / Ceux qui ont tout compris et vous l'expliquent contre remboursement préalable / Celui se dit le Premier des Derniers / Celle qui pose à la Grande Prêtresse de l’Eglise psychanalytique des jours ultimes seule habilitée au babil / Ceux qui lacancanent dans la salle des pas perdus pour tout le monde / Celui qui dit s’est fait choser par Jane Birkin sans préciser que c’était dans un rêve éveillé / Celle qui navigue à vue dans la panse de brebis farcie / Ceux qui ont fait le tour des affects selon Spinoza et en reviennent à une phénoménologie de type usuel du genre panier de la ménagère / Celui qui a toujours trouvé quelque chose d’un peu forcé à l’ontologie conceptuelle / Celle qui lit alternativement Kant et Harry Potter pour être vraiment de son temps et respirer quand même / Ceux qui font miel de tout bois / Celui qui prétend innover en courant la Piste Santé à l’envers / Ceux qui osent dire aux néo-hégéliens de gauche qu’ils sont juste des abrutis au niveau principe de réalité et ces choses-là / Ceux qui se disent imbattables dans le commerce des agrumes / Celui qui s’est fait un look à la Iggy Popp pour mieux assumer sa maigreur de fils de pasteur fondu en créationnisme strict / Celle qui dit ne croire qu’en l’Ongle incarné / Ceux qui préfèrent le plus tante de leurs oncles / Celui qui estime que la bisexualité des gastéropodes angéliques est une piste sérieuse pour la redéfinition de l’Ouverture / Celle qui est ouverte à tout jusques et y compris la double pénétration platonique / Ceux qui n’en peuvent plus et concluent donc à l’obligation de chasteté dans les territoires d’outre-mer / Celui qui se dit intermittent de la pensée unique / Celle dont la seule obsession est l’opposition radicale à la pensée unique / Ceux qui ont tout essayé avant d’en revenir au plaisir solitaire à deux ou trois selon les occasions en climat tempéré / Celui qui n’est expert qu’en expertise / Celle qui se pose en égérie du Contre-projet par cooptation / Ceux qui rient de tout y compris du rire jaune / Celui qui camoufle sa profondeur naturelle sous une désinvolture surnaturelle / Celle qui invoque la figure d’Antonin Artaud en sa qualité de Vestale du Temple des Purs / Ceux qu’à toujours fait chier la célébration ostentatoire des maudits entre la poire et le café / Celui qui s’est spécialisé dans le phénomène des enjambements de la pensée cartésienne tardive et l’a fait graver sur sa carte de visite et tatouer sur sa couille gauche / Celle qui dirige les fluides de froid spécial dans les allées droites de la salle de lecture de la fac de lettres de Geneva-International / Ceux dont les pensées s’avancent en nobles cortèges d’apôtres à souliers ferrés / Celui que la muflerie des jeunes et moins jeunes auteurs a toujours intéressé dupoint de vue de l'observation éthologique des macaques / Celle qui se dit en phase avec l'Esprit quand elle entre en ascèse d'écriture / Ceux qui annoncent un tsunami éditorial àl'occasion de la sortie de leur prochain lire à la prochaine rentrée, etc.  

    Image : Philip Seelen

  • News du Kid

     

     

    Enafrique5.jpgAprès un périple avec ses deux compères David et Julien  à travers les Balkans et la Turquie, amorcé au début du mois de mars, Daniel Vuataz, alias la Kid,  raconte son dernier jour. Profusion et mélancolie...

    À découvrir: le superbe site d'En Afrique, blog et photos.  Et ce mardi 11 septembre 2012, de 11h à midi, sur RTS Espace 2, Daniel Vuataz sera l'hôte de l'émission Entre les lignes où il parlera de ses textes (lus par uncomédien), de ses voyages et de ses projets - aussi de son Afrique intérieure de fils de coopérants à Madagascar.

    Le départ de Daniel

    Le soir donne à Istanbul une drôle de couleur brune, avec des éclats de bronze sur les minarets et les toits des petites maisons de Kumkapı, tassées les unes contre les autres. Magasins de tapis, thé serré dans des tasses à col, cireurs de pompes qui lisent d’immenses gazettes au dernier soleil. Entre Sainte-Sagesse et la Mosquée bleue, les muezzins livrent leur battle de tremolos quotidienne. Ça vous tirerait presque une larme.
    Ce bourdonnement de klaxons, ces passages à bestiaux surchargés de poussière d’ambre, ces types à moustache peignée assis sur des paniers à siroter leur café, cette odeur de vieux mouton sucré ; Istanbul, en un mois, n’a pas du tout changé. Pourtant il y a quelque chose de nouveau. Est-ce moi qui ai laissé le vide s’installer autour de mes pas ? Je n’ai pas trop le cœur à tailler la bavette, à palabrer avec qui que ce soit, et pourtant ce ne sont pas les occasions qui manquent. Le patron de l’Internet café a lâché mon épaule. Il a déplié son tapis derrière moi, il est à genoux, face à l’Orient, et se courbe à terre. Son frère chante les yeux fermés, au comptoir, en faisant rouler son chapelet coranique entre ses doigts. On est le 12 avril. La première boucle se referme.

