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  • Houellebecq en traversée

     

    Houellebecq (kuffer v1).jpgLa carte et le territoire - Lecture annotée.

    Avertissement : il est déconseillé de lire ces notes avant d’avoir lu le roman.

    Exergue de Charles d’Orléans : « Le monde est ennuyé de moy. Et moy pareillement de luy ».

    - « Jeff Koons venait de se lever de son siège, les bras lancés en avant dans un élan d’enthousiasme ».
    - En face de la star de l’art kitsch-porno-branché : Damien Hirst, autre figure de la pseudo-avant-garde contemporaine hyperfriquée.
    - On comprend que les deux lascars sont en train d’être portraiturés dans un décor chicos, par un certain Jed.
    - Jed éprouve autant de peine à saisir l’expression de Koons que s’il s’agissait d’un « pornographe mormon ». Bien vu.
    - Kui trouve également une dégaine de vendeur de décapotables Chevrolet. Pas mal vu non plus.
    - C’est tout de suite très vif, comme dans les premières pages d’Extension.
    - On est le 15 décembre, et son chauffe-eau fait de drôles de bruits.
    - Un an auparavant, il était carrément tombé en panne.
    - Or il se met en quête d’un réparateur.
    - Qu’il finit par dénicher au matin du 24 décembre en la personne d’un Croate.
    - Lequel lui donne l’impression d’en « savoir gros sur la vie ».
    - Jed se rappelle comment in s’est installé dans son atelier d’artiste, neuf ans auparavant.
    - Il a fait récemment un portrait de son père au milieu de ses collaborateurs. Dont la composition est inspirée par une toile de Lorenzo Lotto…
    - Son père, architecte, est un homme fini.
    - Il va passer Noël avec lui.
    - Le vieux vit à Raincy dans une zone désormais à risques.
    - Un an plus tard, le chauffe-eau a tenu et le portrait intitulé Jean-Pierre Martin quittant son entreprise se trouve chez le galeriste de Jed.
    - Excellente modulation de la temporalité narrative.
    - Le père a quitté le Raincy pour une maison de retraite.
    - Se retrouvent Chez Papa.
    - Il parle de sa prochaine expo à son père, dont il évoque la vie de vieux veuf (p.22)
    - Et l’idée de son galeriste de faire un portrait de Michel Houellebecq.
    - Que son père, à son étonnement, connaît.
    - Le père de Jed : « C’est un bon auteur, il me semble. C’est agréable à lire, et il a une vision assez juste de la société »…
    - Jed observe les autres vieillards pendant qu’ils conversent.
    - Voit son père désormais « dans la position de l’enfant pensionnaire ».
    - Tout cela tendrement amer et mélancolique. Très fin, très bien perçu.
    - Jed de son père : « Il attend la libération, l’envol »…

    - Se réveille pendant la nuit suivante.
    - Son chauffe-eau lui rappelle le réparateur croate.
    - Qui lui a dit qu’il rêvait d’ouvrir une location de scooters des mers en l’île de Hvar.
    - Va voir sur Internet ce qu’il en est de Hvar…
    - Puis revient à sa toile inachevée de Koons et Hirst.
    - Se demande s’il ne faudrait pas peindre des ailes à Jeff Koons…
    - La paire canaille est au top du classement mondial d’ArtPrice, Hirst No 1 et Koons No 2.
    - Jed, lui, est No 583, mais 17e Français.
    - « C’était vraiment un tableau de merde qu’il était en train de faire ».
    - Il se considère lui-même à une « fin de cycle ». (p.31)
    -
    - Première partie
    - Retour à l’enfance de Jed.
    - Qui a connu ses premiers moments d’extase en dessinant.
    - Des fleurs pour commencer.
    - Dont il a compris le sort dès ses 5 ans…
    - Sensible aussi à la volonté de vivre des animaux.
    - Son père est PDG d’une entreprise de construction de stations balnéaires.
    - La première peinture de Jed, une gouache, représentait « Les foins en Allemagne ».
    - Une œuvre d’imagination…
    - Considère que la beauté est « secondaire en peinture ».
    - Son grand-père était photographe, et son père a eu de grandes espérances d’artiste.
    - En entrant aux Beaux-Arts de Paris, Jed a abandonné la peinture pour la photo.
    - Il a hérité une chambre Linhhof Master Tecnika Classic de son aïeul.
    - Pendant ses études, il s’adonne à la photo des objets manufacturés de toute sorte.
    - Son ambition encyclopédique est de « constituer un catalogue exhaustif des objets de fabrication humaine à l’âge industriel ».
    - Me rappelle une idée de Walter Benjamin.
    - Après son diplôme il se rend compte qu’il va être seul…
    - Il a accumulé quelque 11.000 photos.
    - Après ses études, il revient vivre avec son père au Raincy.

