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Les anges de la dèche

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Le Paradis des chiots de Sami Tchak, Prix Kourouma 2007.

 Avec son cinquième roman, Le paradis des chiots, consacré à Genève par le Prix Kourouma 2007, Sami Tchak donne une polyphonie à trois voix alternées qui marque une avancée importante dans son art de prosateur. D’emblée, par la voix du petit Ernesto, dont la mère vend ses charmes pour survivre, l’écrivain nous plonge dans l’univers à la fois cruel et débordant de vitalité d’une favela sud-américaine, qui a valeur de symbole universel. C’est en effet aux enfants des Damnés de la terre, pour rappeler le titre de l’essai polémique de Frantz Fanon, que l’on pense en lisant ce livre foisonnant dont l’écriture très rythmée, célinienne sur les bords, saisit par sa musicalité et sa puissance expressive.

- Que représente Ahmadou Kourouma pour vous ?

- Lorsque j’ai lu Le soleil des indépendances, j’ai été frappé par sa langue si expressive et si nourrie par notre culture africaine, qui « travaille » la langue française comme je voudrais la travailler. Par ailleurs, il y a un lien de filiation entre mes personnages et les enfants-soldats d’Allah n’est pas obligé, qui remonte aussi à l’enfant de La vie devant soi de Romain Gary, que je citais dans mon premier livre

- Quelle a été la genèse du Paradis des chiots ?

- A l’origine, c’est un travail avec l’artiste colombienne Constanza Aguirre, qui m’a poussé à me plonger, sur place, dans l’enfer d’El Paraìso, un quartier de la périphérie de Bogota dont j’ai rencontré longuement les bandes. J’ai pu fréquenter ces quartiers très dangereux grâce à mon statut personnel d’Africain au visage scarifié, qui leur apparaissait comme un semblable dont il était difficiel de tirer une rançon…

- Pourquoi le roman plutôt que l’étude du sociologue ?

- De la sociologie, mon travail n’emprunte que l’ « observation participante ». Sinon, ce que je voudrais exprimer, au-delà de tous les reportages qui ont été réalisés sur la terrible réalité des gosses de la rue, c’est l’extraordinaire soif de vie que montrent ces enfants, même s’ils ont peu de chance de survivre longtemps. Il y a aussi chez eux de l’amour, de la tendresse, des règles de fidélité qui se recomposent malgré la violence des relations. Or tout cette vie se traduit par le langage, que je m’efforce de restituer à ma façon, pour rappeler aussi que la dèche des enfants est partout pareille, et que la littérature peut l’exprimer par transfert d’émotion.

- Que pensez-vous du nouveau concept de la « littérature-monde » ?

- J’ai d’abord pensé que cela pouvait être intéressant, par rapport au centralisme parisien. Mais je me dis que la littérature véritable a toujours été « le monde », que ce soit le Dublin de Joyce ou Le Caire de Mahfouz. Je me demande en outre si ce manifeste ne cherche pas à pallier le fait qu’actuellement aucune grande voix ne se fait entendre en langue française, qui soit comparables à celles d’un Naipaul, d’un Coetzee, d’un Salman Rushdie ou d’un Philip Roth ?

Propos recueillis par J.-L.K.

Sami Tchak. Le paradis des chiots. Mercure de France, 222p. 

Portrait de Sami Tchak: Florian Cella.

Cet entretien a paru dans l'édition de 24Heures du 5 mai 2007.

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