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Mesure de Léautaud

A propos du Petit ami et d'In Memoriam

Aujourd’hui c’est la prose de Paul Léautaud, dont je viens de relire Le petit ami et le bouleversant In memoriam, qui me semble le mieux rendre la vérité de Paris et de cette France douce et dure à la fois, populaire et voltairienne, où l’apparence d’un clochard peut cacher un dandy raffiné. On l’a dit misanthrope et cynique, mais les mots qui lui viennent au fil de la plume, tandis que son père agonise, ne sont pas d’un coeur sec, il s’en faut de tellement de douleur contenue, mais d’un vieil enfant qui en salue un autre dont le visage fait de si drôles de grimaces, et voilà, la vie s’en va, il n’y a pas eu tant d’amour entre nous mais c’est comme ça, on n’en dira pas plus, ni moins, puisque c’est comme ça.


Je lis Le petit ami et cela ne fait pas un pli: je vois notre belle langue française couler de source. C’est la parfaite mesure de l’expression claire et fluide, où le ton le plus naturel module tous les sentiments sans trace de pathos. D’une émotion parfaitement filtrée, c’est un petit livre tout en grâce, mais au fond grave en dépit du côté volage de ses tournures. Son seul défaut, encore que je prenne cela comme un charme supplémentaire, est peut-être ce zeste de préciosité à l’anglaise, ou à l’italienne - disons plutôt à la Stendhal, qui guinde ici et là le naturel. Mais Léautaud avait alors 30 ans et ça lui a passé par la suite.

Dans le Journal particulier, qui est justement d’un homme plus avancé en âge, les mêmes qualités de précision sèche et de netteté s’appliquent au domaine érotique, où le moins qu’on puise dire est que le drôle ne fait pas dans le vaporeux. Ainsi le voit-on trousser debout sa grasse maîtresse dite le Fléau, ou culbuter la dévouée Marie Dormoy, sa secrétaire, sur les piles de manuscrits du Mercure de France. C’est d’une crudité totale, et pas vraiment ragoûtant, mais le souci de noter ce qui est, tel que c’est, me plaît à vrai dire mieux que les fioritures convenues en la matière.

Reste que la mesure de Léautaud est étroite, qui ne connaît ni l’Italie ni la Grèce, ni le baroque allemand non plus que Rembrandt ou Goya, ni les grands écrivains russes ou américains, ni le jazz, ni le cinéma, ni la poésie chinoise, ni les traditions mystiques sous aucune forme - tout cela dont Cingria fait l'inventaire avec malice et raison.



Commentaires

  • Merci Jean-Louis de (re)publier ces notes sur Léautaud que je viens de lire ou relire avec grand plaisir.
    J'ai noté les références des CD.

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