    - Il est alors question de la mère de Jed, Anne, qui a épousé son père par amour et s’est suicidée à l’âge de 40 ans.
    - Son père, un jour, lui propose de l’aider à acheter un appart à Paris, pour mieux percer.
    - Ce qui l’amène au boulevard de l’Hôpital.
    - Sa mère ressemble au portrait d’Agathe von Astighwelt ( ???).
    - Une nature apparemment angoissée.
    - Ne l’imagine pas à un concert de rock dans les années 60…
    - Jed a été casé dans un internat dès sa sixième.
    - Accomplit des études sérieuses et tristes. Lit beaucoup. Sa qualité d’orphelin le protège.
    - Soin projet d’artiste de donner « une description objective du monde » se fonde donc sur un terreau dense.
    - En tout cas on voit très bien le personnage.
    - Après son installation dans le XIIIe, le goût pour la photo lui passe.
    - Quelque temps, il va se passionner pour l’émission de Julien Lepers, Questions pour un champion.
    - Julien Lepers dispute la place de Jean-Pierre Foucault dans son top ten des animateurs…
    - Puis son père l’invite à se rendre à l’enterrement de sa grand-mère, dans la Creuse.
    - C’est au cours de ce voyage qu’il subit son second grand choc esthétique, en achetant la carte « Michelin Départements » de la Creuse, dont la sublimité le bouleverse…
    - Une carte au 1 :150.000e.
    - « L’essence de la modernité, de l’appréhension scientifique et technique du monde, s’y trouvait mêlée avec l’essence de la vie animale. »
    - Devant le corps de sa grand-mère dans son cercueil de chêne, son père lui dit timidement : « Elle croyait en Dieu, tu sais »…
    - Suit un enterrement « à l’ancienne », évoqué avec une sorte de tendre ironie.
    - Le prêtre est un « vieux routier » qui ne cherche pas à escamoter « la réalité du décès ».
    - Son père reparti à Paris, Jed repense à une certaine Geneviève, avec laquelle il a perdu sa virginité.
    - Une Malgache qu’il a connue à l’époque des Beaux-Arts et qui lui a raconté les coutumes de son pays
    - Une étudiante en art qui fait commerce de ses charmes pour arrondir ses fins de mois, et qui lui a tout appris.
    - En matière de dessin, Geneviève était essentiellement « innocente et joyeuse », ce qui le touche.
    - Mais Geneviève lui a préféré un avocat d’affaires.
    - Quant à la maison de la grand-mère, on a décidé de la garder.
    - Considérations sociologiques bien filées sur l’évolution de la campagne française, qui prendront tout leur sens vingt ans plus tard… (p. 61)
    - À son retour à Paris, Jed achète toutes les cartes « Michelin Régions ».
    - Il va travailler pendant six mois sur ce matériau.
    - Et vient le jour du vernissage.
    - Auquel il remarque bientôt « la plus belle femme qu’il ait jamais vue ».
    - Elle montre beaucoup d’attention à ses travaux.
    - Lui dit travailler chez Michelin : Olga Sheremoyova, du Servie de la communication.
    - La rappelle le lendemain.
    - Se voient Chez Anthony et Georges, rue d’Arras.
    - Olga essaie de pousser le mécénat de Michelin dans le domaine de l’art.
    - Olga trouve les cartes de Jed « vraiment belles ».
    - Après le repas, fin, elle l’accompagne chez lui.
    - Mais il vaut mieux aller chez elle.
    - Où ils vivront leur liaison.
    - Olga est une jeune Russe de l’élite.
    - Elle le fait beaucoup sortir.
    - Il apprend à se tenir en société, sur la défensive.
    - Avec une « courtoise neutralité ».
    - Il en vient à rencontrer Beigbeder en conversation avec une ex-hardeuse qui vient de poublier des entretiens avec un religieux tibétain.
    - Beigbeder à Jed : « Alors c’est vous ? ». par allusion à Olga, qu’il a « eue ».
    - Mais Jed ne sait pas quoi répondre. Et MH philosophe : « Que répondre, en général, aux interrogations humaines ». Exquis.
    - Croquis rapide de FB. Pas mal.
    - Déconne gentiment : « La littérature, comme plan, c’est complètement râpé », dit-il à Jed, sous entendu. C’est artiste qu’il faut être pour lever les plus belles femmes. Ce gens de choses.
    - Dans la foulée, Jed s’est trouvé « lancé ».
    - Sa prochaine expo est projetée, à laquelle collaborera une attachée de presse, Marylin, qui dit travailler « dans l’humain ».
    - Marylin fait très fort.
    - Titre de l’exposition : La carte est plus forte que le territoire.
    - Marylin gère les médias en championne.
    - Les articles vont gicler.
    - Patrick Kéchichian va délirer dans le genre mystique.
    - On fête l’événement chez les deux tantes sympas.
    - Anthony a un peu forci. MH : « c’était sans doute inévitable, la sécrétion de testostérone diminue avec l’âge, le taux de masse graisseuse augmente, il abordait l’âge critique ». Toujours la note romantique…
    - Où il est question de l’outing décisif de Jean-Pierre Pernaut, décisif pour les cuisiniers…
    - Un mois plus tard, Marylin débarque avec la presse. « On a tout le monde »…
    - Et Marylin repart vers sa destinée obscure de « guerrière »…
    - Considérations de MH sur les effets de mode et les engouements spontanés. (p.89)
    - Le succès de Jed mis en rapport avec celui des cours de cuisine, de la randonnée et des nouvelles créations charcutières ou fromagères, entre autres vins exquis.
    - De la « magie du terroir » et autres tartes.
    - Patrick Forestier, patron de Michelin, convoque Jed et lui déclare : We are a team »…
    - Lui propose de se déployer par lui-même, non sans lui proposer un contrat win-win.
    - Tout ça est finement et rondement mené.
    - Jed découvre ensuite les arcanes de la « formation du prix ».
    - En plaçant se sphotos en ligne, constate qu’il vaut cher : 2000 euros pour du 40x60.
    - Son revenu, entretemps, a dépassé celui d’Olga.
    - Considérations sur les goûts culinaires de l’époque et la préférence pour unecuisine « à l’anciene », qui incite Olga à contacter le directeur du segment Food luxe pour booster la gastro vintage. Exquisite.
    - Jed et Olga vivent plusieurs semaines de bonheur.
    - Souvent trois pages assez carabinées sur l’épicurisme tendance, la « cuisine d’intuition » et toutes ces sublimités coûteuses.
    - Cependant Olga va poursuivre sa vie en Russie, pour développer la présence de Michelin.
    - Elle propose à Jed de la suivre.
    - Mais il met du temps à répondre… (p.103)
    - Le 28 juin, Jed accompagne Olga à Roissy.
    - Se sent un peu démuni.
    - L’impression qu’il va franchir une nouvelle étape.
    - Réflexion sur les relations humaines, où il ne brille pas, et sur la famille.
    - Après lke départ d’Olga, de retour chez lui, son travail récent lui semble compètement vide. Il fiche tout à la poubelle.
    - Des années plus tard, devenu extrêmement célèbre, il dira qu’être artiste a toujours représenté à ses yeux le fait d’être soumis.
    - Il faudrait plutôt traduire : poreux.
    - Soumis à ses intuitions.
    - C’est pour ça qu’il détruit son travail.
    - Forestier, le directeur de la communication de Michelin, n’accueille pas mal la nouvelle.
    - Forestier déplore la mutation d’Olga.
    - Estime que la DG l’a enculé.
    - Les investisseurs étrangers dictent la nouvelle donne.
    - Il encourage Jed à rebondir.
    - Ils ont collaboré win-win…
    - Rien ne se passe pendant les semaines qui suivent.
    - Puis un type, la cinquantaine. L’aiur d’un situationniste belge, le hèle. Un certain Franz Teller, qui se dit galeriste.
    - Attiré par la mutation de Jed.
    - Se présente comme un pur intuitif, puis fait visiter sa galerie à Jed, une ancienne usine de construction métallique.
    - Jed est décontenancé par cette rencontre.
    - En octobre il fait une autre expérience intéressante qui l’amène rue Trudaine, dans le cabinet de son père.
    - Qu’il va retrouver.
    - Pour lui conseiller de se retirer.
    - Ce qui interloque son père : « Mais qu’est-ce que je ferais ? ».
    - Jed aussi vit un mauvais passage en matière de vie végétative.
    - Le souvenir de Joe Dassin, trèps apprécié d’Olga, le tarabuste…
    - Sur quoi, Jed passant devant le magasin Sennelier, va se décider son « retour à la peinture », qui sera très commenté plus tard…
    - Du pur Houellebecq. « Par la suite, Jed ne devait pas rester fidèle à la marque Sennelier »…
    - Ses deux prochaines toiles seront consacrée à un boucher chevalin et à un gérant de bar-tabac. À l’huile…
    - Se lance dans une série de métiers. Très Cavalier cela.
    - Sans rien de nostalgique au demeurant.
    - Cette série va durer sept ans.
    - Il y aura aussi une Aimée, escort girl.
    - Et La conversation de Palo Alto, chef-d’œuvre probable de la série de « compositions d’entreprise ».
    - 22 tableaux réalisés en moins de 18 mois.

