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Portraits de femmes

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Le regard d’Alain Cavalier. -  J’ai regardé ce matin plusieurs des Portraits réalisés par Alain Cavalier, qui me plaisent beaucoup. Chaque portrait dure une douzaine de minutes, quasiment en plan-fixe mais cadré et «décoré» avec un soin extrême.

Il y a la matelassière au beau visage lumineux et aux mains toutes déformées, qui dit tranquillement que son travail a été sa vie. Son mari ne fichait rien : elle a élevé seule ses cinq enfants sans aide sociale ; elle ne se plaint pas pour autant. Ensuite il y a la fileuse qui prépare une copie de la tapisserie de Bayeux. Elle apprête elle-même les teintures de sa laine. On la voit extraire la garance de l’arbuste, puis un certain violet d’un coquillage. Elle a un visage à la Rembrandt dans le clair-obscur. Elle cite la Bible à propos de certains mélanges de matériaux déconseillés. Puis il y a Mauricette la trempeuse, qui réalise des pétales de fleurs artificielles en soie, en coton ou en mousseline. Elle exerce son métier depuis la guerre.

Je pourrais entendre un artisan me parler de son travail des heures et des heures durant, et d’autant plus qu’Alain Cavalier prête une attention réellement religieuse à ces dames.

J’aime beaucoup sa façon égale d’approcher la maître-verrier et la dame-lavabo férue de Verdi. L’une et l’autre sont belles sous son regard, aussi intéressantes l’une que l’autre. Il filme la vilaine lampe qui éclaire le sous-sol de la dame-lavabo et qu’elle appelle son soleil, et vraiment c’est un soleil à ce moment précis, sur une espèce de plante verte. Il filme avec amour la rémouleuse qui a une dégaine à la Léautaud, et le fait qu’il la filme dans un studio bleu, avec sa guimbarde à pédale, au lieu de la suivre dans les rues populaires où elle accoutume de se livrer à son commerce, n’est pas du tout artificiel pour autant. Elle lui dit tranquillement qu’elle a roulé sa première cigarette à treize ans et que telle petite pince, dans son nécessaire, lui permet de couper son petit bouc.

Alain Cavalier a le sens et le goût du détail, souvent traduit par des mots précis, soulignés d’un ton subtilement précieux. Lorsque la bistrote parle de sa mitrailleuse (un système de préparation des apéritifs), il enregistre illico. C’est une espèce d’écrivain à sa façon, et c’est un poète de l’image à n’en pas douter.

Il y a en outre, dans ces portraits, des images évoquant les grands peintres, que ce soit Rembrandt, Vermeer ou Georges de La Tour.

(Ce texte est extrait du livre à paraître sous le titre de  Chemins de traverse, daté de 2004, après une rencontre avec Alain Cavalier)

Les Portraits de femmes d'Alain Cavalier font l'objet d'un DVD.

Commentaires

  • merci pour ce texte, vous m' avez redonné goût au cinéma d' Alain Cavalier, non que je l'avais perdu, mais plutôt égaré.

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