    C’est une sorte de rewind en accéléré, un peu décentré, un peu lâche. Je passe aux mêmes endroits, paye aux mêmes établissements, réserve les mêmes chambres, mais, comment dire, le cœur n’est plus du même côté de la poitrine. A cote de moi, Barbara et Renaud chuchotent en français à propos de leur itinéraire turc. Ils viennent d’arriver. Je leur glisse des conseils, des noms, des adresses, la presqu’île de Bozburum, le Fish Market de Fethyie, Geyikbayırı, d’autres choses… Mais j’ai un doute. Eux partent ensuite « sur l’Inde, par l’Iran, tu vois ». L’Asie en voiture, « à cause de la Syrie ». Ils ont vécus plus de deux mois avec les bûcherons et les bergers roumains, près de la frontière ukrainienne enneigée, ont vu des chiens crevés par les loups, ont partagé la soupe avec les romanichels, ont suivi le bord de la mer Noire jusqu’à Istanbul. D’autres histoires. Les mêmes histoires. Ils attendent beaucoup de la Turquie, forcement. Je ne sais pas trop quoi leur dire. Cette impression compliquée de devoir passer un témoin qu’on aimerait garder « par devers soi ». Ce qui est, d’après Brassens, la pire chose qui soit. Je souris, simplement, et redemande un çay au patron, occupé à vaporiser son petit parfum dans la pièce en béton. Les égouts ont encore refoulé. Il se marre. Son frère fume une Viceroy sur le pas de la porte. La même pièce. Il y a un mois. Retour à la case départ, en quelque sorte. J’espère un peu bêtement que le type va me reconnaître. Je sais bien que des milliers de gens, de voyageurs, de couples, d’aventuriers, de mecs en cravate sont passés depuis. Et je ne parviens qu’à dire et redire la même chose. Je me penche vers ce couple de français qui tente d’uploader ses dernières vidéos sur YouTube : « Tu verras, les Turcs, niveau hospitalité, c’est quelque chose d’unique. » Je parie que j’ai une drôle de gueule, quand je dis ça.

    EnAfrique.jpgQuinze heures de bus entre Adana et Istanbul, c’est long. Suffisamment pour remâcher et tenter de digérer ces drôles de trente jours, avant que la suite ne vienne. J’ai quarante heures tout seul, et ce n’est pas plus mal, pour retomber sur mes pattes. Julien et David, avant-hier, ont attendus jusqu’au tout dernier moment, dans la gare routière, avant de tourner les épaules. Je n’arrivais pas vraiment à comprendre pourquoi je repartais seul. Con de chialer devant eux, con de ne pas chialer, con de partir, con de rester. Un job en Suisse, plus trop d’argent, Camille qui me rejoint bientôt pour continuer le voyage, me ramener en douceur à la maison. C’était prévu comme ça, mon bout de chemin devait s’arrêter juste en face de cette foutue Afrique. A Mersin, même si tu ne la vois pas, tu sais qu’elle est là, juste sous la courbure de la mer, à un jour de bateau. Elle nous narguait. Julien et David étaient tournés vers elle depuis plusieurs jours, de toutes leurs forces. D’une certaine manière c’est le début du vrai voyage, pour eux. Une blague que j’aimais bien répéter, avant de partir : « Ouais, je fais la partie vacances, après c’est vraiment l’aventure qui commence… ». Maintenant je me dis que revenir en arrière, ici, m’arrêter aux portes de l’Afrique, m’enfuir vers le Nord dans un gros bus Ulusoy flambant neuf vers cette ville furieuse que je ne comprends pas très bien, bref tourner les talons, c’est assez dingue et presque stupide. Mais qui aurait pu me dire que ça se passerait de cette manière ? A Mersin, dans le bureau de l’Antoine Makzume Agency, au-dessus des grues rouges, des containers Maersk Sealand et de l’agitation barbelée du port de fret, l’employée qui nous a aidé à trouver un bateau pour l’Egypte ne partageaıt pas du tout cet avis nostalgique. La Syrie était à moins de trois cent kilomètres. De ses yeux elle interrogeait David et Julien, avec incompréhension. « Why do you have to do that ? Why there ? You are crazy ! You’re so young, you come from a very rich and organized counrty, so why would you need to go to Africa ? And why spending all your Money in that ?? » Puis, se tournant vers moi, elle avait eu ces mots, comme en aparté mais suffisamment fort pour que tout le monde entende : « You are the luckiest, Daniel, to go back to Istanbul, to see your girlfriend again, and to take this boat to Venice ! You will have a lot of fun. This is the right decision ! »

    Je ne peux pas dire qu’elle avait raison. Pas encore. J’avais envie de la gifler et de l’embrasser en même temps. J’ai dit au revoir. Ça piquait. J’ai enduré quinze heures de bus sauvage. J’ai débarqué comme un spectre amoureux dans une ville qui donne plus qu’elle ne reçoit. Istanbul est destinée à disparaître dans la vapeur des contradictions, à se défaire dans le bruit des voyageurs silencieux. Et maintenant je rentre en Suisse, par la terre et la mer, en trois semaines. Comme si prendre le temps aiderait à endiguer ce sentiment bizarre. C’est possible. Déjà j’imagine la silhouette de Camille aux portes de l’aéroport.