    - Deuxième partie
    - Le 25 décembre, Jed décide d’organiser une nouvelle expo.
    - Envoie un mail de relance à Houellebecq.
    - Pui il appelle Beigbeder pour lui demander un service.
    - Ils se retrouvent à la Closerie des Lilas.
    - FB est d’accord de l’aider à s’introduire chez MH.
    - Lui suggère de jouer sur l’argent.
    - MH a été « séché » par son divorce.
    - Lui apprend qu’Olga l’a vraiment aimé.
    - Et qu’elle va diriger Michelin TV, sous l responsabilité de Jean-Pierre Pernaut.
    - Jed quitte Roissy pour Shannon.
    - Réagit à la vision d’une galerie de portraits de célébrités.
    - Se rend donc chez Houellebecq.
    - Qui a choisi l’ « option bungalow » et néglige sa pelouse…
    - Houellebecq s’excuse pour l’état de sa pelouse.
    - En ces lieux depuis trois ans.
    - MH lui offre de la charcuterie.
    - Puis se lance dans une défense fervente du porc « capable d’une affection sincère et exclusive pour son maître ».
    - J’aime beaucoup cet humour au second degré. MH ne craint pas de paraître idiot. Bon point.
    - MH examine ensuite les travaux de Jed et conclut qu’il va accepter.
    - Parle ensuite des radiateurs en fonte, et du parcours de la fonte dans le monde actuel, lié à un drame humain…
    - Jed explique qu’il est revenu à la peinture à cause des personnages.
    - Trouve que la nature morte n’a plus aucun sens depuis la photo.
    - Puis MH propose un dîner au Oakwood Arms.
    - Fait ensuite l’éloge de la Taïlande, qui est plus simple que l’Irlande, « équatorial, administratif »….
    - Puis, comme Jed lui reproche un peu de jouer son rôle, MH annonce qu’il va retourner sans la Loiret. Où il pourrait chasser le ragondin…
    - Ils vont donc dîner. MH parle de la haien qui le poursuit.
    - Parlent des journaux.
    - Puis du retour à la peinture.
    - Jed dit que ce qu’il fait se situe « entièrement dans le social ».
    - Jed lui propose de le payer avec un tableau.
    - MH dit que la seule chose qu’il possède dans sa vie se réduit à des murs… (p.150)
    - Le lendemain, Jed va dans une grande surface puis gagne l’aéroport. Nouvelles considérations sur la topologie du monde.
    - Sur le départ, Jed téléphone à MH pour lui dire qu’il aimerait faire son portrait.
    - Dialogue exquis : « Il y a un jour, une semaine spéciale où vous êtes libre ? ». Et MH : Pas vraiment. La plupart du temps, je ne fais rien… »
    - Franz est emballé par la perspective.
    - Marylin refait surface.
    - La série des portraits fera l’objet de la prochaine expo.
    - Une dizaine d’années se sont écoulées.
    - Il est sorti du circuit de l’art. Et ce sera donc son grand retour.
    - Il retourne ensuite en Irlande.
    - Où MH le reçoit en pyjama rayé gris, puant un peu.
    - Le reçoit plutôt mal. Il a replongé au niveau charcuterie et ressemble à une vieille tortue malade.
    - Très méfiant quand Jed s’approche de ses manuscrits.
    - Plus inattendu que jamais, MH se livre à une apologie de Jean-Louis Curtis. Pour ses pastiches de La France m’épuise…
    - Deux pages sur Curtis (pp.168-168)
    - Suivent des considérations sur les goûts de MH en matière de consommation : à propos des chaussures Paraboot Marcje, de l’ordi Canon Libris et de la parka Camel Legend…
    - Evoquant la disparition de la Parka Legend, MH pleure…
    - Puis l’ « illustre écrivain », comme Houellebecq appelle MH, se livre à diverses facéties, en « vieux décadent fatigué ».
    - Trouve l’idée du portrait « ronflante »…
    - Jed se rappelle ce qu’Olga lui a dit de son regard : un regard intense…
    - MH lui dit que son sentiment d’apartenance à l’espèce humaine diminue de plus en plus. (p.175)
    - Puis MH se livre à une diatribe contre Picasso qui selon lui a une « âme hideuse ».
    - Puis, quand Jed le quitte, il lui dit avec un sourire désarmant qu’il prend la peinture au sérieux…
    - Jed revient par Beauvais.
    - OÙ il « prend du recul »…
    - Suivent des considération, émises par des historiens d’art, sur le portrait de MH par Jed. (Pp. 184-185)
    - Il y est question de l’ « incroyable expressivité » du sujet, avec quelque chose de démoniaque dans la « transe »…
    - Le texte de MH, pour le catalogue, arrive le 31 ocobre. Une cinquantaine de pages contenant des « intuitions intéressantes ».
    - MH qualifie le regard de Jed comme d’un ethnologue.
    - Suit un développement, à propos de leur portrait, sur Bill Gates et Steve Jobs (pp.189-190). Très intéressant ! Cela donne envie de voir le tableau…
    - Le vernissage de l’expo est fixé au 11 décembre.
    - Avant de se pointer à l’expo, Jed se rend dans une grande surface. Bain de foule et d’objets…
    - Se demande s’il n’est pas gagné par un certain sentiment d’amitié pour Houdellebecq.
    - Quand il arrive à l’expo, Marylin lui dit : « Ya du lourd ».
    - Et de fait il y a de l’acheteur international et François Pinault et autres huiles…
    - Patrick Kéchichian en prend pour son grade, dont la dame du Monde refuse l’article genre « cuculterie bondieusarde».
    - La fortune commence de sourire à Jed.
    - Qui a l’air plus ou moins de s’en foutre.
    - Franz lui parle des offres d’hommes d’affaires qui veulent qu’on leur tire leur portrait, comme sous l’Ancien Régime.
    - Jed est toujours décidé à donner son portrait à MH, estimé 750.000 euros.
    - Jed est devenu l’artiste français le plus payé.
    - Mais on sent qu’il en est déjà fatigué. Ce que Franz perçoit.
    - Il va passer Noël avev son père.
    - Dont le cancer du rectum s’est aggravé.
    - « Je peux plus supporter la gueule des êtres humains », lui dit-il.
    - La rencontre est émouvante.
    - Jed raconte longuement la motivation de sa peinture, visant à décrire les rouages de la société.
    - Dit à Jed qu’il ne va pas lui expliquer les causes du suicide de sa mère, vu qu’il n’en sait rien (« Probablement est-ce qu’elle n’aimait pas la vie, voilà tout ») mais précise que le cyanure l’a empêchée de souffrir.
    - Le père n’a connu aucune autre femme, mais il envie de clopes.
    - Que Jed va lui chercher au coin de la rue.
    - Evoque ensuite le temps de la fumée et des grandes discussions, de ses espérances de jeune architecte, de son opposition au fonctionnalisme et de son sentiment d’écolo avant la lettre, de Fourier – très intéressant aperçu. (p.222)
    - Evoque son opposition à Corbu.
    - Très intéressant développement sur William Morris.
    - Distinction entre art et artisanat, sur la ligne de Gropius.
    - Comment il a fini par se résigner à fabriquer des stations balnéaires, qui l’ont enrichi. L’homme des illusions perdues…
    - Le 25 décembre, Olga refait surface.
    - Qui l’infite à une grande réception chez Jean-Pierre Pernaut.
    - Notes gratinées sur la « personnalité visionnaire » de cet apôtre de l’authenticité et des vraies valeurs.
    - Le lendemain, il achète « Les Magnifiques Métiers de l’artisanat », qu’il rapproche de William Morris et de sa notion de « progrès lent ».
    - Divers propos délicieusement pince-sans-tiure sur le monde des médias,
    - Puis il téléphone à Houellebecq, qui vient de couper du bois pendant une heure et se trouve en pleine forme. Lui annionce qu’il va lui amener son portrait…
    - MH a l’air heureux.
    - Réception mahousse chez Jean-Pierre Pernaut,
    - Dont l’hôtel particulier, en Vendée, est gardé par des paysans à fourches.
    - Une dizaine de binious bretons font la musique.
    - Jed n’a jamais vu in si grand appart de sa vie.
    - Il y a là 200-300 invités.
    - Jed a peint « Le journaliste Jean-Pierre Paraut animant un comité de rédaction », un tableau « discret ».
    - Il y a là Patrick Le Lay, Julien Lepers, Pierre Bellemare, Claire Chazal, et le staff de Michelin qui donne le ton…
    - Finalement, Olga ramène chez elle le « petit Français fragile ».
    - Le lendemain Jed, bientôt 40 ans, se réveille auprès d’Olga.
    - « La sexualité est une chose fragile, il est difficile d’y entrer, si facile d’en sortir »…
    - Il se rend compte que c’est fini entre eux.
    - Le portrait de Houellebecq fait partie de sa dernière synthèse.
    - Jed avance par synthèses successives. Très intéressant.
    - Ensuite monte dans son Audi direction le trou de province où Houellebecq se terre.
    - L’écrivain a changé depuis la dernière fois.
    - Il dort dans son ancien lit d’enfant.
    - Il prétend qu’il a essayé d’écrire un poème sur le soiseaux, et qu’il vieillit « tranquillement ».
    - Le remercie pour le tableau.
    - Sans faire autrement attention.
    - « Il me rappellera que j’ai eu une vie intense, par moments ». Tordant.
    - Parle de Tocqueville.
    - Puis de William Morris.

