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Sollers à Samos

Le Mystère du Présent

Que s’était-il passé à Santorin ? A quels jeux s’étaient donc livrées Ludi et Nelly pendant que Sollers cuvait sa biture de Mykonos ? N’était-ce pas la main de Ludi qui avait graffité, dans la langue de Rabelais et Minou Drouet, sur un mur immaculé du bourg donnant sur le cratère immergé, l’impertinente inscription en lettres bleu cobalt : STAVROS M’A BAISER ?
Le vent des îles bienheureuses n’est pas à l’instant présent le même qu’il y a une mortion de pinute, avait conclu Sollers en enjambant les flots de Patmos, où il salua les mânes de l’Evangéliste, avant de reprendre, à Samos, les notes qu’on trouve consignées aux pages 473 et 474 d’ Une vie divine, qu’il n’est donc que de citer.
Sollers imagine alors que M.N., personnage hybride et diachronique dont les initiales représentent le clone bicéphale de Friedrich Nietzsche et de lui-même en personne, décide de faire passer le début de l’Evangile de Jean de l’imparfait au présent.
« L’effet est considérable », commente Sollers. « Comme dit l’Autre (c’est ainsi que le néocatho partageant avec le nouveau pape le goût du clavecin et de Mozart appelle le Palestinien Iéshouah, Notre Seigneur) à plusieurs reprises : l’heure vient et c’est maintenant ».
« Ici, maintenant, au commencement, est le verbe
Et le verbe est avec dieu
Et le verbe est dieu.
Il est sans cesse, sans commencement ni fin, avec dieu.
Tout est par lui,
Et sans lui rien n’est.
Ce qui est en lui est la vie,
Et la vie est la lumière des hommes,
Et la lumière luit dans les ténèbres
Et les ténèbres ne la saisissent pas »
Et Sollers de développer ce commentaire qui me semble un des plus beaux passages d’Une vie divine :

« Comparez avec l’imparfait, qui appelle forcément un futur : ce n’est pas du tout la même chose. Ainsi parle, ici et maintenant, le verbe, le dieu, la vie, la lumière. Pas besoin de majuscules, ça ralentirait la percée. Tout le reste est ténèbres, ou plutôt n’est pas. Les ténèbres ne saisissent pas ce que je viens de dire. Le plus mystérieux, c’est le temps qu’il faut pour se dire : cette minute, je l’ai déjà vécue un nombre incalculable de fois et je vais la revivre éternellement. Résultat : l’encre, la plume, le papier, l’encre en train de sécher sur le papier, merveille ».
Et cela enfin pour achever cette oraison des îles et de partout que je recopie à l’instant à La Désirade en face des monts enneigés et du lac argentin : « Là où je suis maintenant, la brise nord-est, ma préférée, apporte tout l’océan avec elle. Ne le répétez à personne, mais j’ai de plus en plus le sentiment que les arbres me parlent. Pas tous, certains. Les acacias, par exemple. Vous parlez l’acacia ? Couramment. Depuis quand ? Depuis toujours, mais de mieux en mieux, il me semble »…

Commentaires

  • " C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas " note Hugo dans son exil.

    JE N'ÉCOUTE PAS, parce que je n'ai pas le temps de la contemplation, tout à ruminer mes peurs d'homme sérieux.
    JE N'ÉCOUTE PAS, parce que je suis content d'être bien hermétique, n’ayant jamais fait l’expérience de ma porosité dans le corps du monde. " Elle se souvient de moi, la musique, c'est elle qui m'écoute en me traversant " (le mélomane Sollers : "Le Cœur Absolu")
    JE N'ÉCOUTE PAS, parce que je me crois affranchi (c'est à moi que Socrate s'adresse à la fin du " Phèdre " : " Les prêtres du temple de Zeus à Dodone ont bien assuré que c'est d'un chêne que sont sorties les premières prophéties ! Ainsi, les gens de ce temps-là, parce qu'ils n'étaient pas des savants comme vous autres, les modernes, se contentaient, dans leur naïveté, d'écouter la voix d'un chêne ou d'une pierre, pourvu seulement que cette voix fût véridique ; mais pour toi, l'important, probablement, c'est qui est celui qui parle, de quel pays est-il ! "
    JE N'ÉCOUTE PAS, parce j'ai décrété que je ne faisais pas partie de la nature mais de l'antiphysis (la nature c'est le règne de la loi du plus fort, de la sélection, du déterminisme aveugle, etc.).
    JE N'ÉCOUTE PAS, parce que je ne perçois pas de lien entre le dehors et le dedans, et ne peux comprendre qu’un Bonnard fasse rimer la trille floconneuse du mimosa avec son deuil interminable.

    Heureusement, il arrive que des égarés, non contents d’entendre le chant de la nature, cherchent à déboucher mes esgourdes. Par exemple Morihei Ueshiba, l'inventeur du combat d'amour, me raconte-t-il l’illumination qui le confirma dans sa mission, au milieu de son jardin : " J'eus tout à coup la sensation que l'univers tremblait soudainement et qu'une énergie couleur or s'élevait de la terre et entourait mon corps d'un voile, le transformant en un corps d'or. À ce même instant mon corps et mon esprit devinrent lumineux. Je pouvais comprendre le chant des oiseaux et j'eus conscience de la pensée de Dieu. "

  • Il suffit de faire un pas de côté... et on peut presque entendre la Valse joyeuse des particules élémentaires...

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