D’aucuns vont prétendant que le brouillard est l’ennemi Numéro Deux, après la pluie givrante, de la déambulation radieuse. Or je m’inscris en faux contre cette vision des choses. Le brouillard, que Gustave Roud disait le Seigneur de l’Automne, et qui agit à vrai dire quand il veut et partout où il veut, jusqu’à Salamanque - le brouillard est un révélateur de visions précisément.
De ma fenêtre haute de Sent, en basse-Engadine, d’où se déploie ordinairement la vue du val splendide à tendres gazons jusqu’au château de Tarasp, sous le promontoire duquel l’Inn descend en gracieux méandres dont les multiples S annoncent Scuol et Seraplana et Sbruck en Autriche, on ne voyait ce matin-là qu’une grande présence de velours de suie aux reflets d’anthracite et j’étais comblé : je me revoyais en Cornouailles et à Salamanque.
Le brouillard de Cornouailles est aussi remarquable, on le sait, que celui qui remonte soudain le long des flancs du Machu Pichu, mais le brouillard le plus étonnant au monde (in the World) est le brouillard à Salamanque, qui flotte à moyenne hauteur de passants et coupe ceux-ci à la taille, au tronc ou à fleur de tête, produisant dans ses meilleurs moments d’intéressantes variations de Magritte.
A Sent, ce matin-là, le brouillard était également inventif, traversé de longues grandes formes inquiètes cheminant comme des âmes en peine, sans doute sortie des légendes du Trentin voisin, peut-être montées des contes de Dino Buzzati, soudain dissipées par un coup de dague de la lumière matinale ouvrant une faille vers les hauteurs de Guarda, à trois coups d’ailes de choucas, et de nouveau plus rien, autant dire : tout à imaginer…
Commentaires
Que d'invention de la part des météores pour nous reposer du monde ; la nuit, la pluie, la brume, la neige... C'est ce qui nous manque parfois, au sud...
Vu de la Désirade ça va mais des semaines d'affilée, en plein dedans, un automne entre St Julien et Genève, c'est déjà moins romantique.
Mille excuse car moi qui suis plutôt contemplatif d'habitude (d'où ma lecture goulue de cet article), je ne peux m'empêcher, à moins de me nouer le cerveau à l'ancre du Titanic, d'écrire ces quelques mots.
S'il est un éloge à faire ce serait le vôtre mais je n'ai le talent de personne et ne suis qu'un voyageur égaré dans le monde de l'écriture.
Mes rêveries de ce jour, masqueront pour un temps leurs images de forêt, de fantastique et de chevalerie pour ne peindre qu'une scène brumeuse dans laquelle tout est suggéré, à découvrir...
Grâce à vous.
A bientôt ici ou ailleurs.
Quant on dit grâce à celui-ci ou celle-là, camarade, c'est déjà ça de gagné. Grâce à qui ? C'est très haut qu'il faut remonter, les enfants... Ne cessons pas de rendre grâces: c'est ça qui nous grandit la moindre, quand chacun veut son quart d'heure de célébrité débile...
Qu'est ce qu'un quart d'heure face à l'infini du regard d'un enfant! Je trouve ma gloire ou ma grâce, dans leurs yeux... Ils sont ma seule fierté, tellement plus délicieuse qu'une quelconque célébrité.
A bientôt ici ou ailleurs.