    - Troisième partie
    - Où il est question d’un certain Jasselin.
    - Un flic, dont le collègue Ferber est prostré.
    - Trois gendarmes sont également sonnés.
    - On flaire la scène de crime.
    - À côté d’une « longère ». Et c’est comme ça qu’on a appelé la maison de Houelebecq.
    - Pas mal de mouches sur les lieux.
    - Et de fait, la victime est Michel Houellebecq.
    - Un crime affreux. La victime retrouvée décapitée et en charpie…
    - Suit un peu de documentation sur le commissaire
    - Satire sur le village culturel reconstutué.
    - Avec une rue Heidegger et une place Parménide. Mouais.
    - On est alors en 2011…
    - Jasselin revient aux lieux du crime.
    - Les experts s’activent.
    - La tête de l’écrivain et du chien ont été découpées proprement, par un pro.
    - Suivent quelques pages détaillées sur le commissaire.
    - Longue digression pourquoi ?
    - Digression sur son chien Michou, bichon bolonais…
    - Un peu fastidieux à mon goût.
    - De la stérilité du commissaire et de son chien bichon Michou…
    - Tout ça pas vraiment passionnant.
    - Les flics à propos de MH : « Ce type semblait n’avoir aucune vie privée ».
    - Divorcé deux fois, un enfant qu’il ne voyait pas.
    - L’enquête se poursuit sur la piste médicale.
    - Le lendemain, la nouvelle éclate dans les médias.
    - Tout le monde se dit « atterré ».
    - Teresa Cremisi évoque les ennemis littéraires de MH devant les flics.
    - Puis c’est l’enterrement (p.317), au cimetière du Montparnasse.
    - Dans une concession proche de la tombe d’Emmanuel Bove !
    - MH le présumé athée s’est fait discrètement baptiser six mois auparavant, apprend-on.
    - Les restes très déchiquetés de l’écrivain ont été recueillis dans des sachets et placés dans un cercueil d’enfant.
    - De l’opinion de Jasselin sur les seins siliconés (p.329)
    - Jasselin et sa femme Hélène, économiste, ont d’intéressantes conversations.
    - Jasselin à propos de MH : « Au total, il avait rarement vu quelqu’un ayant une vie aussi chiante ».
    - L’enquête se poursuit dans l’ordinateur de MH.
    - Un « petit vieux» et sympa…
    - Quelques Ex qui témoigneront.
    - On remonte jusqu’à Jed Martin.
    - La mort de MH a surpris Jed.
    - Son père l’a convoqué pour lui dire qu’il a décidé de se faire euthanasier. En Suisse.
    - Jed réagit assez piteusement.
    - Etre l’enfant de deux suicidés ne lui plait pas. Trouve que ça fait beaucoup.
    - Son père le prend mal.
    - Mais lui-même n’éprouve pour la vie qu’ »un amour hésitant ».
    - Jed va comparaître devant Jasselin. (p.348)
    - « La modernité était peut-être une erreur, se dit Jed pour la première fois de sa vue » en avisant le bâtiment de l’Institut à la rotondité inutile…
    - Jasselin lui apprend que MH a été découpé en lanières.
    - Sur les photos, le sol jonché des bouts d’Houellebecq évoque un Pollock. Comique.
    - Jed est assez secoué par le Pollock.
    - Ils se rendent ensemble dans le Loiret, au domicile de MH.
    - Discussion sur le mal (p.358).
    - « Le monde est médiocre », dit Jed, « et celui qui a commis ce meurtre au augmenté la médiocrité dans le monde ».
    - Ils arrivent à Souppes, où l’écrivain a vécu ses derniers jozrs.
    - L’évocation des lieux fait très fort penser à du Ballard.
    - Jed constate aussitôt que son tableau a été volé.
    - Un tableau qui vaut maintenant 900.000 euros.
    - Jasselin conclut que l’affaire est résolue : le vol a été maquillé en crime.
    - On retrouve Jed à Zurich, sur le straces de son pèpre et de l’association Dignitas d’aide au suicide.
    - L’entreprise jouxte un bordel de luxe.
    - Un peu téléphoné, mais on est dans la satire.
    - Jed voit les cercueils sortir à la queue leu-leu du bâtiment de Dignitas.
    - Mais Jed arrive trop tard.
    - « Tout est en ordre », lui dit la réceptionniste. Bien vu ! Il la gifle violemment. Bien fait !
    - Et dire que Ben Jelloun trouve de l’émotion à cet épisode ! Foutaise.


    - Epilogue
    - Quelques mois plus tard, Jasselin part en retraite.
    - Se retire en Bretagne pour jardiner.
    - Fait jurer à Ferber de ne pas laisser tomber l’affaire.
    - L’affaire n’est résolue que 3 ans plus tard, par hasard.
    - Lorsqu’on arrête un trafiquant d’insectes.
    - La piste conduit à un chirurgien collectionneur pervers grave.
    - On trouve chez lui des plastinisations de Von Hagens et le portrait de MH.
    - À présent le tableau vaut 12 millions.
    - Et revient à Jed.
    - Lequel prend congé de son chauffe-eau et s’établit en Creuse à la Candide.
    - Et les années passent.
    - On enterre Beigbeder.
    - L’œuvre de Jed va connaître diverses autres étapes.
    - La France se ruralise de plus en plus vers 2020.
    - Tout est bien.

