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L'émotion aux rives de l'autisme

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Ramòn Giger, dans son premier film, explore les chemins bordés d'abîmes de la relation avec Roman Dick.


Il n’a pas trente ans, il porte le nom d’un musicien mondialement connu dans le domaine du violon d’avant-garde, mais son premier film n’est en rien d’un « fils de», marqué par l’affirmation d’un regard et d’une qualité d’expression uniques. Nom : Giger, fils de Paul. Prénom : Ramòn. Prénom de l’autiste auquel il a consacré Eine ruhige Jacke : Roman.
Mais qui est donc Ramòn ? C’est ce qu’on se demande en découvrant le portrait en mouvement de Roman. En même temps que chacun se demande devant ce miroir vertigineusement proche et fuyant d’un film qui fait sentir beaucoup plus qu’il n’explique: et toi, Madame, Monsieur, qui es-tu ?
Ramòn Giger est né le 2 décembre 1982 dans un bled du canton d’Appenzell. Il a deux frères plus âgés que lui, d’un autre père, et une sœur adoptive de son âge. L’évocation de son enfance, dans une ferme bohème de la région de Wald, lui inspire un large sourire. Comme l’ « échange » scolaire qui lui a fait passer une année à Los Angeles où, grand diable, il a pu assouvir sa passion du basket. Auparavant, il avait nourri d’autres rêves d’enfant en rupture avec l’univers « artiste » de papa : dès six ans, celui de devenir fermier, ou encore pêcheur…
De retour des States, dont le séjour le mûrit, Ramon poursuivit ses études à Saint-Gall et dès l’an 2000 à Bâle, à l’école d’arts visuels. Voilà pour le cursus apparent, qui ne dit rien de tout un monde qu’on devine entre les lignes, ou plutôt entre les signes, du premier et seul film que Ramòn, fils d’Ursina, a tourné jusque-là. « Mais ce ne sera pas le dernier », sourit-il encore. Et d’évoquer son désir d’achopper à un portrait du père avec lequel, on le sent, les relations n’ont pas toujours été faciles, même s’il se dit très attaché à lui.
Quant à son ralliement au monde « artiste », il s’est opéré quand l’impératif de défendre sa patrie, à vingt ans, s’est transformé en période de service civil durant laquelle il a découvert l’univers de l’autisme dans une institution soleuroise spécialisée, fondée dans les années 60 à Roderis. C’est alors que Ramòn a rencontré Roman et que le thème de son film a germé du même coup.
Or Ramon est lui-même une partie du thème du film consacré à Roman. Et ce que nous découvrons à notre tour, en regardant Eine ruhige Jacke, est bien plus qu’un documentaire «sur l’autisme». Ce film traite en effet, d’une façon beaucoup plus large et profonde, de notre relation avec les autres, mais aussi avec nous-mêmes, avec la nature, avec ce que nous appelons la normalité et ce que beaucoup appellent encore les « anormaux ».
L’autisme pose, évidemment, la question de la communication : Roman, en effet, ne parle pas avec des mots. Et ça fait peur. Tout de suite, beaucoup seront tentés de trouver une explication causale rapide. Naguère on disait : sûrement la faute de la mère…
Tandis que Ramon, illico, pose la question du préjugé. Et ne se contente pas d’une réponse abstraite mais la vit « sur le terrain », en relation avec les autres. Le thérapeute-forestier Xaver Wirth (1953-2009) va jouer, alors, un rôle essentiel dans ce rapport vivant, intense, souvent poignant, avec le jeune autiste extrêmement présent à certains moments, ou semblant l’être. Participant lui-même au film, et filant tout à coup comme un lutin dans la forêt ou vers Dieu sait quel labyrinthe chaotique qu’il filme lui-même avec la caméra de Ramon. Pour aller où ? Et toi, Madame, Monsieur, tu vas où ?
Après les six mois de tournage du film (90 minutes de prises signées Ramon, 30 minutes signées Roman, 74 minutes au final), les deux compères ont fait ensemble un grand voyage. Très forte expérience, selon Ramon, qui commente très prudemment, cependant, la vraie nature de sa relation avec Roman. «Je pourrais appeler notre lien : confiance. Mais c’est un sentiment plus qu’un savoir… »
Un sentiment qui va de pair avec celui qui se dégage du film consacré par Ramon à Roman : que celui-ci n’est pas qu’un autiste mais, comme nous tous, Madame, Monsieur, une « personne totale »…



Dates de Ramon Giger
Naissance. 2 décembre 1982
1997-98 Séjour aux Etats-Unis.
2000 Installation à Bâle, qu’il dit désormais « sa » ville.
2004 Rencontre de Roman Dick
2007-2008 Tournage de Eine ruhige Jacke

Nyon. Visions du réel. Eine ruhige Jacke sera projeté, au Capitole 1, le 8 avril à 16h.30 et le 10 avril à 14h.30 en la même salle.


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