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Contre savantasses et faux-culs

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Les Femmes savantes selon Philippe Mentha, c’est toute la verve cinglante de Molière dirigée contre les cuistres et les tartuffes, modulée avec malice. Un régal à savourer à Kléber-Méleau

On rit de bon cœur en assistant, une fois de plus, au gorillage de l’affectation pédante et de l’hypocrisie puritaine que stigmatise Molière dans Les Femmes savantes. Ce cher Poquelin se moque-t-il de la femme qui aspire à s’instruire et à s’émanciper de sa seule condition ménagère ? Bien plutôt, visant autant l’homme que la femme, il brocarde la cuistrerie et, plus grave, l’hypocrisie des dévots qui prônent le tout-Esprit pour mieux exercer leur pouvoir. Trois siècles après la création de la pièce (en 1672, un an avant la mort de Molière) la critique est toujours pertinente. Il n’est que de remplacer Trissotin par le docteur Lacan adulé par un parterre de snobs, entre autres exemples impliquant les nouvelles dévotions et les nouvelles censures.
Ainsi que le rappelle Philippe Mentha, Molière, qu’on a parfois taxé de misogynie, ne délivre pas ici un « message »: il incarne un débat ou le bon naturel (Henriette) se défend contre la pose savantasse (sa mère, sa tante et sa sœur aînée), où la sincérité de l’amour (Clitandre) s’oppose à la convoitise (Trissotin), où la culture vécue (populaire avec Martine, aristocratique chez Clitandre) bat en brèche la fatuité sorbonicole. Si le contenu polémique de la pièce est d’époque, sa défense du sens commun nous parle, autant que nous font toujours rire les figures de la femme-dragon et du mari jouant les coqs en son absence et se faisant tout chapon dès qu’elle rapplique.
Il y a 28 ans de ça, en novembre 1979, la nouvelle troupe de Renens jouait son existence, sans subvention, sur une magistrale réalisation de Tartuffe, annonçant déjà un style « maison », avec une interprétation apparemment traditionnelle mais non moins originale par ses accentuations, et un somptueux décor « en dur » de Jean-Marc Stehlé. Avec ces Femmes savantes d’aujourd’hui, Philippe Mentha règle une mise en scène également classique de tournure, mais épurée et portée par un souffle tonifiant. Ainsi de la joute inénarrable de Clitandre et de Trissotin, qui se déroule… dans la chambre à coucher de ces dames. Si le comique est parfois accusé jusqu’au grotesque (les scènes du sonnet ou de la bisbille des pédants), c’est à bon escient, et le ridicule ne tue aucun personnage, sauf l’affreux Trissotin, cagot vaniteux auquel Christian Gregori donne la triste mine glaçante d’un démon mesquin.
Dans les rôles principaux, Séverine Bujard est une formidable Philaminte, à la fois écrasante et jovialement décalée dans son rôle de bas-bleu contraint en sa plantureuse chair. On voit bien aussi que le tempérament impétueux d’Armande est en contradiction avec ses poses « philosophiques », comme le fait sentir Virginie Meisterhans. Punie d’avoir snobé Clitandre (Juan-Antonio Crespillo, superbe lui aussi en fougueux jeune homme lucide et loyal), elle souffre de ce que celui-ci ait rabattu sa flamme sur sa sœur Henriette, campée avec grâce et malice par Alexandra Tiedemann. Quant au Chrysale de Philippe Mentha, il est non moins attachant, jusque dans sa faiblesse, que son frère Ariste, autre honnête homme que Nicolas Rinuy campe avec une élégance virevoltante. Mais il faudrait citer tout le monde, Samy Benjamin épatant en Vadius, Fabienne Guelpa en Bélise ou Hélène Firla en Martine (en alternance avec Lise Ramu), notamment. La scénographie de Gilbert Maire est aussi du pur Kléber-Méleau, de même que la musique de Daniel Perrin et les beaux costumes de Patricia Faget. Autant parler de pleine réussite, saluée debout par le public de la première…

Renens. Théâtre Kléber-Méleau. Les femmes savantes, jusqu’au 29 mai. Loc : 021 625 84 29.

Cet article a paru dans l'édition de 24Heures du 26 avril 2007.

Commentaires

  • A Molière.... Il pourrait revenir écrire quelques belles pièces sur les médecins actuels. Si la technique médicale a beaucoup évolué, les comportements sont toujours les mêmes!

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