  • Houellebecq goncourtisé ?

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    Deux mois après sa parution, La Carte et le territoire caracole au top des ventes. Selon Le Nouvel Observateur, le Prix Goncourt lui est acquis. Verdict lundi...

    Michel Houellebecq fut immédiatement remarqué, en 1994, à la parution d’un petit livre percutant au titre suggestif, Extension du domaine de la lutte, annonçant une satire mimétique de la société actuelle obsédée par la réussite sociale, avec de multiples modulations dans la vie quotidienne, au bureau, en ville ou au lit. Observateur aigu des comportements individuels ou collectifs, Houellebecq s’affirma aussitôt par un ton unique, assorti d’un point de vue sur le monde également déjanté, politiquement incorrect à maints égards, plus proche des contre-utopistes à la J.G. Ballard que de ses pairs français. 

    Ces traits se déployèrent  bien plus amplement dans Les particules élémentaires, en 1998, qui firent de lui le véritable «auteur culte» de sa génération, avec la part de frime que peut contenir l'expression, et pas moins  conspué au demeurant qu’adulé. Médium vivant d’une déprime d’époque, Houellebecq passa pour un nihiliste cynique, contre toute évidence. Par ailleurs, le personnage public de l’écrivain, jouant souvent les provocateurs, ne manquait pas une occasion de faire parler de lui.   

    «J’ai la sensation d’avoir participé à des années innovantes et brillantes », déclarait-il dans un entretien avec Paris-Match en 2006. « Ravalec, Dantec et moi, nous avons regardé le monde en face. Cela manquait dans le paysage… ». Or il y a du vrai dans ce rappel de la secousse qui se produisit, en 1994, avec la parution de Cantique de la racaille, de Ravalec, et d’Extension du domaine de la lutte, dans la foulée de Philippe Djian et avant l’expansion de Maurice G. Dantec. En rupture avec le «politiquement correct» de leurs aînés soixante-huitards, ces auteurs, marquèrent une nouvelle façon d’«intervenir» dans les médias, jouant souvent la «provoc». Citant la mort de Guillaume Dustan, autre agitateur extrême, et celle de Philippe Muray, franc-tireur de la pensée critique, comme un double signe de déclin, Houellebecq constatait encore : «On s’est bien amusés, mais la fête est finie. La littérature, elle, continue. Elle traverse des périodes creuses, puis cela revient ».

    Pour Houellebecq, cela ne cessa à vrai dire de «revenir», plus ou moins à son avantage. Entre un procès (en 2006) qui lui fut intenté suite à des termes jugés infamants pour les musulmans (dans le roman Plateforme, où il écrit que « la religion la plus con, c’est quand  même l’islam ») et un recueil épistolaire où il pose, avec Bernard-Henri Lévy, au maudit en butte à toutes les avanies, l’écrivain hyper-médiatisé, et pour le moins consentant, se fit de plus en plus d’ennemis. Ses incursions dans la chanson et le cinéma, mal jugées, ne firent rien pour rehausser sa cote… 

    Parallèlement, son œuvre n’a cessé pour autant de trouver plus de retentissement dans le monde, notamment avec La possibilité d’une île, fascinante saga futuriste jouant sur les avatars du clonage, notamment.

    Enfin, traduit en plus de 40 langues, Michel Houellebecq reste bel et bien le plus marquant des romanciers français du tournant du siècle, en dépit des attaques de tous bords. La dernière en date émane de l’académicien Goncourt Tahar Ben Jelloun, qui condamne (dans La Repubblica) son nouveau roman en termes aussi vagues que définitifs. Pour ne citer qu'un exemple, après l'avoir dénigré dans les grandes largeurs, Ben Jelloun concède le fait que la mort du père du protagoniste, euthanasié à Zurich, est un moment réellement émouvant. Or, s'il y a de l'émotion dans la fin du père de Jed Martin, c'est dans leurs ultimes relations entretenues dans un mouroir de la région parisienne et sûrement pas à Zurich, où le père meurt seul au dam de son fils arrivé trop tard. On espère que tous les Goncourt ne sont pas aussi désinvolte, mais il y a fort à parier que ce premier tir de barrage en annonce d'autres...

     

    Ainsi va toute vie humaine…
    Lorsque Jed Martin, artiste contemporain venu de la photo (par son grand-père), de l’architecture (par son père) et de la vie difficile (par sa mère suicidée), entreprend de faire le portrait de l’artiste millionnaire Jeff Koons et de son pair milliardaire Damien Hirst, il peine. Il va même piétiner et lacérer cette toile, alors que d’autres de la même veine, dont le portrait de Michel Houellebecq, lui vaudront de devenir l’un des artistes français les plus cotés de l’époque.
    Depuis qu’il a commencé de dessiner, avant de passer à la photo de boulons et de clefs anglaises, puis à la prise de vues en relief démarquées des cartes Michelin, Jed s’est ingénument ingénié à représenter les objets du travail humain, puis des acteurs de ce travail dans sa série des métiers simples, avant sa représentation des célébrités jouant le grand jeu actuel de l’activité mondiale, de Bill Gates à Steve Jobs. Or, ce qu’il n’a pas prévu, c’est que ses tâtons artistiques le propulsent soudain au premier rang du marché de l’art, comme Houellebecq s’est retrouvé au top de la notoriété littéraire mondiale.
    Tout cela qui n’est à peu près rien au vu du vieillissement de chacun et de l’évolution du monde, où les Chinois investissent le tourisme rural de France profonde, dont l’agriculture repique vers 2020 alors que les immigrés vont chercher meilleure fortune ailleurs…
    Portrait d’un « enfant du siècle » mêlant clairvoyance réaliste et bonne volonté, dans le sillage d’un père résigné à ne pas accomplir ses grandes espérances, La carte et le territoire est à la fois une satire carabinée de tous les simulacres sociaux (l’impayable réception chez Jean-Pierre Pernaut) et des joyeuses impostures de la culture, où une toile se vend soudain 12 millions d’euros comme par magie.
    Plus que dans les romans précédents de Michel Houellebecq, qui reste un incomparable observateur des mécanismes sociaux, ce roman « travaille » les liens affectifs fondamentaux (à commencer par les retrouvailles de Jed avec son père, mais également dans son approche des personnages féminins) et l’interrogation douce-amère sur le sens de nos destinées. Sauvagement assassiné avec son chien en 2016, l’auteur joue magnifiquement, enfin, avec les clichés littéraires au goût du jour (dont ceux du thriller gore) tout en développant une méditation mélancolique sur nos fins humaines. On notera enfin que le Michel Houellebecq du roman, avant que son corps décapité ne se fasse découper en longues lanières, se fait discrètement baptiser catholique. Pour démentir Tahar Ben Jelloun qui le taxe de mégalomanie aggravée, Houellebecq enterre son clone littéraire avec une certaine discrétion, au cimetière de Montparnasse, dans un cercueil d'enfant qui suffit à contenir ses pauvres restes...
    Michel Houellebecq. La carte et le territoire. Flammarion, 428p. 
     

