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Laboratoire de Michel Houellebecq

 

Lecture de La possibilité d'une île (2)


A La Désirade, ce mercredi 31 août. – J’ai beau ne pas voir du tout le monde et les gens comme les voit Michel Houellebecq : je n’en suis pas moins captivé par la lecture de La possibilité d’une île, comme je ne l’avais plus été (j’excepte le merveilleux Dictionnaire égoïste de la littérature française de Charles Dantzig) depuis des mois par un ouvrage contemporain, je dirais : Elizabeth Costello de J.M. Coetzee.
Michel Houellebecq n’a pas encore l’âge de Coetzee et moins encore celui de la vieille protagoniste débonnaire et fine fée de ce magnifique roman du vieillissement, mais La possibilité d’une île est aussi une affaire d’âge et de vieillissement. Après ces livres de vieux ados branleurs en mal d’extase que me figurent Extension et Les particules, et le feuilleton de trentenaires raplaplas de Plateforme, ce nouveau livre traduit à la fois l’angoisse du vieillissement personnel du protagoniste et le sentiment latent en Occident d’une lassitude à la fois physique et métaphysique, la fameuse ère du désenchantement dont parle Marcel Gauchet, mais ici vue de l’autre bout des siècles, comme par un ange.
Plusieurs de mes chers confrères (un Jacques-Pierre Amette ou un Pierre Assouline, pour ceux qui se sont déjà s’exprimés) disent s’ennuyer en lisant La Possibilité d’une île. Eh bien pas moi : ce livre me passionne, et d’abord par son ton, à la fois sérieux et mélancolique, malicieux et tendre sous ses aspects ici et là provocateurs. On cherche déjà noise à l’auteur en recensant les « petites phrases » lâchées par Daniel 1 illico attribuées à l’auteur, à propos de Nabokov, Onfray, les Arabes-Juifs-Chrétiens et autres « jeunes pétasses », sans dire que tout ça procède d’un magma existentiel dans lequel le discours trivial du corps se mêle au corps du monde. Pour ma part, je ne vois que Witkiewicz qui ait si bien parlé des rapports entre le corps et la conscience, le sexe et l’esprit, les caresses et les sentiments, la course de rat de l’individu et les transformations sociales significatives en phase avec le climat, la perte du sens du sacré en phase avec le choc des nouveaux savoirs.
Tout ça, tressé, fondu dans un récit beaucoup plus fin et délicat qu’il n’y paraît (l’honnête homme traditionnel et la gente dame seront évidemment choqués par maintes expressions de la novlangue con-cul-bite au goût du jour, mais il faudra qu’ils s’y fassent avant qu’on ne parle d’autre chose…) et qui laisse à chacun la liberté de « se » penser.
La possibilité d’une île est un formidable réceptacle d’observations, procédant d’une grande curiosité inquiète. De tout le reste je me fiche bien : de tout ce qu’on dira de ce livre en le jugeant d'avance ou sans le lire. Ce que je sais, c’est que j’y trouve mille fois plus de notations intéressantes que dans tous les romans réunis de M. Rinaldi si bellement écrits, n’est-ce pas, et que même en désaccord sur de multiples points, même partageant la défiance de Nancy Huston envers les « professeurs de désespoir », ce livre me semble plus vivant, plus tonique, plus excitant, plus stimulant que des tonnes d’ouvrages actuels mieux peignés.
Dans un premier temps, j’ai resserré le fruit de ma première lecture dans un papier beaucoup trop bref et sous un titre très « fils de pub », mais cela fait partie du jeu, cela aussi, et d’ailleurs j’y reviendrai plus souvent qu’à mon tour…

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