    On l’a souvent répété mais j’y crois dur comme fer. La temporalité du voyage ne ressemble pas aux autres. Un mois, sérieusement, c’est quoi ? D’une pleine lune a l’autre, d’un loyer au suivant, quelques feuillets de calendrier par terre, quatre lundis, quatre dimanches, des broutilles ; vous l’avez vu passer, vous, ce mois, avec sa traîne dorée et ses putains d’histoires ?… Et Pourtant. Avant de partir j’étais à Vaduz, avec Camille. L’une des plus petites capitales du monde. Maintenant je suis à Istanbul. Et ça ne change pas grand-chose. Ou plutôt, tout a changé, infıniment, mais je ne vois pas encore très bien pourquoi. Je m’en fous, d’un côté. C’est une réaction normale, disent en chœur les liseurs de marc de la place Taksim et les réalisateurs barbus de Sundance. J’ai de quoi écrire, pour plus que de raison. Pour surfiler la métaphore jusqu’au bout de la corde, je crois que dans l’idée de la porte, ce n’est pas vraiment le palier qui importe. Plutôt le fait qu’elle s’ouvre et se referme autant de fois qu’on veut. Pour autant qu’on ait des mains pour l’entrouvrir, des pieds pour la claquer, des épaules pour l’enfoncer. Je me console avec ça.

    Je pense bien à vous, les gars. Vous me manquerez, un bon bout de temps… Allez, back on track ! Vous avez du boulot. Il y a un continent entier et des flambées de pleines lunes australes qui vous attendent, juste là derrière, sous la corde détendue de la mer. Il suffit de frapper, et puis d’entrer. Ou l’inverse.

    So long !

    (Ecrit et publié a Istanbul)

    Pour suivre le périple des compères de Daniel, ou pour revivre l'aventure depuis le début, cliquez: Enafrique.ch

    Récit détaillé et superbes albums de photos !

     

  • Ceux qui voient le problème

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    Celui qui les aide à voir en parlant dans le noir / Celle qui entrevoit distinctement la nuance entre  la vision qui consume et le voyeurisme qui consomme / Ceux qui voient par procuration / Celui qui observe attentivement le phénomène de masse de la prostitution banalisée par l’usage des webcams / Celle qui fait tout à la maison pendant que son mari joue aux boules au Café de l’Avenir/ Ceux qui se vautrent à longueur de journée pour de la thune et ça fait donc des chômeurs en moins / Celui qui vend ses fils sur Internet sous prétexte que leur mère le trompe sur Meetic  / Celle qui en a marre de voir le mâle partout / Ceux qui voient la mort où elle brille / Celui qui répète que l’argent ne l’intéresse que pour la liberté spirituelle qu’il lui donne /Celle qui va transformer les écrivains et écrivaines en créateurs libérés et performants en leur ouvrant sa Résidence de création surveillée par webcam et jacuzzi conseillé / Ceux qui n’écrivent rien sans un à-valoir sans quoi le lecteur n’avalerait rien non plus / Celui qui écrit des poèmes minimalistes que sa femme gère en tant que produits bio dans son cabinet de podologue zen / Celle qui s’est vendue à un fils de famille genevois dont les affaires internationales lui ont permis de s’éclater dans la nouvelle à human touch dont raffole la directrice  de la Maison des littératures friande aussi de machos latinos/ Ceux qui trouvent les maisons de rendez-vous plus propice à l’échange personnalisé que les salons littéraires même sympas / Celui que le fantastique social intéresse de plus en plus alors même qu’il se fait de moins en moins fréquent / Ceux qui cherchent la stigmatisation médiatique sans considérer le côté mal pratique de la chose / Celui qui préfère les femmes dites de mauvaise vie aux littérateurs dits de bonne comnpagnie / Celle qui a beaucoup péché et pardonnera donc d’autant plus volontiers / Ceux qui ont mené une toute petite vie et n’en sont pas mécontents vu qu’il faut de tout pour moduler les statistiques et qu’ils aimaient bien recevoir les enfants de leurs enfants dans leur jardin arboré avec vue sur le canal de la Suze à Bienne / Celui qui relit Epictète sur son balcon surplombant le trottoir des Pâquis où ces dames restent des plombes à méditer elles aussi à l’humaine condition / Celle qui ne donne aucune chance à la charité compulsive en refusant toute aumône en dessous de dix euros / Ceux qui courent derrière les hyènes et mordent avec des mots / Celui qui refuse de se faire justice afin que justice se fasse / Celle qui voit double tout en restant fidèle à la position du missionnaire / Ceux dont la mort ne veut pas vu qu’ils ont fait le job de leur vivant, etc.