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Jouvence des vieilles peaux

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Notes de l’isba (14)

Mémoire vive. - Proust ne dit pas ce qu’on a été mais ce que nous devenons en ressaisissant notre matière de mémoire. La mémoire active de Proust est un filtre qui se développe et s’affine au fur et à mesure qu’elle s’exerce, comme augmentée par elle-même et par la matière qu’elle ne cesse de filtrer et de transformer – de mettre littéralement en forme-, et de ce mouvement constant, de ce brassage de grands fonds en moires affleurées, de cette distillation fine émanent ces pages de loin en loin sublimes qui sont comme autant d’expressions d’une extase en lentes ou fulgurantes fusées.

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Une pensée libre. - La lecture du vieux Gustave Thibon, dans L’Illusion féconde recueillant les pensées du jeune homme de nonante ans, me fait toujours du bien et depuis mes vingt ans de personnaliste de gauche et de droite en même temps et de tous les goûts de ma nature. Or il en va de cette lecture comme du bon pain et de l’eau claire, sur une faim et une soif que jamais les Modernes n’ont rassasiée ou étanchée. Ce vieux veilleur des champs m’est resté comme l’incarnation d’un penseur indépendant selon mon cœur de tous les âges, certes nourri de ce fou de Nietzsche et de l’allumée Simone Weil qu’il a défendus comme personne, mais à mes yeux libre de toute attache en dépit de ses liens avec la France souverainiste et le catholicisme traditionnel, dont je me fiche évidemment pour mieux écouter sa vraie voix ferme et bonne de passant profond, paysan du ciel comme Haldas ou Ramuz, fidèle assurément mais plus que cela : laissant à chacun vivre ses fidélités innées ou acquises -  et notre commun amour pour la vie et les gens, la poésie et les livres qui diffusent à travers les siens que je rassemblerai tous ici, à l’isba, au bord du ciel.

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Passé l'âge. - Une sagesse qui ne rayonne pas, une vieillesse qui ne rayonne pas, une parole qui ne rayonne pas restent à mes yeux lettres mortes, auxquelles je préfère les égarements juvéniles et les folies rebelles. Mais les vieilles peaux dorées par le Temps, les vieilles sentences répétées en psalmodiant sous l’arbre à sagesse, la vieille chanson de l’humanité qui se raconte n’en finissent pas, tous âges mêlés comme lapins au clapier humain, de nous revivifier…    

Gustave Thibon. L'illusion féconde. Fayard, 186p.


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