  • Ceux qui remettent ça

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    Celui qui ne s’est jamais laissé abattre / Celle qui revient de plus loin qu’on ne croit / Ceux dont les bleus sont autant de médailles / Celui qui repart comme en 40 à sa drôle de guerre / Celle qui brode sa vie au point de croix / Ceux qui ne manqueraient pas un ancien épisode de Derrick repris à la télé / Celui qui passait alors pour le meilleur coup de Lisbonne ce qui lui fait une belle jambe à la veille de son amputation / Celle qui peut témoigner de la vaillance du bel Antonio qui pouvait remettre ça 7 fois ce qu’elle le laissait faire tout en lisant son New Yorker peinard / Ceux qui ne vous remettent pas / Celui qui se remet à ne plus boire / Celle qui n’en revient pas de n’être jamais partie / Ceux qui remettent à jamais voire à plus tard / Celui qui se rapasse tous les 78 tours du Chaliapine de la grande période avant qu’il ne boive / Celle qui se remet à pleurer comme la mousson à pleuvoir / Ceux qui pensent Chine et Indochine pour relativiser leurs mécomptes / Celui qui a constaté que les mécomptes faisaient fuir les amis qui ne comptent pas / Celle qui a tout remis dans la remise / Ceux qui ont vu brûler la remise dans laquelle Aglaé avait remis tous les papiers de l’héritage / Celui qui a remis son costime de communiant pour aller commettre la fornication dans une maison spécialisée du canton d’à côté / Celle qui se remet à sangloter rien qu’à l’idée que Johnny ne puisse pas se remettre / Ceux qui ont mis les clefs de la réussite à leurs fils aînés sans leur dire où qu’était la serrure / Celui qui a repris le droit chemin en attendant mieux / Celle qui tremble à l’approche de celui qu’elle désire ah que la vie est compliquée Daisy / Ceux qui ont connu la tramelote nommée Daisy / Celui qui remet sa camelote dans le circuit / Celle qui fait la chèvre dans le film osé évoquant Les amours de M. Seguin / Ceux qui se remettent à déconner grave / Celui qui préfère le cresson et Monteverdi / Celle qui garde ses lunettes pendant le gang bang / Ceux qui arrêtent de déconner allez faut qu’on aille gouverner, etc.

    Image : Philip Seelen

  • Lionel Baier voit double

    Baier.jpgÀ voir aujourd'hui au cinéma Capitole, à Lausanne, sous l'égide de la Cinémathèque: deux nouveaux films de Lionel Baier. À 19h, Toulouse, et à 21h. Low Cost (Claude Jutra), découvert cet été au Festival de Locarno. Deux projections en présence du réalisateur. Entrée gratuite, sur réservation...



    Commencé en juin dernier, achevé à la veille de sa projection par l’auteur dans sa chambre d’hôtel à Locarno, Low cost, entièrement tourné avec un téléphone portable, durant une dizaine d'année, constitue plus qu’une performance acrobatique : un véritable poème cinématographique, à la fois rapide et léger, mais non moins grave et juste dans son évocation du bilan existentiel prématuré d’un protagoniste (David Miller) averti de la date de sa mort.

    Ce David est un avatar évident de Lionel Baier, mais le petit jeu des identifications est sans importance dans ce chant à la mémoire s’efforçant de capter la beauté fugace du monde et de rassembler les images d’une vie ressuscitée magiquement par le cinéma.

    De Cabourg (!) à Lausanne et de Paris à certain pont de Montréal d’où Claude Jutra, le cinéaste quebecois atteint d’Alzheimer s’est jeté, au fil de rencontres (le frère de David, sa mère, un ancien ami, un stoppeur, d’autres encore), de remémorations et de séquences multipliant les effets de réel, sans oublier la superbe bande-son (peut-être juste un peu trop belle par rapport au grain de l’image, a remarqué Renato Berta dans le débat suivant le film…), Lionel Baier est parvenu à transcender les limites de son outillage minimal au fil d’une narration éminemment cinématographique.

    À la réflexion sur le « bon marché » de nos vies, qui le « retourne » bonnement par le truchement de l’attention poétique à l’instant, s’allie une sorte de ressaisie phénoménologique du prix de la vie, précisément, pleine de tendresse et d’humour aussi. Bien plus abouti que le même exercice accompli l’an dernier par Pippo Delbono, Low Cost (Jutra) nous emmène plutôt, sans imitation ni pastiche, du côté du dernier Godard de Film socialisme ou d’Alain Cavalier dans son Filmeur, avec une patte vive qui n’est que de Lionel Baier, poète de cinéma… 


  • La furia d'un jeune écrivain

    Meyer3.jpgÀ propos de Wagner ≠ 1  de Sébastien Meyer, jeune auteur et éditeur romand qui en veut.

     La lecture de ce petit livre ardent et pur de Sébastien Meyer, âgé de 22 ans, m’a rappelé une phrase fameuse de Paul Nizan, qui amorçait ainsi son premier récit Aden Arabie, en  1931 : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie ».

    Cette phrase nimbée de sombre romantisme, à nos vingt ans de soixante-huitards, nous parlait toujours alors que les vingt ans de Paul Nizan, vers  1925, l’avaient vu passer du premier parti fasciste français, du genre socialiste-révolutionnaire, au parti communiste avec lequel il rompit en 1939 à la signature du pacte germano-soviétique, désormais considéré comme un traître, vilipendé par Aragon et consorts, pour être tardivement réhabilité à la fin des années 1970, dix ans avant la naissance de Sébastien Meyer…

    Or curieusement, malgré tout ce qui sépare évidemment des jeunes gens de 1925, 1968 et 2008, et sans réduire pour autant ce qui les rapproche à « la jeunesse », la citation de Paul Nizan m’a semblé retrouver sa pleine validité au fil du récit d’Alexandre Wagner, jeune révolté immédiatement campé en posture d’échappée par un premier message jeté à la machine à écrire sur un bout de papier : « Une chose était certaine : je ne pouvais pas rester. Il fallait partir. Fuir ».

    D’emblée en effet sont opposées une vie faite de «trop de défaites accablantes » et de « réussites insipides », et l’alternative d’une existence « intense et vibrante jusqu’à l’agonie, jusqu’à l’épuisement total, jusqu’à l’anéantissement absolu ».

    Or c’est à proportion de l’intensité de son élan vers ces grandes notions abstraites – que ses aînés projetaient dans les idéaux politiques et les utopies diverses –, que notre solitaire  incarnera bel et bien son impatience de vivre « autrement ».

