Au Théâtre de Vidy: une jolie mise en théâtre des chroniques du bienheureux Alexandre...
Alexandre Vialatte (1901-1971) achevait toutes ses chroniques en concluant : « Et c’est ainsi qu’Allah est grand », cerise ironique sur un gâteau de cocasserie. Vialatte était en effet la fantaisie loufoque incarnée, sur fond de gravité grinçante, quelque part entre les moralistes français et Pierre Desproges, le coq-à-l’âne auvergnat et l’humoriste Chaval observant des pharmaciens fuyant sous un noir nuage d’orage d’été.
À propos de l’été, le chroniqueur pléthorique (898 pièces) de La Montagne de Clermont-Ferrand (entre autres supports dont Le Crapouillot ou Marie-Claire…) conseillait les vacances dans les houillères noires, sous la pluie, ou même dans les égouts. Les hordes de vacanciers en reviendraient plus optimistes au bureau ou au guichet qu’en s’arrachant aux cocotiers de Palavas-les-Flots ou aux vahinés de la Grande Motte.
Dandy gouailleur du genre anar de droite, Vialatte, qui fut le premier à traduire Kafka et signa une superbe évocation romanesque de la jeunesse intitulée Les fruits du Congo, peignait en somme l’Apocalypse quotidienne de Temps Modernes avec bonhomie, en frémissant à peine du noeud pap’. Sa façon de jouer avec les formules creuses du Café du commerce ou de l’intelligentsia prétentieuse, les Grandes Questions (« Où va l’homme ? ») ou de parodier les sentences définitives (« La femme remonte à la plus haute Antiquité… »), émaillées de (faux) proverbes bantous ou de vraies lapalissades, nous fait toujours sourire, parfois nous désopiler.
Largement rééditées (chez Julliard, aux bons soins de Ferny Besson), les chroniques d’Alexnadre Vialatte, à la fois épatantes à la découverte et un peu répétitives à la longue, n’étaient pas vraiment faites pour le théâtre. Charles Tordjman, mémorable « adaptateur » de Proust, a cependant risqué le passage à la scène en complicité avec Jacques Nichet, autre très fin « lecteur ». La chose pourrait lasser, n’étaient un dispositif scénique plaisant, genre BD en trois dimensions, et une interprétation pétulante, style Deschiens, de trois comédiens également irrésistibles : deux dames marquant l’opposition de la faconde plantureuse et de la gracilité piquante (Clotilde Mollet et Christine Murillo) et un monsieur (Dominique Piron) qu’on dirait sorti d’un dessin de Dubout ou… d’une chronique de Vialatte !
Théâtre de Vidy, Salle de répétition, jusqu’au1er avril, à 19h. sauf le lundi (relâche) et le dimanche 1er avril (18h.30