    Survivant  en traduisant des textes pour le Courrier international, Alexandre se trouve en contact permanent avec le monde comme il va, ou plutôt ne vas pas. Toute velléité révolutionnaire retombée, il imagine cependant l’alternative d’une réalité microsocpique  plus habitable, où il puisse « chorégraphier» son présent. Cette intuition d’une vie « dansée » sera d'ailleurs déterminante dans son futur proche, alors qu’il se rend compte que seuls les autres le tireront de son impasse stérile. Mais que faire « avec des secs, avec des graves, avec des étriqués », et comment se contenter des errances d’un « vulgaire prédateur des nuits alcoolisées » ?

    Or voici que quelques rencontres, d’une première Ludivine le poussant au bout de ses retranchements sensuels, puis d’un groupe fusionnel de danseurs, fille et garçons, et d’une femme plus âgée - cette Maud étonnante de présence qui a la vie derrière elle et l’aide à se libérer de son carcan de cérébral tourmenté -, vont le pousser à se révéler à lui-même en s’affirmant et plus encore : en s’incarnant bonnement.

    Tant par la dégaine du livre, relevant de l’artisanat sommaire (plus de rigueur dans les corrections ne gâterait rien, et l’on aimerait bien savoir de qui sont les lavis qui l’illustrent…), que par son contenu, Wagner ≠ 1  séduit et impressionne par une sorte d’affirmation d’indépendance d’une complète fraîcheur, qui n'exclut ni la gravité ni des pointes d'humour toniques. Surtout, il y a là un vrai talent qui a fait de grands pas après un premier livre, une vraie rage de survivre et de s’exprimer, quelque chose qui sent bon la littérature et le bel âge retrouvé de nos éternels vingt ans, sans la moindre nostalgie pour autant.

    Meyer1.JPGSébastien Meyer. Wagner ≠ 1. Editions Paulette, 102p.

  • Femina raffiné

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    Ces dames choisissent La vie est brève et le désir sans fin,  au 6 e tour.

    C’est en beauté que le coup d’envoi  des grands prix littéraires de l’automne parisien a été donné hier, avec l’attribution du Prix Femina à Patrick Lapeyre, pour un roman déjà célébré par la critique : La vie est brève et le désir sans fin, paru aux éditions P.O.L. Dans la foulée, on relèvera ce nouvel hommage rendu à l’éditeur Paul Otchakovsky-Laurens, dont la maison fut gratifiée du Goncourt en 2008 avec Terre de patience d’Atiq Rahimi.

    Or c’est également dans le registre de la sensibilité poétique raffinée que se situe le nouveau roman de Patrick Lapeyre, déjà connu du public. De fait, rappelons que L’Homme-sœur, paru en 2004, lui valut le Prix du Livre Inter et qu’il devint best-seller.  

    Variation sur le thème de la passion mimétique et obsédante que deux hommes vouent à la même femme, qui ne voit aucun des deux l’aimer comme elle le désirerait, La vie est brève et le désir sans fin vaut part son thème autant que  par la subtilité de son élaboration et la qualité, « proustienne », de son écriture fluide, limpide, suggestive et comme nimbée de mélancolie.  

  • Besoin d'Amériques

     

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    Que se passe-t-il ?  Et comment le dire ? Que nous arrive-t-il ? Qu’est-ce que le monde actuel ? Comment le décrire ? Que faire ?

    Meyer3.jpgTelles sont les questions de toujours qui se reposent aujourd’hui aux écrivains de tous âges et de partout. D’un début de siècle à l’autre, le Que faire ? lancé en 1902 par Lénine se charge cependant d’un nouveau sens après la faillite des idéologies totalitaires et des utopies tous azimuts, alors que tout semble se relativiser dans l’universel micmac. Ainsi tel petit livre tout récent, du plus jeune de  nos écrivains, Sébastien Meyer, vingt ans et des poussières, relance-t-il la question avec la candeur impatiente d’un enfant du siècle : « Que nous reste-t-il ? Que reste-t-il à faire qui n’ait déjà échoué ? »

    Lui répondrons-nous, comme tant de désabusés, que tout a déjà été fait, dit et écrit, et que plus rien n’est à attendre désormais ? Et pourquoi lui accorderions-nous la moindre attention ? Y aurait-il donc encore quoi que ce soit à découvrir ? 

    Ya t-il encore des Amériques à découvrir ?

    C’est la question qui me revient avec la déferlante de chaque nouvelle rentrée littéraire, et cet automne 2010 l’aura relancée avec une ironie particulière puisque les traductions de l’américain y foisonnent en effet et que Prix Nobel de littérature est revenu au Péruvien Mario Varga Llosa. Mais les Amériques que nous rêvons encore de découvrir se bornent-elles à la littérature du Nouveau-Monde ? Sûrement pas !

     

    Douna21.jpgC’est ainsi que, ce matin d’été indien, l’une de mes découvertes porte le nom de Douna Loup, dont le premier roman, L’Embrasure, m’a ramené  au seuil de mes Amériques, quand à seize ans j’ai commencé de lire, trouvé par hasard dans la bibliothèque familiale, ce gros bouquin dépenaillé, paru chez l’éditeur lausannois Marguerat et dont le titre, La Toile et le Roc, me semblait ne vouloir rien dire et m’attirait pour cela même,  aussitôt captivé par la prose de ce Thomas Wolfe dont j’ignorais tout, et rebondissant bientôt à la vitesse des mots destination New York où grouillaient de toute évidence le vrai monde et la vraie vie.

    Douna Loup m’a tout de suite rappelé en outre, fût-ce à sa petite échelle de débutante,   les  Amériques de Céline et de La Bouche pleine de terre de Branimir Scepanovic, les Amériques de Paul Morand et d’Agota Kristof, avec ses mots précis et inattendus , ses mots enfilés sur des cordes tendues ou des lianes souples, ses mots et ses phrases qui vont direct au corps et au cœur et à l’esprit et à l’âme puisqu’il y a à n’en pas douter une âme derrière les mots ou au bout des mots, avec autant de mystère.

    La forêt du chasseur de Douna Loup m’a tout de suite rappelé la forêt de La Bouche pleine de terre, surtout quand le chasseur découvre celui qui s’est laissé mourir sous les arbres par goût de l’absolu.

    Or cette forêt où s’enfuir se retrouve dans le petit livre de Sébastien Meyer dont le protagoniste aspire à « poursuivre le rêve d’une existence intense et vibrante jusqu’à l’agonie, jusqu’à l’épuisement total, jusqu’à l’anéantissement absolu ».

    Kerangal.jpgEt la même forêt magique nous attend aussi au cœur des ténèbres incandescentes de Naissance d’un pont, dernier roman paru de Maylis de Kerengal, peut-être le plus beau livre français de cette année, dont la ville à la fois hyper-réelle et mythique , au bord du fleuve et au seuil de la forêt, dans le désordre organisé des hommes et sous le ciel immense, brasse le goût et le dégoût des hommes entre l’immanence et l’absolu.

    Mes  Amériques sont en effet liées à ce goût de l’absolu qui brasse les saveurs et le dégoût du monde, et c’est ce goût des choses rendu par les mots que vivifie immédiatement l’écriture inouïe (au sens propre de jamais entendue) de Douna Loup et de Maylis de Kerangal , ce goût des mots qui ont du fruit et de la bête dans ce monde où tout a un nom précis, jusqu’au mystère.

    °°°

    Ramuz1 (kuffer v1).jpgVous commencez de lire Aline de Ramuz - ce serait votre  Amérique de naguère -, vous vous  lancez à dix-huit ans et des poussières dans ce premier roman d’un tout jeune homme aussi, et vous vous  le rappellez comme de ce matin : c’est ça, c’est là, c’est comme ça, la vie, la beauté et la cruauté de la vie sont comme ça, la vie de cette jeunote de peu qui s’amourache du fils du notable du coin, lequel  la saute, l’engrosse et l’abandonne, la poussant finalement au suicide -  c’est l’histoire de toujours et de partout, comme Roméo et Juliette à Vérone ou au village, tout ce qu’on apprend en rêvant d’Amérique pour buter sur la réalité qui est, en somme, le grand sujet de L’Embrasure et de Naissance d’un pont, la beauté et la cruauté de la vie et peut-être l’amour là-dedans qui se faufile comme la biche au bois.

    Flannery.gifTrois sacrées bonnes dames nous ont beaucoup appris de la réalité, je veux dire : ces bonnes dames d’Amérique qui ont pour nom Flannery O’Connor, Patricia Highsmith et Annie Dillard, toutes trois réalistes à mort et suivant, chacune à sa façon, les voies impénétrables de la poésie : par le frénétique et joyeux exorcisme du mal dont  la sainte et diabolique Flannery s’était fait la sarcastique spécialiste, par l’attention panique et médiumnique à la médiocrité quotidienne de la « poétesse de l’angoisse » que fut Patricia Hisghmith, selon le mot de Graham Greene, ou par la pénétration spirituelle et religieuse de tous les paradoxes de la nature animale, humaine ou cosmique telle que l’exerce la pensée inspirée d’Annie Dillard.    

    Notre besoin d’Amériques est un besoin vital de poésie qui est aujourd’hui nié par les bruyants, les distraits, les inattentifs que nous sommes tous plus ou moins. Cette poésie est immédiatement perceptible dans toutes les nouvelles de Flannery O’Connor, dans Les braves gens ne courent pas les rues ou dans Mon mal vient de plus loin, comme elle l’est dans l’épopée quasi légendaire  des Vivants d’Annie Dillard, dont les pionniers réapparaissent dans Naissance d’un pont, dans les milliers de pages de Thomas Wolfe évoquant à la fois l’Ancien Testament et préfigurant la Trilogie américaine de Philip Roth, ou dans celles de Paul Morand dressant New York devant nous, dans la transe musicale du Voyage au bout de la nuit ou dans la fuite éperdue du désespéré de La bouche pleine de terre dont la sombre fable renvoie à celles de Faulkner.

    Powys2.jpgTout communique sur la planète Littérature : tout n’est certes pas égal mais on peut s’imaginer qu’un seul livre se tisse par tous, qui raconte notre histoire commune, ainsi que l’exprimait John Cowper Powys : « Un homme peut réussir dans la vie sans avoir jamais feuilleté un livre, il peut s’enrichir, il peut tyranniser ses semblables mais il ne pourra jamais voir Dieu, il ne pourra jamais vivre dans un présent, qui est le fils du passé et le père de l’avenir, sans une certaine connaissance du journal de bord que tient la race humaine depuis l’origine des temps et qui s’appelle la Littérature.

    °°°

    Le toujours incontournable Ramuz, rejetant toute idée d’une littérature nationale découlant d’une idéologie identitaire exclusive et fermée sur elle-même, n’en revendiquait pas moins, à la fin de la méditation fondatrice de Raison d’être, datant de 1914, la légitimité d’une littérature où l’ici et le maintenant ne fussent pas bornés par des frontières et autres drapeaux. « Mais qu’il existe, une fois, grâce à nous, un livre, un chapitre, une simple phrase qui n’aient pu être écrits qu’ici, parce que copiés dans leur inflexion sur telle courbe de colline ou scandés dans leur rythme par le retour du lac sur les galets d’un beau rivage, quelque part, si on veut, entre Cully et Saint-Saphorin, - que ce peu de chose voie le jour et nous nous sentirons absous. »

    Moeri2.jpgOr il me plaît, en ce matin d’été indien, de marquer un fort contraste de générations et de mentalités en reliant ce « beau rivage » de Ramuz à l’actuel bourg lacustre de Cully où se passent, précisément, les épatantes nouvelles de Tam-tam d’Eden d’Antonin Moeri, à vrai dire fort peu soucieux de s’en tenir au « peu de chose » poétique de Ramuz, pour traiter une matière en somme «mondialisée», comme le fait aussi Jean-Michel Olivier dans L’Amour nègre. De fait, c’est bien loin de ce qu’on a appelé « l’âme romande », dont Ramuz a été le supérieur parangon avec Gustave Roud, que ces auteurs évoluent désormais, ces deux-là brillant particulièrement dans l’observation « panique » de la société contemporaine telle que la pratiquent un Bret Easton Ellis, dont L’Amour nègre s’inspire assez clairement, ou un Michel Houellebecq, duquel Antonin Moeri est également proche.

    Que se passe-t-il autour de nous ? Quelle mutation se prépare - quelle régression ou quelle avancée dont la littérature établie, notamment française, ne dit à peu près rien ? Mais aussi, qu’attendre des graves Cassandre qui concluent à la nullité de tout ce qui s’écrit aujourd’hui, tirant derrière eux l’échelle sacrée ?

    Après avoir lu Naissance d’un pont de Maylis de Karanval et  L’Embrasure de Douna Loup, comme en lisant Tam-tam d'Eden d’Antonin Moeri et L’Amour nègre de Jean-Michel Olivier, après avoir lu La carte et le territoire de Michel Houellebecq, je me suis dit ce jours, et je me le répète ce matin d’été indien : qu’il nous reste décidément des Amériques à découvrir – un vif besoin d’Amériques.

     

    Ce texte constitue l'ouverture-manifeste de la prochaine livraison du journal littéraire Le Passe-Muraille. No 85, novembre 2010. Consultez notre site et abonnez-vous: http://www.revuelepassemuraille.ch/

      Image: Philip Seelen

     

     

     

     

  • La nuit maudite

    LocarnoPasolini.jpgLa notte quando è morto Pasolini, de Roberta Torre. (Italie).
    Tandis qu’un employé des archives criminelles romaine déballe les sacs de plastique remplis des derniers vêtements portés par Pier Paolo Pasolini la nuit où il fut massacré, un quinquagénaire à gueule carrée et grêlée, du nom de Pelosi, raconte ce qu’il a vu et vécu en sa qualité de dernier partenaire nocturne du grand cinéaste et poète. On sait aujourd’hui que le personnage n’a pu être seul impliqué dans le meurtre de Pasolini. Sa rétractation complète, après des années de prison, et les accusations qu’il porte aujourd’hui, longtemps après la mort des probables coupables, contre les vrais assassins qui le terrorisèrent avant de le livrer aux flics, reste entourée de mystère. Son témoignage n’est est pas moins troublant et même bouleversant quand il détaille la scène du lynchage de l’artiste maudit. Plus encore, l’art de Roberta Torre sublime le seul document.